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Dig It! # 17
Woggles     Blind Test

 


BLIND TEST WOGGLES
WOGGLES

    Comme promis et annoncé dans notre précédent numéro, Manfred “The Professor” Jones, screamer des Woggles, nous livre son sentiment sur  quelques morceaux plus ou moins savamment choisis, inaugurant la formule inattendue du blind test par correspondance. Quitte à dévoiler les secrets de fabrication de votre fanzine favori, je vous en livre le processus : nous avons envoyé une cassette au professeur, accompagnée de quelques feuilles, à ne lire qu’après avoir écouté chaque morceau, contenant les références du titres et occasionnellement des questions complémentaires. Manfred a joué le jeu, réagissant donc sur chaque morceau (1), puis livrant quelques commentaires après avoir consulté la réponse (2). Il s’en tire avec son habituel brio, écoutons la leçon.

THE SWAMP RATS
“Psycho”

 "(1) Il est difficile parfois d’améliorer la perfection. Je le sais pour en avoir fait l’expérience, mais il y a des moments où tu peux légèrement déplacer le prisme pour réfracter la lumière de l’inspiration d’une telle façon qu’elle rend les embellissements psychédéliques bien pâles en comparaison. Ceci est une de ces occasions.
 Ce morceau est la version des Swamp Rats du morceau “Psycho” des Sonics. Notre ancien batteur, Pile Driver, est un collectionneur de disques acharné et il avait ce morceau. La première fois que je l’ai entendu c’était chez lui, mais je sais qu’il s’est retrouvé sur un Back From The Grave. J’ai aussi vu une compilation qui est en réalité un split LP avec des morceaux des Swamp Rats sur une face et les Unrelated Segments sur l’autre face (sur Eva Rds).
 A propos des Unrelated Segments, leur morceau killer “Cry Cry Cry” figure aussi sur un Back From The Grave. J’ai toujours pensé que les Cynics avaient fait un bon boulot en le reprenant sur leur album Rock And Roll. On a pensé un moment reprendre “Story Of My Life” simplement parce que les paroles sonnaient vraiment juste.
 La seule chose que je n’aime pas à propos de cette version c’est la répétition idiote du mot “psycho”. Le répéter de cette façon sonne plutôt louche et pas vraiment sauvage, mais la guitare est aussi tranchante qu’un couteau.

 (2) OK, c’est le premier morceau, tu y vas doucement avec moi pour démarrer. Oui, j’ai écouté les compilations Teenage Shutdown. Ma copine est allée les acheter dès qu’elles sont sorties. Ils en ont sorti une autre fournée récemment mais celles-là je ne les connais pas. La plupart des volumes sont d’un sacré niveau. Mon préféré est celui intitulé “Jump Jive & Harmonize”. Je pense que c’est le titre exact. J’irais bien vérifier mais on a déménagé il y a quinze jours. Un des volumes ne m’a pas vraiment accroché mais je pense que cela a plus à voir avec un truc stylistique. Je me fous un peu aussi de cette compil Shutdown 66.
 Tu m’as demandé quelles compilations je recommanderais à quelqu’un découvrant le garage : j’approuverais les compils Teenage Shutdown et Back From The Grave, et je recommanderais aussi certaines des compilations Satan Records, en particulier What A Way To Die. Hey, je pense encore que 90% du double album Nuggets est un excellent point de départ. Beaucoup d’autres compilations ont des mérites variés, mais bien souvent il n’y a qu’un ou deux morceaux vraiment inspirés dans la sélection. Cependant, lorsque ces compilations essaient de couvrir une région donnée, je pense que c’est intéressant, mais comme point de départ il vaut mieux s’en tenir aux compilations dont on a parlé plus haut.

KING COLEMAN
“Alley Rats”

 (1) Tu vois, on vient de parler des Sonics, et ce qui fait en partie leur charme en tant que compositeurs, c’est leur acharnement de jeunes blancs à essayer de jouer le R&B de leur temps. Cela manque cruellement à la “scène Garage” actuelle, si ce terme signifie encore quelque chose. Trop souvent il n’y a tout simplement pas d’âme. Comprends-moi bien, il y a de la rage ou de l’agression, mais pas d’âme. Lorsque cela arrive, tu glisses vers une musique qui est plus proche du mauvais punk rock que du bon rock’n’roll.
 Une autre chose bien trop rare est un solide sens de l’humour. Les groupes qui n’en disposent pas sont souvent fatigant à écouter et parfois même à voir.
 Ce morceau me rappelle ces deux points, parce que de nombreux fans de garage conviendraient sans doute en l’écoutant qu’il est amusant, idiot ou juste OK, mais ces éléments ne sont pas vraiment représentés dans la musique d’aujourd’hui. C’est peut-être une bonne chose car les novelty songs ratées sont aussi sinistres, mais cette musique est bien toujours supposée être amusante, non ? Je l’espère.
 Avec tout ceci à l’esprit cette chansonnette évoque une salle enfumée et suintante, et des couples en sueur se déchaînant sur la piste de danse. Mon opinion est que tu as tiré ce morceau d’une compilation du genre Lookey Dookey, parce que contrairement aux compils Stompin’ les compils de Crypt ont tendance à ajouter des effluves de novelty songs à un répertoire déjà presque invraisemblablement allumé. Mais je ne pense pas que ce morceau vienne de Lookey Dookey, alors qu’est-ce-que c’est ?

 (2) Oh, d’accord, la compil Talkin’ Trash. Hey, je ne suis pas tombé très loin, suffisamment près pour une grenade à main ou une partie de bowling. Ouais, j’adore ce genre de son, tout ça c’est du rock’n’roll pour moi. En ce qui concerne mes compilations préférées dans ce domaine (le R&B gras et cinglé des sixties), je dois dire un mot des compil de Candy Records. Whip It On Em et Show Me What You Got sont de redoutables machines à danser qui font bouger les gens. Et j’aime voir les gens bouger et tournoyer. Comme le disait Sir Latimore Brown (un soul man des sixties apparemment) : “Je me fous que vous ayez huit ou quatre-vingt huit ans, que vous soyez bigleux, infirmes ou cinglés, Shake and Vibrate !”.
 Malheureusement je ne sais pas grand chose sur King Coleman, à part le fait que “Do The Hully Gully” est sur Dade Rds. Il me semble qu’il a enregistré quelques titres pour King, mais je n’en suis pas sûr.
...

ANDRE WILLIAMS
“I Wanna Be Your Favorite Pair Of Pajamas”

 (1) Andre Williams sans aucun doute. J’apprécie toutes les premières chansons d’Andre Williams et la plupart des titres du dernier album. Par contre les trucs du nouvel album sur lesquels Andre ne fait que parler tandis que le groupe derrière fait beaucoup de bruit, well, ces chansons m’ennuient et sont sans grand intérêt.
 J’ai quelques histoires sur Andre. On a joué à Chicago il y a à peu près un an et demie. Accel 4, le groupe du petit frère de Guitar Wolf était à l’affiche ainsi que les Red Aunts. Il y avait aussi un groupe local dont j’ai oublié le nom. Accel 4 a délivré un grand show et le guitariste, Masaharu s’est lui même à moitié immolé par le feu tandis qu’ils envoyaient une version tonitruante de “Wild Thing”.
 Après avoir joué notre show, John Battle, qui fait un fanzine appelé The Wedge, m’a présenté à Andre Williams. Il était habillé avec style, dans un costume trois pièces, avec des diamants aux doigts et des chaînes autour du cou. C’est définitivement un truc culturel ici que de voir les gars noirs se fringuer pour sortir la nuit. J’ai traîné dans des clubs de Zydeco en Louisiane, dont la clientèle était exclusivement noire, et ils s’habillaient mieux que ce qu’un prêtre pourrait espérer voir (je veux dire qu’ils étaient mieux habillés que pour aller à l’église, qui est une occasion pour laquelle les blancs comme les noirs vont normalement essayer de se saper le plus chic possible).
 Well, j’ai serré la main de Andre et celui-ci me dit combien il avait apprécié notre set, puis il me demanda s’ils nous restait quel-ques CD, parce qu’il avait tout un tas de gens faisant ses premi-ères parties et qu’il aimait bien se tenir au courant.
 Pourtant je savais parfaitement qu’Andre n’avait pas vu notre concert. Il était dans les loges quand on a commencé à jouer et par la suite il n’a pas bougé d’un pouce. Les gars qui l’accompagnaient me l’ont confirmé. J’avais aussi le sentiment qu’il voulait n’importe lequel de nos CD pour pouvoir le vendre dans le premier magasin de disques qu’il croiserait sur sa route. Peut être pas, mais j’en avais le sentiment et l’intuition. Mais, j’avais une dette envers le bonhomme, et bien sûr, s’il voulait un de nos CD, j’étais ravi de lui en offrir un, quel que soit son but.
 Il y a deux semaines il a joué ici à Atlanta en première partie de Jon Spencer. C’était prévu dans un club assez vaste mais au dernier moment le concert a été déplacé dans un club de trois cents places. Tout était vendu avant que je n’aie la chance d’obtenir un ticket. Je ne l’ai donc toujours pas vu.
 Des amis m’ont dit qu’Andre avait été bon, mais la vraie surprise est que durant la balance, un vieux monsieur noir s’est pointé au club en clamant qu’il était un vieux pote de Andre. Et celui-ci le reconnut comme un vieil ami perdu de vue depuis longtemps. Andre raconta à tout ceux qui voulaient l’écouter que ce type était un chanteur fameux. Puis il le supplia de venir chanter un ou deux morceaux sur scène le soir même, ce que le vieil homme accepta. Les potes qui ont vu le show m’ont affirmé que le vieil homme vola la vedette à Andre, et qu’il était un bien meilleur chanteur. Mais personne n’a entendu ou ne s’est rappelé de son nom. Je n’ai aucune idée de qui pouvait être ce mystérieux personnage, mais apparemment il vit ici à Atlanta.

NASHVILLE PUSSY
“First I Look At The Purse”

 (1) Je dois dire que je ne suis pas un fan de Motorhead. Mais en termes de “song-writing”, j’aime vraiment “Ace Of Spades”. En fait ce genre de son et de rock n’est tout simplement pas quelque chose dont je me sens proche, que j’apprécie particulièrement ou même que je comprends.
 Et c’est pareil pour Nash-ville Pussy. “First I Look At The Purse” fait preuve d’un sens de l’humour certain et d’un point de vue pratique, il “rocke” vraiment pour beaucoup qui définirait ce terme. Pour moi c’est juste un son qui ne me prend pas les tripes. Je n’ai jamais aimé Nine Pound Hammer ou leur version du country punk rock. Je respecte cependant Nashville Pussy en tant que groupe rock toujours sur la route. Ils ont monté un show live génial. Ils se cassent vraiment le cul à tourner, et quand on voit leur façon de faire la fête, je me demande franchement comment ils peuvent survivre. Peut-être que durant leurs voyages ils s’arrêtent à la croisée des chemins et parlent au “hooded stranger”. Je ne sais pas.

 (2) Well, tu m’as demandé ce que je pensais des groupes influencés par les 70’s et je dois dire que le metal rock ne me fait pas marrer. On se définit autant par ce que l’on est que par ce que l’on n’est pas, et ayant grandi dans les 70’s, je me rappelle de ces trucs quand ils sont sortis et cela ne me touchait ni ne m’inspirait à l’époque, pas plus que maintenant.
 Tu sais quel est le vrai problème ? Il m’apparaît en écrivant ça que le vrai problème avec ce genre de merde est que tu ne peux danser dessus. Tu ne peux pas le ressentir dans ton âme. Tu ne peux pas bouger dessus ou être inspiré. Cela a de la force par son côté agressif et tu peux serrer le poing et le secouer en tout sens, mais ce poing serré est vide, mon ami, il ne contient rien d’autre que de l’air. Cela ne t’agrippe pas l’âme. Pas la mienne en tout cas.
 Carl, qui travaille pour David Crider à Estrus, m’a dit ceci il y a quelques mois : “Manfred, vous devriez vraiment réfléchir à votre son, parce que les 70’s sont de retour, et en force. J’veux dire, c’est le truc qui revient fort en ce moment. Vous devriez sérieusement y penser.”
 Ma réponse à ceci est de me demander ce qu’il a bien pu entendre nom de Dieu en nous écoutant. Je suppose que pour lui nous sommes un groupe “Garage 60’s” et que pour être dans le coup on devrait mettre à jour notre son de dix ans. Alors qu’en fait on est un groupe de rock’n’roll qui combine des éléments du rock’n’roll et d’autres formes de musiques populaires de toutes sortes de différentes périodes y compris d’aujourd’hui, en une mixture qui nous paraît honnête. On ne fantasme sûrement pas sur le paisley et les boots pointues, mais en même temps on sait ce que l’on aime et on le laisse filtrer dans toutes les choses que l’on crée.
 Tu m’as demandé si je comprenais que Kiss puisse être une influence. Bien sûr que je comprends ça, de même que pour l’influence de Led Zeppelin, de Black Sabbath, de Twisted Sister etc...
 On parle après tout de musique populaire et les avis sont, c’est ce qu’on dit chez nous aux Etats-Unis, comme les trous du cul, tout le monde en a un. Devlin Thompson, qui conçoit la plupart de nos tracts est aussi un artiste et il a dessiné un jour un cartoon très marrant. Devlin est un grand fan de comic books, et il a fait un dessin satirique sur le fan de comics de base.
 Dans le dessin, un personnage est petit et gros, avec des cheveux graisseux et de grosses lunettes. L’autre est grand, maigre et chauve. Les deux se disputent et s’agitent violemment les doigts sous le nez. Chacun a un comics ouvert dans une main. La légende au bas du dessin dit : “Qui est le plus fort, Hulk ou Thor ?”.
 Par cet exemple je veux juste illustrer le fait que tous ces discours sur la musique sont du même genre, et que ce que tu aimes est juste ce que tu aimes. J’espère que ceux qui lisent apprécient les mêmes choses que moi et pour certains trucs je suis sûr que c’est le cas, pour d’autres non.
 Pour ces amis qui citent Kiss comme une influence je suppose qu’ils ont grandi musicalement au moment où Kiss devenait populaire et ont associé le rock à ce son. Ou, peut-être les ont-ils écoutés beaucoup plus tard, quand c’était “cool” de ne pas aimer Kiss, et c’est donc devenu pour eux un moyen de s’affirmer.
 J’admettrai que je trouve une chanson bonne sans me référer au genre, mais malgré tout pour moi, Kiss, et tout le truc “stadium rock” des seventies était une sale période pour le rock’n’roll. Je ne les trouvais pas assez nourrissant pour moi à l’époque, donc il m’a fallu creuser plus profond et grimper plus haut.
 Au lieu d’être inspiré par ce que quelqu’un d’autre avait transformé pour moi, je préférerais voyager aussi près que possible de la source et boire de son eau, plutôt que de la goûter après que quelqu’un ait pissé dedans. Si certains sont satisfaits par Kiss, qu’il en soit ainsi. L’on ne peut que pointer la route à suivre, le choix de la prendre incombe à chacun d’entre nous.
...

THE GROOVERS
“Groovy”

 (1) Oui, c’est une chanson “groovy”. J’ai déjà indiqué combien j’aimais ce genre de “novelty song” excentrique. Je suis tout à fait sûr que c’est tiré d’une compilation Las Vegas Grind. Laquelle ? Hmmm... Je penche plutôt pour le volume 2 mais ça pourrait être le volume 3, et c’est probablement le volume 1, mais certainement pas le volume 4.

 (2) Wow, je suis tombé pile dessus ! Volume 1, comme je l’ai dit. Le nom de l’artiste, je n’en avais aucune idée. Ce qui est un plaisir supplémentaire pour moi dans cette chanson est l’utilisation du terme “groovy”. Aux Etats-Unis, ce mot est associé aux hippies et au “flower power” de la fin des 60’s, or ce morceau et sa production semblent plutôt dater de la fin des 50’s. Un peu compassé et très blanc, et pour cela, très drôle.

DALE & THE DEVONAIRES
“Never Be Free”

 (1) Je sais que les Lyres ont repris ce morceau. C’est sur Happy Now. Puisque c’est sur ce disque je peux émettre quelques conjectures sur la compilation d’où provient l’original, s’il vient bien d’une compil. Selon une histoire que j’ai entendue, avant que les compilations IGL ne sortent (IGL était un label sixties de l’Iowa auquel Get Hip a consacré deux albums dans le cadre des Get Hip Archives), un collectionneur, ou peut-être celui qui a compilé ces disques, a envoyé à Jeff Conolly une cassette avec de nombreux morceaux qui sont apparus ensuite sur les différents volu-mes. Apparemment Monoman a craqué sur ces titres et s’est fait un point d’honneur de commencer à les reprendre. “Don’t Give Me No Lies” est un autre titre de ces compil IGL que les Lyres ont repris. Mais je n’ai aucune idée du groupe qui fait l’original. J’ai la compil IGL sur laquelle figure “Don’t Tell Me No Lies” (intitulée Best of IGL Garage Rock, “Never Be Free” apparaît sur Best of IGL Folk Rock).

 What ? C’est tout ? Hey, je commençais juste à être chaud... "

Sylvain Coulon
(aide-traducteur Tommy Boy)
 
digitfanzinearchives@gmail.com

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