Ceux-là vous les connaissez sans doute déjà.
Peut-être même avez-vous suivi quelques-unes de leurs aventures
dans un de nos anciens numéros. Dans le 17 c'était "Les Gonzos
foncent au concert des Dictators et tombent en rade dans la neige" et dans
le 18 "Les gonzos font l'Espagne (avec les 'Copters)". Depuis leur nom
s'est répandu à travers le pays comme une trainée
de poudre et il ne se passe plus un week-end qui ne les voit quitter leur
base toulousaine pour partir asséner riffs assassins et giclées
de feeling sur des publics de plus en plus consistants et consentants.
Le bouche à oreille fonctionne à plein, les disques du Gang
font mouche sur les platines les plus sélectives et confirment que
le rock'n'roll électrique en version primitive et saturée
(sous estampille "Detroit Sound") a toujours de belles nuits devant lui
pour peu qu'on lui réimpulse le côté excitant et incontrôlable
qui fait sa force. Aussi sûr que E= MC5 !
Le
rendez-vous avec les représentants de la concession toulousaine
de l'internationale heavy-punk était fixé à 22h chez
notre pote commun Youn. Evidemment à 22h30 on avait eu le temps
de tuer un pack et le Gang n'était toujours pas là... Ils
ont fini par débouler, à deux, bouteille de rhum bien entamée
et bières format "kingsize" dans les bras. Ils sortaient de répèt
et promenaient également leurs instruments. Etaient présents
Lo' Spider, chanteur-guitariste et Yo Spider, bassiste au look à
mi-chemin entre "le Sid Vicious souriant" et "le Yéti aveyronnais"...
Une tournée de rhum plus tard, Lo' Spider ré-endossait pour
l'occasion sa casquette de public relation/idéologue/manager/leader
of the pack (de douze). Rollin' !
[...]
D.I : Vous avez presque aussitôt remonté
un autre groupe, le Jerry Spider Gang, je dis "vous" parce qu'on retrouve
trois Space Beatniks chez le JSG. C'était une idée commune
?
Lo' : Ça ne s'est pas fait aussi rapidement, y'a
eu un battement d'au moins six mois. J'avais envie de refaire quelque chose
avec Mars à la batterie, mais je voulais passer à la guitare
et trouver un deuxième guitariste. J'en ai parlé à
Speedy, ancien guitariste de Chatterbox, j'aimais bien son style wah wah-
Stooges, il a dit ok. On a cherché, enfin sans vraiment chercher,
un bassiste pour compléter le line-up. On a pensé à
Yo mais il était guitariste... et pour moi c'est pas la même
chose, la basse est plus un instrument de percussion je trouve, et c'était
pas joué d'avance. Lui évidemment n'attendait qu'un truc,
qu'on vienne le chercher. Ça l'a fait tout de suite, il était
motivé et il s'est avéré qu'il jouait de la basse,
euh, comme un dieu...
D.I : Et là aussi y'a vite des premières parties
prestigieuses, Cramps, Hellacopters, Makers, et plus récemment les
Wonderfools ou les Flaming Sideburns...
Lo' : Ouais, notre deuxième concert c'était
une première partie des Cramps, moins de deux mois après
nos débuts. Grande salle (le Bikini à Toulouse) remplie à
craquer. On n’a pas vraiment eu l'occasion de rencontrer Lux et Ivy, même
pendant le repas ils sont restés dans les loges, y'a que le bassiste
et le batteur qui ont mangé avec nous. D'ailleurs on n'avait même
pas accès aux loges... Alors ouais, on a joué avec les Cramps
mais rien de plus, aucun contact. Ils sont quand même venus nous
voir, du coin de la scène faire "Get Off" de DMZ, sans doute intrigués
qu'on reprenne ce morceau...
Yo : Ils étaient victimes de cette grosse organisation
qu'il y avait autour d'eux...
Lo' : ...particulièrement de ce gros tourneur hollandais,
du genre prêt à couper la sono si on n'arrêtait pas
quand il l'avait décidé.
D.I : Comment s'est fait le deal avec Safety Pin ? A première
vue c'est le label parfait pour vous, le boss a la même attirance
pour le heavy 70's, le Detroit sound, les Groovies, etc...
Lo' : On a enregistré une démo chez un pote
(Didier Blanc, ancien Cryptones, Cherry Hogs, That's All Folks) et on en
a expédié quelques-unes à droite et à gauche
en se disant qu'on pouvait peut-être être retenu pour une compil,
voire un single, sans trop y croire d'entrée. Kike Turmix était
l'un des destinataires. Trois ou quatre mois plus tard je l'ai relancé,
et au téléphone avec sa grosse voix il m'a dit : "C'est terrible,
je veux sortir ça en 25cm et en CD". Une proposition qui ne se refuse
pas, même si on n'était pas particulièrement comblés
par cette démo. Safety Pin venait de sortir un single des Humpers,
un autre des Hellacopters, de Gluecifer, etc... L'aventure a démarré
comme ça. Un mois plus tard Kike nous a proposé de tourner,
plus ou moins gratuitement, en Espagne pour deux ou trois dates avec les
Hellacopters. On a dit banco évidemment... Trois jours de rêves,
de fiestas, de concerts dans des grandes salles remplies (voir Dig It !
18)...
D.I : Kike Turmix trimballe une réputation de "bizness-man"
plutôt difficile. Comment ça se passe avec vous ?
Lo' : On n'est pas "bizness" pour un rond. Y'avait pas
de vrai deal, c'était déjà inespéré
pour nous qu'il sorte un truc... Il nous a proposé dix pour cent
des disques pressés. On sait que Kike est quelqu'un de dur en affaires..
Ok pour faire la fiesta, mais dur en affaires. Et quand on lui achète
des disques (au-delà des dix pour cent prévus) il nous les
fait payer un peu cher ; c'est quand même nos disques... Mais aujoud'hui
on lui vend nos CD (sur Shark Attack) aussi cher qu'il nous a vendu les
vinyles du premier disque. Non mais !
D.I : Porn in The Bayou s'est bien vendu ?
Lo' : Safety Pin a sorti cinq cents exemplaires en vinyle
et cinq cents en CD. Tout est parti.
D.I : Vous posiez en sex-zombies des marais sur la pochette,
vous étiez attendus au tournant après ça? Les gens
s'attendaient à vous voir débouler aux concerts en peaux
de bêtes et couverts de boue ?
Lo' : Ouais. Et ils étaient sans doute déçus...
L'idée est venue d'un endroit qu'on avait repéré au
bord de la Garonne, un vrai bayou miniature, puis association d'idées,
bayou, "Born In The Bayou" (Creedence), jusqu'à Porn In The Bayou.
On est parti là-bas avec une énorme gueule de bois,
on a enfilé les porte-jarretelles, etc... et ça a donné
cette pochette. Et on s'est dit que si on arrivait comme ça sur
scène, même une seule fois, ça deviendrait comme le
"ass rocket" de Turbonegro, obligatoire à chaque fois... C'est pas
l'apparence qui nous génait évidemment, c'est juste que pour
ça il faut avoir de GROSSES couilles. Tu nous imagines dans un PMU
de la France profonde un mardi soir d'hiver, en porte-jarretelles devant
cinq marins-pêcheurs en goguette ?
D.I : Ah ah, ouais, assez bien ! D'ailleurs vous avez une solide
réputation de fêtards, un peu trop même pour certains
endroits... Qu'est-ce qui se passe après un concert du Spider Gang
on tour ?
Lo' ! : C'est vrai qu'on a tendance à écluser
un peu plus que ce qu'on devrait, et que la soirée dure un peu plus
que ce que les patrons de bar sont prêts à supporter... Il
arrive aussi qu'on subtilise des caisses de bière, ou des frigos
entiers... On n'en est pas encore à se donner des limites. Les pires
c'est quand même Yo et moi... Surtout moi...
[...]
D.I : Tu trouves facilement des dates ? Tu prends tout ce
que tu trouves ou tu sélectionnes ?
Lo' : Je ne prends pas forcément tout... Je trouve
que depuis quelque temps il y a de bonnes relations qui se tissent entre
les groupes, les lieux de concerts, une sorte de réseau (Marseille,
Bordeaux, Rennes, Toulouse, Paris, Nantes, La Rochelle, etc...) et c'est
efficace pour trouver des concerts. Je suis en contact avec une trentaine
d'assos ou groupes/organisateurs qui se connaissent tous. C'est plutôt
informel, plus une bande de potes qu'un truc "officiel". L'avantage c'est
que t'es pas obligé de "vendre" le groupe à chaque fois,
les conditions sont honnêtes, etc... Et comme de notre côté
on organise aussi des concerts, on sait à quoi s'attendre. En général
ça se passe très bien et on joue dans des endroits où
les gens savent ce qu'ils viennent voir, ils sont rarement là par
hasard. Et comme on ne tourne pas pour tourner, on n'est pas obligé
de faire comme les intermittents du spectacle qui jouent n'importe où
rien que pour avoir le nombre de dates qui leur assurera le chomedu. C'est
le genre de conneries qui peut tuer un groupe, jouer devant des gusses
qui sont là par hasard, quand ils sont là, plus intéressés
par ce qui se passe au bar que sur scène et qui ne se souviennent
pas du nom du groupe le lendemain.
D.I : Comment tu vois l'avenir du groupe ? D'ailleurs à
quel avenir peut prétendre un groupe français de "heavy-garage
stoogien", ou de rock'n'roll en général ?
Lo' : De rock'n'roll ouais, on ne veut pas trop se coller
l'étiquette Stooges heavy-garage...
Yo : ...ouais, même si on a démarré
en même temps que la vague scandinave, c'est une coïncidence...
Lo' : Quant à l'avenir du groupe... hmmm, est-ce
que la question se pose comme ça ? Disons qu'il y a en ce moment
un public assez réceptif à ce qu'on fait, à nous de
saisir notre chance et d'essayer d'aller voir hors des frontières.
La tournée scandinave se prépare, en automne ce sera une
tournée européenne, et après ça un autre disque
et... disons qu'on a un rêve et on essaie de l'atteindre... Faire
de bons concerts, des disques dont on sera vraiment fier... Enregistrer
en Norvège ou en Suède, dans les mêmes conditions que
Turbonegro ou les Hellacopters... Le rêve peut devenir réalité...
On fera tout pour...
D.I : Même signer sur une Major si ça se proposait
?
Lo' : J'sais pas, je n'ai pas cet à priori négatif
consistant à penser qu'on va perdre notre liberté avec une
Major. Tant que tu ne l'as pas vécu tu ne peux pas savoir... même
si on a entendu le pire. Si on nous le propose je crois qu'on y va... et
après on voit.
D.I : Vous figurerez bientôt sur une compil réalisée
par Warner et la Fnac. Il s'agit de quoi exactement ? Tu penses que ça
sert à quelque chose ce genre de promo ?
Lo' : C'est pas sûr qu'on y soit, le mec de Warner
n'a pas rappelé. La sélection des groupes a été
faite par Rock'n'Folk, c'est une compil assez fourre-tout sans ligne directrice
ni style précis. Quand ils nous ont proposé d'y figurer j'ai
dit oui. Parce que ça ne nous gêne pas, et d'une, et parce
que ça n'apportera sûrement rien de négatif au groupe,
et de deux. Même s'il n'y a qu'un acheteur sur cent de cette compil
qui aime notre morceau, c'est ok. Ça posera sans doute plus de problèmes
au petit milieu rock'n'roll, genre "qu'est-ce qu'ils foutent sur Warner,
bla bla bla", qu'à nos consciences. Alors je dis "pourquoi pas"
? Je sais que tu n'es pas d'accord...
[...]
D.I : Je vais faire l'innocent deux secondes pour les besoins
de ce papier : dans Rock'n'Folk de février, tu déclares que
Toulouse est une ville "rugby/pastis". C'est vraiment comme ça que
tu vois les choses ou t'étais énervé ce jour-là
?
Lo' : Nan, j'étais pas énervé...
Je ne vis que pour le rock'n'roll et je ne trouve pas mon compte à
Toulouse, c'est tout. Y'a plus un bar intéressant, pas assez de
concerts, pas de groupes, en tout cas pas beaucoup, y'a pas une vie rock'n'roll.
Voilà quoi ! Et y'a 150 000 étudiants... Ca sent le pastis/rugby...
Ça bougeait plus à l'époque de la salle FMR (88-94)
et de l'Arc En Ciel (96-2000).
Yo : Y' a quelques bars "punk anars" où tu peux
quand même passer de bonnes soirées.
Lo' : Ça ne me suffit pas, voilà ! Regarde
Malasaña à Madrid, c'est un quartier dix fois plus petit
que Toulouse mais cent fois plus vivant ! J'ai pris une claque énorme
en découvrant Malasaña... Heureusement en France il y a encore
des villes ou des villages avec des bars où quand t'arrives y'a
du rock sur la sono...
Yo : Pour ça Bordeaux c'est toujours pas mal...
Lo' : On a joué récemment à Laleu,
c'est à côté de Chalons-sur-Saône et doit y avoir
une trentaine habitants, quand on est arrivé le mec passait les
Soft Boys, les Barracudas, les Heatbreakers... Le gars est un passionné,
il se fait emmerder par les voisins mais il tient bon, il fait des concerts
de temps en temps. Y'a toujours quelques endroits comme ça.
D.I :
Quelqu'un qui joue dans des groupes depuis l'âge de quatorze ans
peut-il imaginer faire autre chose ? Y'a une vie hors du rock'n'roll pour
toi ?
Lo' : Pour moi non. J'ai essayé quelques trucs
dans la suite logique de mes études (il a même tâté
de l'élevage de volailles bio ! -nda) mais ça n'a pas marché,
surtout parce que je n'étais pas très impliqué. Je
ne me vois pas faire autre chose que du rock. C'est d'ailleurs une inquiétude
permanente. Parce que ça veut dire quoi le rock'n'roll aujourd'hui
? Ça veut rien dire... C'est en même temps une inquiétude,
une fierté et un "possible". Si t'y crois faut y aller à
fond, sinon tu ne feras rien et tu resteras... quoi... un RMIste chantant.
D.I : Vous n'avez pas peur de vous faire repérer pour
incitation à la drogue ? Votre album s'appelle Dope Takin' Kamikazes
et les photos qui ornent la pochette (version vinyle seulement) représentent
une belle brochette de défoncés...
Lo' : C'est pas forcément des défoncés,
pas déglingués en tout cas. On a mis des photos de gens qui
se dopaient et qui ont tous laissé une trace dans le domaine "artistique"
en général. Musique, cinéma, photo, littérature,
etc... La question en suspens c'est... "La drogue favorise-t-elle la création
?".
D.I : Justement, justement... La consommation de psychotropes
influence t-elle le, heu... processus créatif chez le JSG ?
Lo' : J'crois pas que chez nous y'ait vraiment de drogués...
Yo : Peut-être pas la création, mais les
concerts sans doute...
Lo' : C'est un débat... Quelle drogue ? A quel
moment ? Fumer, boire, c'est convivial, ça permet de sortir de soi,
de ressentir autre chose... A part ça on n'est pas des fans d'héroïne...
mais on aime bien la coke... C'est une dope de fête, qu'on ne prend
que pour faire la fête...
D.I : Ok, on ira au tribunal ensemble pour répondre
du délit de "présentation de la drogue sous un jour favorable".
Je l'aurai cherché...
Lo' : Je t'accompagnerai avec plaisir.
D.I : Merci, on va se marrer... Au fait, Porn In The Bayou...
Dope Takin' Kamikazes... Y'aurait pas comme un "concept" derrière
vos titres d'album ?
Lo' : Le titre Porn In The Bayou collait bien avec l'idée
de visuel qu'on avait en tête. Pour le deuxième disque, je
cherchais quelque chose à partir des lettres DTK, le fameux slogan
"Down To Kill" des Heartbreakers, j'ai planché là-dessus
avec notre pote Dimi Déro et on en est arrivé à "Dope
Takin' Kamikazes"... Et là ça m'a frappé : Porn In
The Bayou c'était le sexe, Dope Takin' Kamikazes la drogue... Sex
'n' Drugs 'n'... Ian Dury, John Sinclair... J'aime bien le fait d'avoir
des titres qui peuvent être autre chose que de simples titres...
C'est sûrement parce que je suis fan de Radio Birdman... Ils avaient
ce côté là... "The Living Eyes" et toute l'histoire
autour...
[...]Recueilli par Gildas Cosperec