Sur
les traces de notre amie Noëlle Lothamer (remember l’interview des
Dirtys), miss Jackie Wilger - alias Jackie-O - a quitté le Michigan
pour s’installer un temps à Toulouse afin d’inculquer quelques rudiments
d’anglais à nos petits garnements. Copine des Gore Gore Girls et
adepte du Detroit sound depuis le berceau, elle n’a pas tardé à
squatter les repaires rock’n’roll de la ville rose. Elle a même monté
les redoutables Jackie & The Pimps avec trois piliers de la scène
locale, un groupe de reprises punks dont le concert au Fantômas valait
son pesant de préservatifs usagés !
De retour au pays, Jackie s’est proposée pour une interview
des Clone Defects, les nouveaux trublions de Motor City, sur lesquels elle
avait quelques anecdotes bien trash à la Jackass (“Alors là
le mec a avalé le contenu du cendrier, et après il a vomi
partout sur scène...”). Des cinglés ces clones, mais pas
des clowns... Leur musique est un maëlstrom sonique qui mouline sans
pitié l’héritage des Dolls, des Flamin’ Groovies, des Saints
ou des Pagans. Du punk’n’roll tendu, intense, foutraque et flamboyant,
corsé d’une lichée de glam rock débridé à
la Mott The Hoople, et d’une bonne rasade de blues et de soul. Un univers
unique, planté en trois 45t - dont le premier produit par Jack White
- et deux albums, enregistrés chez Jim Diamond. Deux disques magnifiques...
et déroutants : un jeu cru, un son bordélique et puissant,
des breaks et des giclées de guitare imprévisibles, une utilisation
sauvage de la stéréo, des percussions inédites et
parfois délirantes... Bref, un cocktail qui secoue, concocté
par l’insaisissable Tim Vulgar, guitariste/ chanteur à la voix prenante,
artiste un brin torturé (voir les pochettes) et poète allumé,
porté sur les psychotropes et les corps célestes. Merci à
Jackie-O, qui s’est jetée pour nous dans la gueule des loups. (SC)
La première tentative eut lieu au Lager House. Je suis arrivée en avance, Chuck le bassiste et Eddy le batteur étaient là mais ils préféraient attendre Tim, le chanteur/guitariste, avant de commencer l'interview. On en a profité pour prendre quelques verres d'avance. Tim est arrivé en retard, avec Wes l'autre guitariste. Et bien sûr il a voulu voir le groupe de première partie qui démarrait à ce moment-là... On s'est mis d'accord pour l'après-concert, "quand on sera tous bourrés" a-t-il précisé... Je suis restée au bar avec Wes, il m'a offert plusieurs whiskeys et on a bavardé jusqu'au moment où il est parti rejoindre les autres Clone Defects sur scène. Ce fut géant d'entrée et jusqu'au bout, comme à chaque fois... Mieux encore que sur disque, et pourtant... Après le concert j'ai discuté un moment avec Marcie Von Bondies et quand j'ai réagi, il était trop tard. Tim avait disparu...
Deux semaines plus tard, je reçois un appel d'Eddy. On arrange un rendez-vous dans un bar pour le soir-même. J'y retrouve Eddy, Chuck et Wes. Tim n'est pas là. Ils ont décidé de faire l'interview sans lui (d'habitude c'est Tim qui répond aux questions). On descend quelques bouteilles de bière à $1.50 en fumant et en appréciant les décibels qui sortent du juke-box impressionnant, un des meilleurs de la ville, il déborde de bon rock'n'roll. Mais comme c'est un peu fort, on embarque les bières et on sort discuter. Wes reste au bar, il parlera plus tard…
Nous voilà donc dans ma caisse, Chuck, Eddy, les bières et moi...
Dig It ! : Quand avez-vous commencé a jouer ensemble
?
Eddy : Il y a longtemps déjà…
D. It ! : A l'époque des Epeleptix, Jim Beam et les
Throw Ups ou les Scurvies ?
Chuck : Tim était dans les Epeleptix et Wes dans
un autre groupe.
E : Chuck jouait dans Hatchet Job et moi avec les Tonsil
Boxers. On a formé le groupe en 98.
D. It ! : Comment avez-vous choisi votre nom ?
C : On a compilé une longue liste...
E : Ouais, beaucoup de noms…
C : Tu veux des exemples ? The Throbbing Brains, Rouge
River Rebels…
E : Et finalement Clone Defects nous a semblé être
le meilleur choix. C'était l'époque où ils commençaient
à cloner des moutons.
D. It ! : Vous en êtes à deux albums et la musique
reste la même. Comment décririez-vous votre style ?
E : Sais pas…On n'a pas de style défini, ça
sonne comme beaucoup de trucs...
C : Zarbi...
E : Depuis le début c'est du rock de malades et
ça restera comme ça. Un clonâge raté... Du rock'n'roll
électroïde et introspectif. Bargeot...
D. It ! : D'où sortez-vous les titres de vos albums
? (Blood On Jupiter et Shapes Of Venus)
E : C'est tout Tim et son brillant cerveau de savant fou
schizophrène, ha ha ! Non, tu sais, il a récemment écrit
beaucoup de poèmes bizarres et a participé à un concours.
Et il a gagné ! Son poème va être édité
dans un recueil. Il écrit des trucs terribles.
D. It ! : C'est sans doute pour ça que vos textes ressemblent
à de la poésie étrange avec de la musique par-dessus
?
E : Vaut mieux lui demander à lui...
C : C'est un génie !
E : Il fait aussi des peintures et des oeuvres d'art incroyables.
D. It ! : Et musicalement, qu'est-ce qui vous inspire ?
C : Tout le monde...
E : Guitar Wolf, Teengenerate, Chrome, David Allen Coe,
la Motown…
C : Les Shangri-Las…
E : Ouais, les Shangri-fucking-Las, les Crystals…
C : Tout… On n'a pas de son particulier… On n'essaye pas
de sonner comme quelqu'un d'autre.
D. It ! : Qu'est-ce que vous écoutez ces jours-ci ?
C : Beaucoup de bons groupes de Chicago. Les Tirades,
les Slot Machines, les Baseball Furies, beaucoup de groupes rock'n'roll.
D. It ! : Pourquoi ? Vous allez souvent à Chicago ?
E : Ouais, c'est cool. J'aimerais habiter là-bas.
C : Mais c'est trop cher. Il faudrait bosser.
E : Oui, je ne peux pas partir de Détroit, merde....
Seattle est ok aussi, avec The Hospitals, les Hunches, les Cunts…
D. It ! : Que pensez-vous du buzz à propos de Détroit
ces temps-ci ? Tout le monde parle du "son de Détroit", beaucoup
de groupes tournent et sont reconnus. Vous-mêmes devez partir pour
l'Europe bientôt...
E : C'est cool, on connait tout le monde… On est potes avec
tous les groupes garage. Les Piranhas, par exemple, sont comme nos frères.
Il y a beaucoup de bons groupes. Mais on n'est pas "garage", on est des
putains de rockers malades.
C : Tout le monde pense qu'on va être les nouveaux Dirtbombs
ou quelque chose comme ça... Il y a des gens qui viennent à
nos concerts juste parce qu'on est un "groupe de Détroit", quelques
fois ils partent au milieu du show...
E : Je pense qu'il faudra du temps, parce qu’on n'est finalement
qu'un groupe punk.
C : Les quatre premières années ont été
difficiles, mais depuis on a enregistré avec Jim Diamond et c'est
grâce à lui qu'on a rencontré Larry de In the Red Rds.
E : Tout le monde va voir les concerts avec des groupes de Détroit.
D. It ! : Comment s'est passée la récente tournée
US ?
E : Je ne me souviens de rien…
C : Même de cette fois où tu courais à poil
dans un casino de Vegas ?
E : Il paraît... Le plus inquiétant c'est que je
ne m'en rappelle pas. Mais je crois que Tim avait un caméscope...
C : On a 8 heures de film et on va éditer ça…
E : Ouais, tous ces trucs de tarés…
C : On va en faire un DVD ou quelque chose...
D. It ! : Qu'est-ce qu'on y verra ?
C : Faudra que tu mates la vidéo...
E : Des trucs de tarés j'te dis...
C : On est tous bourrés, on gerbe et on fait les bargeots…
Je me souviens à peine de la moitié de ce qui s'est passé
sur cette tournée.
D.
It ! : Ça promet pour la tournée européenne... Ça
tient toujours au fait ?
E : Ben on a eu quelques ennuis avec les flics et du coup on
a des problèmes de passeports… On était en train de répéter
vers 19h et les flics sont arrivés et nous ont filé une prune.
Normalement, on est libre de faire du bruit jusqu'à 21h, mais les
voisins sont des connards. Et maintenant on n'a plus de local de répèt'.
Pour l'Europe, on ne dira rien avant d'être sûr...
C : On doit y aller pour trois ou quatre semaines.
D. It ! : Que pensez-vous de la France ?
E : Aucune idée… J'ai entendu dire qu'ils n'aimaient
pas les Americains…
D. It ! : Ils vous adorent !
C : Et on m'a dit que la tour Eiffel était en feu…
Comment c'est possible qu'un gros morceau de ferraille comme ça
commence à flamber ??? Non, aucune idée… J'en sais rien.
Ah si, les TV Killers sont cool.
E : Ouais, on a joué avec eux au Gold Dollar.
D. It ! : Comment ça se passe avec In The Red, votre
label ?
E : On a donc enregistré avec Jim Diamond, c'est
un bon pote de Larry In The Red…
C : Larry disait qu'il en avait marre du garage, il avait
envie de groupes punk…
E : Donc il nous a signé, tout comme les Piranhas
et c'est ok. Il y a beaucoup de bons groupes sur In the Red, Les Hunches,
Les Hospitals…
C : Larry Hardy est cool, un mec très généreux…
D. It ! : Et le deal avec Mitsubishi (un morceau des Clone
Defects a été utilisé dans une pub pour le constructeur
de bagnoles) ?
E : Un coup de chance. Larry a beaucoup de contacts...
Les mecs de Mitsubishi ont flashé sur notre musique. Ils nous ont
demandé un morceau pour leur pub et on a dit pourquoi pas... On
n'avait ni argent ni boulot, donc on l'a fait et on a gagné de la
thune. La pub n'est presque pas passée mais on a gagné de
quoi acheter de nouveaux instruments.
D. It ! : Quoi d'autre ?
E : De la dope...
C : Non non !
E : Ma batterie était merdique, j'en ai acheté
une neuve.
C : Et moi une basse acoustique… Et de la dope. Non, pas de
dope...
E : Ça m'a permis de ne pas travailler pendant plusieurs
mois.
D. It ! : Apparemment, vous vous amusez bien ?
C : Ouais, on dirait... L'alcool et la dope.
E : On vit dans un grand château, avec des chevaux…
Ah ah !
C : Je crois qu'on devrait refaire cette interview…
D. It ! : Pourquoi ? Je pose des questions tellement nulles
?
C : Non, c'est les meilleures questions que j'ai jamais
entendues...
E : Il faudrait peut-être plus de bière…
D. It ! : Ah c'est ça ? Sur votre website, vous dites
que vous aimez beaucoup la Pabst Blue Ribbon (une marque de bière)…
C : On peux en acheter 30 pour 10 dollars ! Elle n'est
pas si géniale mais on y est habitué.
E : Le fameux pack de 30 ! Allons boire plus de bière
!
Quelques semaines plus tard, je reçois un
e-mail de Sylvain avec quelques questions supplémentaires à
poser au groupe... Et comme les Clone Defects jouent au Magic Stick ce
soir, je profite de l'occasion. Sur scène c'est toujours aussi dingue,
il y a d'autres grou-pes punks au programme. Comme la dernière fois,
on se retrouve dehors après le concert, Wes accepte gentiment de
répondre à la nouvelle série de questi-ons :
D. It ! : Comment s'est passé l'enregistrement du deuxième
album avec Jim Diamond ?
Wes : Ça s'est bien passé, on s'est amusé.
On l'a fait en quelques semaines. Rien de spécial.
D. It ! : Jim a aimé le solo de bouteilles cassées
sur "Ain't No New Buzz" ?
W : Il y a même participé. Tim a décrété
que ce serait cool d'exploser quelques bouteilles. Jim a dit que c'était
faisable, il a préparé un coin et nous a donné les
bouteilles.
D. It ! : Vous reprenez un morceau de Toxin 3 ("I Rock, I Ran")...
W : Ce titre figure sur un des albums de la série
Killed By Death. Ils viennent de... heu... j'sais plus... Ils l'ont enregistré
à la fin des 70's je crois. C'est un bon morceau, il colle bien
à notre répertoire.
D. It ! : Votre deal avec In The Red est convenable ?
W : C'est un bon contrat, 50/50. Je suis content de Larry,
il est très généreux avec nous.
D. It ! : Alors cette tournée européenne, c'en
est où finalement ?
W : Aucune idée. Probablement bientôt mais
qui sait ? Comme en général ce qu'on fait nous prend six
mois de plus que prévu, ce sera sans doute au printemps ou en été.
On doit partir pour un mois et faire l'Europe de l'Ouest... J'ai vraiment
envie d'aller en Espagne. On m'a dit que c'était cool...
D. It ! : A propos de Clones, tu as entendu parler des Raeliens,
la secte qui veut reproduire des êtres humains ? Leur leader est
français mais habite chez nous maintenant... Les Clone Defects collaborent-ils
avec Rael ?
W : Ah ah, non, aucun lien. Mais c'est intéressant...
D. It ! : Sur votre disque, vous remerciez "The Good Lord"...
W : Oui, Tim a la foi...
D. It ! : On m'a dit qu'il allait à la messe tous les
dimanches ?
W : Pas que je sache, mais c'est possible. Un jour sa
voiture est tombée en panne devant une église et il l'a laissée
là, donc il était peut-être à l'église…
Je ne sais pas, il croit en beaucoup de choses. Il l'a écrit… Je
n'ai pas vraiment d'attirance pour les religions en elles-mêmes,
mais il faut bien croire en quelque chose...
D. It ! : Tu veux bien nous conseiller des disques, des bouquins
ou des films ?
W : Mon écrivain préféré c'est
Kurt Vonnegut. Des films... Je ne sais pas... American Movie est très
bon. Tu l'as vu ? C'est hyper marrant. Et il y aussi Fubar, c'est fait
par un ami à nous qui vient de Montréal... Des "burnout dudes"
canadiens... C'est un mock-umentary très marrant. Et en musique
les Hunches sont un de mes groupes préférés. J'écoute
beaucoup de vieux trucs. Je m'ennuie...
J'étais au concert lundi soir pour voir Turbonegro. Super bon concert ! En rappel, ils ont fait "I Got Erection" et tout le monde a chanté avec eux. Ils ont dit qu'ils aimaient bien Détroit. On les aime aussi ! Il y avait beaucoup de monde. Je suis tombé sur Timmy Vulgar. Pas vraiment une surprise vu que Turbonegro s'y connaît aussi en rock de bargeots ! Un peu bour-ré, il m'a demandé de téléphoner à Wes. Il voulait que je discute avec lui parce que le groupe avait des problèmes et était (momentanément ?) séparé. Ils ont souvent eu des histoires entre eux, mais cette fois c'est peut-être la fin... Je n'en sais pas plus pour le moment, mais quoiqu'il arrive vous serez les premiers informés.
Et effectivement, la virée européenne
a été annulée et les Clone Defects sont en stand-by.
Chuck (basse) et Eddie (batterie) jouent dans les Valentinos, avec des
mecs des Piranhas. Tim est en train de former son propre groupe. Quant
à Jackie, elle poursuit son trip francophone et sévit dans
un “orchestre” dénommé Bisou Bisou ! Ça doit sonner
diablement exotique par là-bas ! Plus d’infos sur : http://www.bisoubisou.net
(SC)
Quand les Hellacopters tournent au Brésil, ils jouent avec Sepultura ou Deep Purple, passent sur MTV et les filles hurlent leurs prénoms. Mais quand notre correspondant à Belo Horizonte, un paradis pour métalleux, titille Nick Royale sur des sujets sensibles comme Entombed ou le fric, le chanteur/guitariste des 'Copters est à deux doigts de se facher tout rouge.
Nick Royale : On a encore le trac. Je veux dire, pour nous le Brésil est un pays très lointain et tout à coup nous y voilà... On ne savait pas qu'on avait autant de fans ici. On avait bien remarqué les messages dans le guest-book sur notre site Web, mais on pensait que ça représentait... je ne sais pas, une dizaine de mecs tout au plus. Et là on est plutôt surpris et très heureux évidemment. Aux anges même. J'espère qu'on pourra revenir, ce fut une tournée géniale.
Dig It ! : à propos du concert au Mineirinho et
des problèmes de son... Comment avez vous vécu ça
? Et l'organisation ?
N.R : Nous non plus on n'a pas aimé le son. Il
est vraiment pourri. Il y a plein d'écho. Pour ce qui est de l'organisation,
on n'a pas à se plaindre. On n'a pas eu de problèmes. Elle
est efficace et nous avons été très bien accueillis.
D.I : Vous avez remarqué une différence entre
le public sud-américain et celui d'autres continents ou pays ?
N.R : C'est à chaque fois différent. Je
pense qu'ici les choses sont un peu plus folles, un peu plus chaudes. Et
c'est très bien. Mais, par exemple, nous aimons beaucoup aussi jouer
en Australie où c'est un peu plus calme, mais on s'aperçoit
quand même que le public prend du plaisir. J'sais pas comment dire
ça, c'est différent, mais ils viennent au concert et ils
ont leur manière à eux de passer un bon moment.
D.I : Et les groupes avec lesquels vous venez de jouer ?
N.R : Deep Purple et Sepultura ? Eh bien, j'ai un lien
très fort avec Sepultura en particulier puisque j'ai longtemps fait
partie d'Entombed. J'ai grandi en écoutant Sepultura. Je me rappelle
quand j'ai acheté Morbid Visions, j'avais quinze ans... Pour moi,
c'est un honneur de jouer à la même affiche qu'eux, c'est
génial. Je crois que tout le monde dans les Hellacopters les apprécie
beaucoup.
D.I : Et Deep Purple ?
N.R : Là c'est un peu différent... ils n'ont
plus la même posture... je ne sais pas...
D.I : Peut-être à cause de Steve Morse ?
N.R : Je ne sais pas vraiment. Sans doute que c'est ça...
Ouais, ça doit être ça. Ce n'est pas Ritchie Blackmore,
c'est sûr. Et la guitare n'a pas le même son… Bon, il y a plusieurs
trucs...
D.I : Vous êtes venus jouer au Brésil uniquement,
pas dans d'autres pays comme le Chili ou l'Argentine…
N.R : (il m'interrompt). Je sais ce que tu vas dire, et
je sais aussi qu'il y a beaucoup de rivalités ici, mais ne me demande
pas pourquoi nous n'avons pas joué dans d'autres pays d'Amérique
du Sud. Je ne suis pas responsable du calendrier des concerts. Je n'organise
pas les tournées. Il a été question un moment de jouer
en Argentine, mais je ne sais pas ce qui s'est passé. Ça
m'aurait beaucoup plu de jouer au Chili ou en Argentine, mais ce n'est
pas de ma faute, ne me fais pas porter le chapeau.
D.I : Quand on connaît la scène métal,
en particulier "métal extrême", comme tu la connais…
N.R : (il m'interrompt encore plus vertement) Comme je
la CONNAISSAIS !
D.I : D'accord, comme tu la connaissais... Est-ce que tu t'attendais
à des réactions déplaisantes de la part du public
?
N.R : On a joué avec Sepultura, c'est vrai, mais
en même temps les salles étaient pleines de fans de Deep Purple,
et donc je ne m'attendais à rien de précis. On ne savait
pas quelle serait leur réaction. Peut-être qu'on a trouvé
cinq personnes, ou un peu plus, qui se sont mis en colère contre
notre son. Mais on a été agréablement surpris par
le bon accueil global du public et sa participation.
D.I : D'autres groupes n'ont pas cette chance…
N.R : Je sais, mais je ne pense jamais à ces histoires
de "scène métal". Je ne pourrais rien faire si les réactions
des fans étaient mauvaises. Et malheureusement on trouve encore
de telles attitudes dans la scène métal. Donc je préfère
ne pas y penser. Il n'y a rien que je puisse faire.
D.I : Pourquoi as-tu coupé les ponts avec le métal
après en avoir joué pendant tant d'années ?
N.R : Je n'ai pas coupé les ponts avec la scène
métal, je ne l'ai pas laissée derrière. J'ai quitté
Entombed, c'est tout. J'avais joué avec Entombed pendant dix ans,
et je pense que ça fait long. Bien sûr il y avait des choses
qui ne me plaisaient pas. Les gens n'arrêtaient pas de nous comparer
avec des groupes que je n'aimais pas…
D.I : Par exemple…? Peut-être des trucs comme Grave ?
N.R : Non, sûrement pas. Grave est un bon groupe,
avec de bons musiciens. Je parle sur un plan strictement technique, de
ces groupes "nu" (new) qui apparaissaient soudain et avec lesquels on nous
comparait. Je ne me sentais pas à l'aise dans cette ambiance. J'ai
toujours considéré Entombed comme un groupe de rock dans
son essence, mais jouant du death metal. Nous composions beaucoup de morceaux
de la même façon que Chuck Berry écrivait ses chansons.
On avait toujours ça à l'esprit. Je sais que par ici ça
peut faire bizarre que j'aie joué d'abord dans Entombed puis dans
les Hellacopters, mais j'ai grandi en écoutant Kiss, les Ramones,
les Sex Pistols. Et j'ai joué dans des groupes de punk avant d'être
dans Entombed. Pour moi c'est naturel.
D.I : Tu en gardes de bons souvenirs ?
N.R : Oui, sans aucun doute. C'était une très
bonne période de ma vie. J'ai des souvenirs merveilleux de cette
époque.
D.I :Tu es toujours en contact avec des membres du groupe ?
N.R : Ouais. Le guitariste Alex Hellid a réalisé
notre dernier clip, "Carry Me Home", et je suis aussi en contact avec les
autres membres du groupe. Soit dit en passant, leur dernier album est plutôt
bon.
D.I : Pas encore eu l'occasion de l'écouter...
N.R : Tu devrais. Il est vraiment bon.
D.I : Tu ne crois pas que parfois les gens pourraient penser
que tu as choisi les Hellacopters pour des raisons extra-musicales ?
N.R : à quelles raisons penses-tu ?
D.I : L'argent, peut-être...
N.R : (Il s'énerve) L'argent ??? Rien à
voir !
D.I : Aujourd'hui par exemple, les clips des Hellacopters passent
sur MTV, ce n'était pas le cas avec Entombed.
N.R : Et comment aurais-je pu m'en douter ? Dis moi, aurais-je
pu imaginer que mes clips passeraient sur MTV ? J'ai jamais pensé
à ça. Je ne me suis pas vendu.
D.I : Je n'ai pas dit ça. Mais tu sais qu'il y a des
gens qui peuvent le penser, et c'est plus ou moins évident, puisque
le son des Hellacopters est accessible à un public plus large… C'est
plus courant d'entendre des chansons des Hellacopters à la radio
ou à la télé que du Entombed…
N.R : Mais c'est un son qui me plaît ! J'aime le
son du groupe et ce que je joue avec les Hellacopters. Donc, je ne me suis
pas vendu, il faut que les gens le comprennent. Quand nous avons commencé
avec les 'Copters, j'étais considéré comme un crétin,
parce que je gagnais plus d'argent avec Entombed qu'avec les Hellacopters.
Mais nous avons grandi depuis....
D.I : Et maintenant ?
N.R : Ça a changé. Mais comment pouvais-je
savoir que nous en arriverions là ? Ce n'était pas l'objectif
de départ. Ce n'était pas planifié de venir au Brésil
ou de passer sur MTV. C'est arrivé en prime et on en est bien content.
D.I : Comment décrirais-tu le son des Hellacopters ?
N.R : Il y en a qui disent que c'est du métal,
mais je ne suis pas d'accord. Je crois que c'est plutôt un son seventies.
On ne s'est pas délibérément dit "on va faire un groupe
dans le style des années 70", mais il y a vraiment beaucoup de bonnes
choses qui nous viennent des 70's. Et d'autres qui sont très mauvaises
aussi... Mais nous aimons les Stooges, Kiss, Cheap Trick, les Ramones.
Nous apprécions vraiment le son de cette décennie. C'est
le son que nous aimons, et nous l'amenons à un autre niveau. Notre
premier album est très différent du dernier. Pas le même
son. A l'heure actuelle, By The Grace of God, c'est ce qu'on a envie de
faire. Je n'ai pas la moindre idée du son qu'aura le prochain album.
Peut-être qu'il ressemblera à du Toto ou à du Yes,
j'sais pas. Je ne crois pas (il se marre), mais sait-on jamais ?
D.I : Tes morceaux préférés des
Hellacopters ?
N.R : Je trouve que "(Gonna Get Some Action) NOW!" sur
le premier album est génial. Tout comme "Pride" du dernier.
D.I : Vous avez une vaste discographie, pas vrai ? Des millions
de disques sortis à travers la planète…
N.R : (il rigole encore) Ce sont surtout des disques vinyle,
des singles et EP's, en éditions très limitées. On
en a fait quelque chose comme cinq cents ou mille exemplaires à
chaque fois. C'est difficile de les dénicher tous. C'est pour ça
qu'on a sorti la compil Cream Of The Crap qui reprend beaucoup de ces trucs.
Il y a d'ailleurs un volume 2 qui va bientôt sortir.
D.I : De la batterie d'Entombed à la guitare et au chant
dans les Hellacopters, ça a été un changement brusque
ou ça a pris du temps ?
N.R : Je ne sais pas, je crois que ça s'est juste
fait comme ça. Je suis batteur. Je joue de la batterie mieux que
de la guitare. Bien mieux. Je crois que j'ai essayé de faire quelque
chose de différent et voilà le résultat. Si quelqu'un
me mettait un pistolet sur la tempe et me demandait de choisir, je prendrais
la batterie. Mais personne ne le fera… euh, ne dites jamais "jamais" (rires),
mais bon, mon choix serait la batterie, clairement. J'ai joué de
la batterie avec les Hydromatics, et l'an prochain je serai batteur d'un
autre groupe.
D.I : Vraiment ? Et ce groupe a un nom ?
N.R : Pas encore... Mais je peux te dire qu'on fera de
la soul des années 60.
D.I : Eh bien, tu aimes vraiment changer de style !
N.R : Non, ce n'est pas une question de changement de
style. En fait, je ne change pas. J'aime la musique, un point c'est tout.
Rien d'autre, rien de plus.
D.I : En tant que leader d'un groupe célèbre,
et pas d'un groupe de death metal- avec des filles qui crient ton nom comme
il y en a ici en ce moment-même, quel message voudrais-tu adresser
à tes fans ?
N.R : (rires) Ils crient mon nom ici au moins, c'est pas
comme chez moi... Je voudrais dire aux fans des Hellacopters, tout comme
aux fans d'Entombed, qu'il est important de ne pas s'enfermer dans son
coin. La bonne musique sera toujours de la bonne musique, peu importe que
ce soit du death metal, du blues ou de la disco. Y'a pas à tortiller,
ce qui est bon est bon. N'accordez pas tant d'importance aux "styles" ou
à des trucs de ce genre.
D.I : Et tu te souviens du premier disque
que t'as acheté ?
D : Oui, c'était en 72, Are
You Experienced de Jimi Hendrix. Je le réécoute régulièrement.
C'est incroyable comme certaines chansons sont proches de ce que peut faire
Mick Collins sur Ultraglide In Black !
D.I : Remontons aux années 80
et à Cargo Culte... C'était ton premier groupe ?
D : Non, le premier c'était
en 1979, avec Michel (Vindicators, Preachers, Slow Slushy Boys, Stompin
Harvey, Sweet Things). C'est lui qui m'a emmené acheter une basse
et un ampli et m'a fait passer son virus. On a joué ensemble pendant
deux ou trois ans, on reprenait Dutronc, Starshooter, Neil Young, Clash,
le Velvet, on a fait juste quelques concerts. On a attendu vingt ans pour
rejouer ensemble quand il a rejoint les Slow Slushy Boys fin 99. Ensuite
jusqu'en 84, je jouais de la basse dans Point Limit Zero, un groupe new
wave, genre Roxy/Simple Minds/Taxi Girl. C'est en 85 qu'on a monté
Cargo Culte et que je me suis mis au chant. C'était toujours assez
new wave, Jesus & Mary Chain, Echo & The Bunnymen -les mauvaises
langues diront Cure !- et, côté américain, le Gun Club
et Rem. On a sorti un premier single autoproduit en 85 "That's Your Life",
puis en 87 on a signé avec un label de Barcelone, Marylin Records,
et on a sorti un single et un mini-lp 5 titres.
D.I : Ce disque a visiblement bénéficié
d'une bonne distribution, on le voit encore de temps en temps dans les
bacs d'occases d'Armadillo...
D : C'est un peu loin tout ça,
mais ce dont je suis sûr, c'est que c'était vraiment l'arnaque.
On ne connaissait absolument rien de ce milieu et on était vraiment
content -et surpris- qu'un label s'intéresse à nous. On a
fait un premier voyage à Barcelone pour signer les contrats, l'aventure
quoi ! Ensuite ça s'est gâté, on nous a emmené
dans le pire studio possible, le Studio du Centre, à Bourges avec
un soit disant producteur, Patrick Boissel, qui nous faisait enregistrer
les instruments les uns après les autres et les voix phrase par
phrase. Tu imagines la spontanéité et le groove de l'enregistrement...
Il me reste quelques traces de répèt' avant studio et c'est
mille fois meilleur, bien plus vivant. Après, ça a traîné
des mois avant que ça sorte, avec des promesses de promo et de tournées
jamais tenues... Mais enfin, pas de regrets à avoir, c'est en grande
partie cette mauvaise expérience qui nous a poussés à
monter notre propre label et à prendre en main nos enregistrements.
D.I : Le "soi-disant producteur" Patrick
Boissel, c'est celui qui dirige aujourd'hui Alive Rds en Californie ?
D : Oui je crois...
D.I : Il y a d'abord eu les Slow Slushy
Boys, on en reparlera plus loin, puis le label, histoire de sortir le premier
album du groupe... C'est bien dans cet ordre là ?
D : C'est bien ça. Après
l'expérience Marylin, le groupe a continué a évoluer
vers quelque chose de plus rock'n'roll. On organisait pas mal de concerts
à Chambéry, et les groupes qu'on faisait passer nous donnaient
à chaque fois une leçon ! Les Batmen surtout, ou les Roadrunners
et nos amis les Vindicators. En 89, on est allé au studio du Chalet
à Bordeaux pour y enregistrer un album. C'est là qu'on a
décidé de changer de nom : Cargo Culte se changeait en Slow
Slushy Boys, mais après les forfaits de Closer et Stop It Baby Records,
plus d'espoir pour nous de trouver un label qui nous plaisait. On a donc
monté le nôtre. L'asso Larsen existait déjà
depuis 86 puisqu'on organisait des concerts et qu'on sortait un mini-zine
gratuit.
D.I : Tu imaginais être toujours
là dix-sept ans plus tard avec une quarantaine d'albums et autant
de 45 tours à ton actif ?
D : Vingt-trois ans plus tard en
fait !!! Non, sûrement pas. Je ne pensais même pas sortir un
deuxième album, en tout cas pas celui d'un autre groupe. Mais l'expérience
avait été réussie, surtout en grande partie grâce
à Christophe du Silence de la Rue qui commençait la distribution
à ce moment là et qui a vraiment assuré pour notre
album. Alors quand nos amis uginois du Flan System nous ont demandé
si on voulait sortir leur disque, on s'est lancé. C'est là
que le label a vraiment commencé dans ma tête. Après
les premières années, ça a été la période
albums CD de groupes amis et proches, avec des distributeurs qui changeaient
tout le temps. La même histoire à chaque fois, un petit distributeur
indépendant qui grossit rapidement et n'arrive plus à assurer
un catalogue trop important. C'est incroyable comme les choses n'ont pas
du tout changé, des potes à moi ont monté un label
techno il y a une paire d'années et sont confrontés exactement
au même problème.
D.I : Larsen a permis de découvrir
un nid de groupes de la région tout au long des 90's (Flan System,
U. Vagrants, Slow Slushy Boys, Juanitos, Lolipopers, Teen Appeal, Grizzly
Family, Mescaleros, Preachers, Godzillas, Stompin' Harvey, etc...). Il
y en a d'autres là-bas aujourd'hui que tu aimerais faire connaître
?
D : Non. Le seul qui m'éclate
vraiment n'est pas un groupe mais un trio de cinglés qui font plus
dans le happening que dans la musique ou les concerts, ils s'appellent
You Fuck My Wife, genre mimes de solos de guitares en playback, soirées
casting en live pour choisir un nouveau musicien, etc... Ils ont joué
au dernier Chambé T Rock. Ils ne savaient même pas ce qu'était
un retour !!! Ils font des parodies des groupes d'ici. Bref, on se marre
d'un bout à l'autre de leurs performances. Mais bon, sur vinyle,
je ne vois pas l'intérêt. J'ai pourtant bon espoir que de
nouveaux groupes émergent à Chambéry dans les prochains
mois, il y a quelques jeunes gens qui s'intéressent enfin à
nouveau au rock et sont curieux d'entendre ce qui s'est fait avant eux,
ils s'échangent des CD-R de Beefheart, des Stooges, du Velvet, des
Gories, de Jon Spencer et même de soul et de rythm'n'blues... Ils
n'aiment pas les Strokes et toute cette soit-disant "nouvelle vague rock"
préfabriquée.
D.I : Tu arrives à équilibrer
les comptes ou tu vends ta maison pierre par pierre pour financer le label
et le 'zine ? D'autant que tu sors pas mal de vinyle, ce qui doit plomber
la facture...
D : Pas de problèmes avec
le label depuis que je ne fais plus que du vinyle et que je m'occupe de
la distribution. Je fais beaucoup d'échanges avec l'étranger,
je bosse avec les meilleurs disquaires indépendants français.
Je ne passe plus par des distributeurs et ne fais pratiquement plus de
dépôts-ventes. Ce qui plombe les finances, c'est le zine.
Avec le port et le split EP, il nous coûte plus de 7 euros et on
le vend 5,50 pièce. Mais bon, pour l'instant, on ne s'est pas décidé
à augmenter le prix de vente, on ne sort qu'un numéro par
an et on n'est pas là pour faire du profit !
D.I : Tu n'as plus de problèmes
de financement avec le label depuis que tu ne fais que du vinyle ? Je pensais
que le vinyle coûtait plus cher à faire et se vendait moins...
T'as un truc ?
D : Je ne sais plus le prix du CD,
mais pour le vinyle, la boîte de pressage tchèque (Gramofonove
-nda-) reste encore assez économique et me fait du très bon
boulot. Ça n'a pas toujours été le cas, il y a eu
quelques erreurs... Voilà quelques chiffres pour comprendre : cinq
cents 45t à la fabrication, ça revient à peu près
à 700 euros. Quand je vends trois cents exemplaires à 2,50
(c'est le prix dépôt), ça fait déjà plus
de 700 euros, c'est amorti. Pour un LP, les cinq cents copies me coûtent
1400 euros, les trois cents vendus (à 6 euros-dépôt)
dépassent largement le prix d'achat. La plupart des sorties se vendent
au moins à cinq cents exemplaires. Ça nous permet aussi de
vendre les disques assez peu cher (l'album à 6 euros pour les magasins
et 9 euros port compris en VPC), de filer des disques au groupe avec un
peu d'argent. Peut-être que ça se vendrait plus en CD mais
ça ne m'intéresse pas. D'ailleurs j'encourage les groupes
à trouver un autre label pour sortir la version CD de leur album.
C'est ce qui s'est passé avec les Montesas, Kek 66, The Waistcoats
et les Slow Slushy Boys.
D.I : Y a-t'il un label ou plusieurs
que tu considères comme des modèles ?
D : Au départ, Closer, le
label du Havre, était vraiment un modèle, avec des superbes
groupes français, les meilleurs qu'on ait eus, Fixed Up, Batmen,
Kid Pharaon, et les étrangers, Barracudas, Dream Syndicate... Ensuite
il y a eu Crypt et Norton. C'est incroyable l'immense boulot qu'ils ont
fait, tant pour les rééditions que pour les groupes contemporains,
c'est pas un secret pour les lecteurs de Dig It... et les autres le découvriront
un jour ! Mon label préféré maintenant que ces deux-là
ne sortent quasiment plus de groupes actuels, c'est Voodoo Rhythm, le label
de Beatman.
D.I : Les meilleures ventes du label
?
D : On n'a jamais dépassé
mille deux cents copies pour les Rapiers en 45t et les Slow Slushy Boys
en albums (Pretty Monster et Boogaloo)
D.I : Les pires ?
D : Teen Appeal pour les albums,
la production était vraiment ratée. Pour les 45 tours, Bees
& B-Mice, trop décalés sans doute, mais c'est pour ça
que j'aime ce qu'ils font. C'est aussi le rôle d'un label de sortir
des disques que les gens n'apprécient pas à priori. Je suis
vraiment content d'avoir sorti leurs deux 45t. Mick Collins a d'ailleurs
plus qu'apprécié, ce qui est pour moi un gage de qualité
! Il doit me rester deux cents copies de chaque, mais ils sont là,
bien au chaud, et leur musique ne va pas vieillir de sitôt.
D.I : L'évolution du tirage moyen
?
D : Le tirage habituel c'est cinq
cents copies et je m'y tiens, sauf si les cinq cents partent à toute
vitesse. Ce n'est pas une histoire de "collectors", c'est juste que je
ne peux pas assurer la distribution d'un catalogue important. Le mieux
pour moi est de passer à un autre disque quand le précédent
est vendu. Je préfère sortir des nouveautés. Un tirage
de cinq cents copies me semble être la quantité que je suis
capable de distribuer tout seul.
D.I : Le disque que t'aurais aimé
sortir mais... ?
D : J'ai un jour branché
un gars qui connaissait King Coleman à Miami pour sortir une compilation,
bien avant que j'apprenne que Norton le fasse, mais c'était trop
compliqué. Je ne comprends absolument rien à toutes ces histoires
de droits (d'éditions -nda-). Mais bon, pas de regrets, le principal,
c'est que le disque existe et qu'on puisse le faire tourner sur nos platines
!
D.I : Les trois disques Larsen dont tu
es le plus fier ?
D : Le single de Mucus 2, un des
meilleurs groupes de ces dernières années pour moi, capable
de mêler le meilleur du punk, du blues et de la soul ! Un groupe
"moderne" avec pourtant une vraie culture musicale ! En plus, ils avaient
réussi le pari quasi-impossible de faire bien sonner la langue française
avec "Je N'Suis Pas Désolé". J'étais vraiment excité
et fier de sortir ça. En second, le Tribute To Arthur Alexander
évidemment, puisque y sont réunis presque tous mes groupes
favoris du moment et un de mes chanteurs préférés
qui est aussi un des plus grands faiseurs de chansons de tous les temps.
Pour le troisième, ça dépend des jours.... Aujourd'hui
ce sera le second single des B-Mice, le disque le plus décalé
du catalogue.
D.I : Un groupe avec lequel tu ne travaillerais
plus ?
D : Hormis avec Teen Appeal, où
tout le monde était déçu, côté label
comme côté groupe et où on s'est bien pris la tête,
ça s'est toujours bien passé. Avec la majeure partie des
groupes qui viennent sur Larsen, on s'est rencontré avant, je les
ai vus sur scène, et en général ils connaissent ce
que j'ai déjà sorti. Ils n'ont pas de plan de carrière,
donc ca se passe toujours de la manière la plus cool possible. Le
seul avec qui je m'étais promis de plus rien faire, c'est Juan des
Juanitos, mais bon, c'était il y a déjà longtemps
et beaucoup de mousse a coulé sous les ponts depuis...
D.I : Il y a des critères de sélection
pour les groupes que tu "signes" ?
D : Qu'ils ne se prennent pas pour
des futures stars et qu'ils fassent de la musique avec sincérité.
Côté style, je sais qu'on est étiqueté "garage
et sixties", mais je ne pense pas que ce soit suffisant. Je crois plutôt
que le label représente bien ce que j'aime, surtout depuis que je
ne fais que du vinyle : garage, punk, english beat, trash blues, rhythm'n'blues...
Manque un peu de soul et de ska, mais ça vient avec notre nouveau
label B-Soul... Et puis j'aime bien connaître les gens avant et sentir
un peu comment ils sont, comme ça a été le cas très
souvent, que ce soit avec les Rapiers, Dr Explosion, les Thanes ou les
Hentchmen par exemple...
D.I : C'est quoi l'idée derrière
ton nouveau label B-Soul Rds ?
D : Renouer avec la tradition R'n'B
et Soul, sortir des singles -c'est pour moi le meilleur format pour la
musique de danse- avec toujours la même pochette (genre jukebox -nda-).
Côté musique, je voudrais que ce soient vraiment des hommages
à la musique black, qu'il s'agisse de doo wop, de funk ou de rock
steady, pourvu que ça ait une âme. J'espère avoir bientôt
les Boogaloo Investigators, les Diplomats of Sound et Pama International.
On devrait aussi enregistrer deux titres avec les Slow.
D.I : "B"-Soul comme dans "B"-Movie ?
D : EXACTEMENT !!!
D.I : à quoi ressemble un contrat
type, s'il y en a un, chez Larsen ?
D : Il n'y en a pas. Un groupe qui
veut un contrat ira le chercher ailleurs et je ne lui en voudrai pas, j'espère
avoir d'autres relations avec les groupes qui viennent sur Larsen. On ne
signe rien. Je propose au groupes 10% des disques et un peu de cash pour
aider à l'enregistrement, suivant l'état des finances.
D.I : Tu as dis un jour que les Swingin'
Neckbreakers étaient l'exemple même de ce que tu détestais
chez un groupe. Leur côté "grosses têtes" sans doute
?
D : C'est bien ça. Les deux
dernières fois que je les ai vus sur scène -plus une autre
fois où j'étais absent mais c'est confirmé par mes
meilleurs potes- le chanteur était infect avec le public, prétentieux,
et leur musique tournait même au lourdaud ! Cela dit, leur premier
LP et le premier concert que j'ai vu, ça a été la
grande claque !!! C'est peut-être aussi pour ça que je suis
dur avec eux...
D.I : Derniers disques achetés
?
D : J'ai surtout passé ces
derniers mois à compléter ma discothèque de
singles R'n'B, boogaloo et soul des sixties. Le dernier reçu est
une tuerie de Betty Harris, "There's A Break In The Road", écrit
et produit par Allen Toussaint et accompagné par les Meters. Côté
groupes actuels les trois derniers qui squattent ma platine sont les 45t
des Nederbietels sur Tear It Up et des Flakes sur Hate Rds, et un fantastique
album funky soul d'une New Yorkaise, Sharon Jones (Dap Dippin with...).
D.I : Tes groupes favoris de tous les
temps ?
D : Rex Garvin & the Crawlers,
le Velvet, les Remains, les Gories, Nathaniel Mayer, les Maytals, Ken Boothe,
les Milkshakes, les Five Du-Tones, King Coleman, les Contours, les Lyres,
les Sonics, The Fall, les Outsiders et les Monks. J'en oublie sûrement...
D.I : Et ces jours-ci ?
D : Les Boogaloo Investigators de
Glasgow (un de leurs deux singles a été choisi par Puma pour
une pub télé !), ils ont sorti deux singles et une superbe
démo. Et aussi un groupe ska londonien, Pama International (excellent
single sur le label de Maz !). J'écoute aussi le dernier album des
Dirtbombs et j'attends fébrilement le prochain. Et côté
sixties, je viens de découvrir Pigmeat Markham, un acteur comique
black né dans les années 10 qui a sorti trois singles funky
incroyables sur Checker à la fin des années soixante .
D.I : Tu joues dans combien de groupes
aujourd'hui ?
D : Je joue de la guitare avec Stompin
Harvey & the Fast Wreckers. On (St. Harvey) joue aussi derrière
les Godzillas dans The Sweet Things. Et il y a donc bien sûr les
Slow Slushy Boys quand Tello est par là. Enfin on a monté
un duo studio avec Teen Axel, ça s'appelle Benny Gordini with The
Teen Axel Soul Arkestra.
D.I : Prochaines sorties Larsen ?
D : Un single de reprises de Gainsbourg
par les Come Ons. C'est Deanne qui a proposé ça à
mon pote Yannick de Wiped Out, et comme ça collait complètement
au concept des singles French Connection de Larsen, il m'a refilé
le bébé. Et donc l'album de Benny Gordini With The Teen Axel
Soul Arkestra. On a enregistré treize titres dans notre studio avec
notre chef du son, Djan. Axel a enregistré tous les instruments,
batterie, basse, guitare, orgue et aussi du piano, du vibraphone et des
percus. Je me suis contenté de faire les voix... Faut bien faire
bosser les jeunes.
D.I : La musique est visiblement une
histoire de famille chez vous ?
D : Oui, Teen Axel est mon fiston,
et ma chère et tendre épouse joue dans les Godzillas. Pour
le reste de la bande Larsen/Wiped Out, on est vraiment proches et souvent
fourrés ensemble. Mais je crois que vous connaissez ça aussi
à Dig It...
D.I : Comment se passe le travail père
& fils ?
D : Rapidement ! Avec Axel il faut
que ça dépote ! De son côté il a fait trois
chansons, dont deux instrus, qu'il a enregistrées jusqu'au bout
sans qu'on intervienne. Pour les miennes, on bosse d'abord à la
maison avec le piano et on parle des arrangements ensemble. Avant
d'enregistrer, on a fait deux ou trois répétitions batterie/voix,
surtout pour les tempos. Ensuite au studio, il n'y a que lui qui bosse,
jusqu'aux voix. L'idée c'était aussi qu'il prenne davantage
les choses en main au mixage. Avec le groupe (SSB), c'est différent,
on fait ça tous ensemble. Là à deux, ça va
bien plus vite, même pas besoin de concessions, on a la même
idée de la musique qu'on veut faire ensemble.
D.I : C'est toi qui as fait son "éducation
musicale" je suppose ?
D : Il y a toujours de la musique
à la maison, les Lyres, le Velvet et les Creeps sont ses plus anciens
souvenirs, mais on ne peut pas dire que ce soit moi qui l'aie éduqué.
Les premiers trucs qui l'ont emballé, c'est les musiques de films
et de séries sixties, pas des truc que j'écoute beaucoup.
Les amis qui passent ici ont tous des choses à nous faire écouter
et à découvrir. C'est comme ça qu'il s'est mis au
funk, avec Fab des B-Mice, ou au reggae avec Tello. C'est maintenant lui
qui me fait découvrir des génies du rock steady comme Stranger
Cole ou des trucs de Beefheart que je ne connaissais pas.
D.I : Il ne passe pas trop pour
un Martien parmi ses potes de classe ?
D : Ouais, il doit sûrement
passer pour un Martien... comme tout ceux qui ne sont pas dans un moule
préfabriqué. Mais finalement, ils sont tout de même
un petit nombre à être d'une autre planète et ils se
sont trouvés semble-t-il. Axel écoute pas mal de choses différentes
et il a monté un groupe avec deux potes, plutôt rhythm'n'punk,
il y joue de la batterie et pour le peu que j'ai entendu c'est assez prometteur
mais il manque encore un chanteur.
D.I : Vous organisez toujours des concerts
?
D : Depuis 86, on demande une salle
adaptée aux petits concerts ici, et ca n'a jamais été
fait. Enfin, la mairie vient d'ouvrir une petite salle, super bien adaptée,
avec sono, mais bon, interdite d'alcool et clopes... Inutile d'en rajouter.
On joue de temps en temps dans un bar sympa, mais pas moyen d'y faire jouer
des groupes d'ailleurs parce qu'il ne paye pas. On fait toujours notre
festival début juillet, le Chambé T Rock, mais l'ambiance
kermesse commence à me fatiguer. Chambéry n'a d'ailleurs
jamais été une ville à concerts, c'est un truc qu'on
n'a pas réussi. Ça s'est toujours davantage passé
à Ugine.
D.I : C'est quoi exactement le Chambé
T Rock ?
D : C'est le festival rock annuel
de Chambéry. Pas du tout le genre grosse organisation, c'est gratuit,
en plein air et ça attire en général plein de monde,
de tous âges. Ça a commencé à la fin des années
80, on aidait juste, puis on l'a organisé seuls à partir
de 91 je crois. Ça fait donc pas mal d'éditions... Les plus
mémorables pour moi furent celles avec Beat Man, avec Mucus 2, avec
les Thanes et celui avec les Kartoons/Imposibles/ Waistcoats. J'y fais
jouer pas mal de groupes qui sont sortis sur le label ou dont on parle
dans le fanzine. C'est la mairie qui finance ça à hauteur
de 15000 F qui servent à payer les groupes, la bouffe, les affiches,
etc... C'est donc vraiment un petit budget, mais bon, les groupes sont
en général contents de venir ! C'est bien de pouvoir faire
passer les groupes qu'on a envie de voir sur scène, mais les conditions
ne me plaisent pas trop, j'ai de plus en plus horreur des grandes scènes,
des éclairages et surtout de ces sonos pourries !
D.I : Il y a forcément moins de
concerts dans la région depuis que le mythique Perroquet d'Ugine
est fermé...
D : Lou, un sax du Flan System a
repris un bar à Ugine. L'ambiance est toujours la même, on
y joue aussi de temps en temps, mais c'est minuscule et il ne veut pas
en organiser régulièrement. Il y a aussi une asso, Les Bunkers,
qui organise des concerts à Ugine, punk, ska-punk, et punk hardcore.
Il y a encore et toujours un public pour ça à Ugine. Ils
ont fait plus de six cents entrées et ont refusé plein de
monde pour les Wampas la semaine dernière. Mais il n'y a malheureusement
plus de concerts réguliers comme au temps du Perroquet.
D.I : Il y a de solides relations entre
Wiped Out Records et Larsen non ?
D : Yannick et Stompin Harvey' ont
monté le label pour sortir un 45 tours des Maybes. Ils étaient
déjà des nôtres depuis quelques années, et on
a tout de suite fonctionné ensemble pour le zine, les envois promos,
les collages de pochettes et toutes les "basses besognes". On ne fait donc
aucune différence entre les deux labels. La seule qu'il y ait réellement,
c'est qu'ils choisissent ce qui sort sur Wiped Out et moi sur Larsen. Yannick
est un grand fan de girl groups actuels et de la scène de Détroit.
Et plus encore que moi, il privilégie les rapports humains entre
les groupes et le label avant tout.
D.I : Depuis combien de temps existe
le Larsen 'zine ?
D : J'avais commencé un 'zine
de quatre pages photocopiées au début de l'asso Larsen en
86. On annonçait les concerts du coin avec quelques chroniques de
disques et de 'zines. Puis il s'est épaissi au fil des ans jusqu'à
atteindre une trentaine de pages. La photocopie commençait à
avoir ses limites et il fallait passer à l'imprimerie. C'était
en 91 ou 92, on a pris deux objecteurs dans l'asso, des graphistes, leur
boîte s'appelle Le 188 et ces derniers temps ils font pas mal de
pochettes techno pour les labels Rodeo Gay et Good Life, la pochette de
Pretty Monster c'était l'un d'eux, Pierre Jean, également
batteur des SSB le temps de quelques concerts. C'est grâce à
eux qu'on s'est lancé dans un tel boulot. Avant ça, je ne
connaissais rien à l'informatique.
D.I : Le côté "luxueux",
couv' couleurs épaisses et glacées, c'est un truc auquel
tu tenais d'entrée ?
D : Pas vraiment d'entrée
puisqu'on a donc fait quelques années de photocopies, mais quand
il a fallu changer, j'avais envie de faire un truc du genre Combo (la référence
pour moi, avec Nineteen !) qui était lui aussi assez luxueux. La
seule idée originale que j'ai eue c'est de faire un format CD plutot
qu'un format livre de poche.
D.I : On trouve de "grands noms" sur
les CD's ou EP's offerts avec Larsen (Lyres, Milkshakes, Woggles, Fleshtones,
etc...), y'a dû y avoir des deals mémorables non ? Comment
ça c'est passé avec les Lyres par exemple ?
D : Ils ont dormi chez moi quand
on les a fait jouer à Chambéry. Et quand Monoman a vu les
numéros de Larsen qui étaient déjà sortis (c'était
le format CD avec un mini CD en prime) il a tout de suite demandé
s'il pouvait être dans le prochain. Il est allé illico chercher
une cassette dans le van et me l'a tendue. Je peux te dire que je n'étais
pas sûr du tout d'avoir bien compris, vu mon anglais, et que je ne
pouvais pas y croire jusqu'à ce qu'on écoute cette cassette
avec leur chanson "Baby It's You"... Quelques semaines plus tard, Childish
me donnait le feu vert pour utiliser un des premiers titres des Milkshakes.
Je me retrouvais avec mes deux groupes favoris sur le même mini-CD.
T'imagines le bonheur !
D.I : Comment ça se passe avec
ces groupes en général, tu leur demandes un morceau et ça
marche ?
D : En général, ils
disent tous oui après avoir vu le 'zine. Ensuite le plus dur c'est
d'avoir les morceaux, j'attends souvent longtemps, certains ne sont même
jamais arrivés comme celui que les Swingin' Neckbreakers m'avaient
proposé. Pour le label, ça arrive aussi, Childish m'a contacté
par deux fois pour un single et ça ne s'est jamais fait. J'attends
aussi des bandes des Rapiers depuis longtemps, et c'est pareil pour un
single en français avec les Dirtbombs... Mais bon, je sais que c'est
comme ça, j'attends patiemment. Si ça se fait tant mieux.
Pour les Fleshtones, ça a été long mais ils ont vraiment
assuré. Le premier titre qu'ils m'avaient envoyé ne leur
plaisait pas et ils sont retournés en studio en enregistrer un autre.
Comme avec les Woggles, on parle depuis un moment avec Manfred d'un album
ensemble et ça se fera bien un jour.
D.I : Tu dois crouler sous les sollicitations...
D : Hé bien pas trop, étonnamment,
contrairement au label ou au festival pour lesquels je reçois des
tas de disques et démos de groupes français.
D.I : Pourquoi ce changement de format
il y a quelques années ?
D : Comme pour le label, j'en avais
marre de sortir du CD, et puis dans le fanzine on n'arrêtait pas
de clamer haut et fort qu'il fallait acheter du vinyle. Le passage a été
naturel, surtout que la couverture allait être plus classe en format
45t (The Next Big Thing, le zine écossais, le faisait déjà).
D.I : L'équipe a l'air réduite
? Tu t'occupes de toute l'organisation...
D : Après les deux premiers
objecteurs avec qui on a commencé, on en a eu d'autres, et pas des
moindres, Tello (Bees & Bmice, Slow Slushy Boys... ), Stompin Harvey
himself et Fab (Preachers, Bees & Bmice...). Après ça
il a bien fallu que je me mette à la mise en page. Je ne suis pas
un as en informatique et j'ai pas mal d'autres choses à faire (le
boulot, le label, les groupes, la VPC) donc ça n'avance pas vite.
Et puis il faut du temps pour réunir tous les articles. Du coup
j'arrive à peine à sortir un numéro par an. Enfin
cette année, avec le numéro spécial B-Soul, ça
va faire deux numéros !
D.I : Tirage moyen ?
D : C'est toujours 750/800 exemplaires.
D.I : Combien d'abonnés ?
D : De moins en moins. On ne sort
pas le 'zine assez régulièrement... On était à
trois cents il y a quelques années, maintenant c'est cent cinquante.
Mais bon, le 'zine se vend autant. Les huit cents copies partent quand
même.
D.I : Il y a assez peu d'articles longs.
C'est un choix ?
D : Non, il n'y a que des fainéants
dans l'équipe de rédaction !!! Le peu d'articles longs parus,
je les ai passés en plusieurs fois...
D.I : Le nombre de pages des derniers
numéros (ceux au nouveau format) oscille entre 88 et 108,
c'est selon l'inspiration et le nombre d'articles proposés par les
différents contributeurs ?
D : 108 pages c'était une
grave erreur. Le nombre de pages ne doit pas excéder 100 à
cause du poids et du timbrage. Il faut pas que ça dépasse
250 g avec le split EP. Sinon, ça coûte le double en frais
de port. A cause de ça, je dois moduler, la plupart du temps avec
le nombre de chroniques de disques.
D.I : Les couvertures sont faites par
une personne différente à chaque fois ?
D : Pierre-Jean a dû en faire
trois. C'est lui qui s'est occupé longtemps de réunir tout
ce qui était graphisme et BD pour le fanzine. Pour les autres on
change à chaque fois. La dernière avec les Cramps a été
faite par Cyril le chanteur des Torso Twisters et pour la prochaine, c'est
Marcel Bontempi des Montesas qui s'y colle.
D.I : On l'a vu plus haut, tu perds donc
1,50 euros par numéro. Peut-on dire que tu entretiens Larsen 'zine
comme d'autres entretenaient jadis des danseuses ? Pour le plaisir... Ça
sonne éminemment sympathique.
D : Oui tant qu'on aura envie de
parler de groupes actuels on continuera, et c'est vraiment grâce
au 'zine plus qu'au label que les gens nous connaissent un peu partout
; mais jusqu'à quel point peut-on perdre de l'argent ? Il ne faut
pas que ça empêche le label de sortir des disques. C'est pour
ça que pour nous donner un peu d'air, il n'y a que les abonnés
qui auront un 45t offert avec le nouveau numéro spécial B-Soul,
histoire d'économiser un peu et de nous permettre de repartir normalement
avec le n°21 (les Booboos, Swine Fever et Delta Bombs sont déjà
prévus pour le split EP).
D.I : Meilleur souvenir d'interviews
?
D : Celle que Cédric, le
spécialiste 50's de Larsen, a fait avec les Gories quand ils ont
joué ici, dans un petit bar de campagne. C'est aussi un de mes meilleurs
souvenirs de concert d'ailleurs !
D.I : Le pire ?
D : Celle au Perroquet avec Chris
Wilson ! Pas à cause de lui, mais des Vindicators qui étaient
alors dans leur période "pétards à mèche" et
qui nous l'ont mis en colère et rendu à moitié sourd
!
D.I : Le dernier numéro est donc
un hors-série consacré à la "B-Soul", une sorte d'encyclopédie
du genre basée entr'autres sur ta discothèque perso... C'est
un beau pavé. Tu dois y travailler depuis un moment ?
D : L'idée est venue de la
frustration que je ressentais avec toutes les compil soul, rhythm'n'blues
ou funk de ma discothèque. On n'y trouvait jamais aucune info sur
les groupes ou les morceaux. Même Crypt qui fait un super boulot
pour ses compil garage punk ne donne jamais aucune info sur ses albums
soul boogaloo. Bref, j'ai commencé à faire des recherches
pour moi, sur mes compil puis sur les singles que j'achetais. En même
temps, j'ai commencé à mettre sur ordi mes 45t préférés
et à compiler ça sur CD-R avec douze titres à chaque
fois et des infos sur chaque morceau. Vingt-cinq volumes (trois cents chansons)
sont déjà sur CD. L'idée aurait pu être de sortir
ça en vinyle comme beaucoup le font, mais j'avais pas envie de tomber
dans le plan pirate ou de courir après les ayants droit. J'ai finalement
opté pour une diffusion plus réduite et gratuite. Il suffit
de m'envoyer des CD-R que je grave. Pour revenir au guide B-Soul, j'ai
donc répertorié mes quatre cents singles, avec label, année,
compositeurs et petit historique. Pour une vingtaine de groupes et chanteurs,
j'ai fait un article complet avec discographie (certaines d'ailleurs étaient
déjà parues dans des Larsen et ont été complétées).
J'espère que ca pourra étre utile aux amateurs. a ce propos,
dis à Lo Spider qui recherchait la discographie de Rex Garvin dans
le dernier Dig It ! (l'interview de Martin Savage) qu'il la trouvera dans
le guide B-Soul...
D.I : C'est fait, merci pour lui ! Il
doit y avoir des disques partout chez toi ?
D : Oui, d'autant que je n'aime
pas trop vendre mes disques, même ceux que je n'écoute plus.
J'en ai vendus quelques-uns et je l'ai toujours regretté à
un moment ou un autre. Enfin, c'est pas pareil pour les CD, je n'en garde
pratiquement aucun. Même les promos que je reçois... Si le
disque me plaît je l'achète en vinyle s'il existe, ou alors
je le grave.
D.I : Ton avis sur la "presse rock" du
pays, mags et fanzines confondus ?
D : Je n'achète pas la presse
rock mais je reçois pratiquement toute la panoplie Freeway, Rocksound,
Punk Rock, X-Rock... La quête du journaliste, c'est d'être
à l'écoute des nouveautés, mais en même temps
de continuer à faire découvrir le passé. C'est ça
qui va aider un lecteur à apprécier pleinement un disque
ou un groupe. Ce n'est malheureusement jamais le cas. C'est hallucinant
ce que tu peux lire dans les magazines nationaux, comme cette chronique
du nouvel album des Dirtbombs où le Grateful Dead est cité
comme une référence en matière de pop... D'un autre
côté, il y a les plus anciens qui continuent de faire semblant
de croire que Bowie et Jagger ont encore des choses à dire et à
chanter. Et tous de continuer, chacun dans leur créneau, à
tout faire pour vendre du papier et engraisser les grosses maisons de disques.
La grande différence avec le fanzine, c'est cette relation à
l'argent et au profit. C'est pour ça que j'appelle tout ceux qui
s'intéressent au rock, au garage, au punk à boycotter cette
presse et à se jeter sur Dig It !
D.I : Merci, je te paye un coup au Fantomas
quand tu veux.... Est-ce que le fameux supposé "retour du rock'n'roll"
a eu un quelconque impact sur les prod Larsen ?
D : Je ne suis pas très sûr
de savoir de quoi tu parles. S'il s'agit de ces nouveaux groupes qui vendent
des millions de disques, on peut dire qu'ils ne m'ont pas aidé à
vendre un seul album de plus. Concernant les White Stripes, espèce
de symbole de ce renouveau, j'ai vraiment aimé le premier album.
Et Jack White avait déjà fait un mini-album avec les Hentchmen
et un 45t avec Andre Williams. Eux sortent vraiment d'un milieu musical
qui bouillonne depuis pas mal d'années (rappelez-vous les Gories)
et ne sont pas arrivés là montés de toutes pièces.
Mais pas vraiment de renouveau pour moi, juste un excellent concept duo
minimaliste guitare/voix, un truc que j'aime depuis longtemps. Mais bon,
dès le second, j'ai trouvé ça déjà moins
intéressant. C'est toujours amusant de voir que ce genre de musique
peut être monté en hype, mais à mon avis ils ont fait
comme tant d'autres une grosse erreur en signant sur un gros label... Mais
le pire c'est surtout les groupes qui sortent un peu partout, se réclamant
de ça et même plagiant sans vergogne, comme les Yeah Yeah
Yeahs. Pour l'autre groupe en vogue, les Strokes, c'est carrément
le vide sidéral, mis à part le tube du premier album, il
n'y a rien qui m'excite, du vent ! Enfin si tout ça permet à
des groupes sincères et originaux de se former, et à quelques
autres de s'intéresser à du rock plus underground, c'est
super. Mais je crains qu'il y ait un gros tri à faire. Enfin, ne
faisons pas la fine bouche, j'aime bien trois ou quatre titres de Radio
4, j'adore le maxi de LCD Sound System (Losing My Edge), et surtout un
trio de Californie avec une incroyable batteuse chanteuse, The Numbers,
je cherche en vain un album entendu chez un pote. C'est le genre de chose
qu'il me plairait bien de sortir aussi.
D.I : Il y a eu une évolution
permanente dans votre musique, du garage des débuts au R'n'B'n'Soul
d'aujourd'hui en passant par de l'instrumental. Exercices de styles ? Progression
logique ?
D : L'évolution s'est faite
tout seule, disons que notre musique a glissé de plus en plus vers
les racines black du rock'nroll, et du coup vers la
soul. L'idée depuis le départ avec
les Slow, c'était de jouer la musique qu'on aurait aimé entendre.
Elle a donc évolué tout naturellement et tout doucement.
Peut-être même qu'elle s'est plutôt précisée,
laissant petit à petit de côté ce qu'on ne sentait
plus trop, comme les tendances country du début ou les gimmicks
garage ensuite. Mais au niveau style, il ne me semble pas qu'il y ait de
grands écarts entre les différentes formations ou albums.
Tu prends "Mrs X" sur le premier ou "Pretty Monster" sur le second, c'est
déjà soul. Ou le dernier album fait avec The Blob et Dan
Electro, 10 Fab Hits, c'est bel et bien le brouillon de ce qui allait suivre,
avec du rhythm'n'blues, deux covers des Shirelles, des cuivres... Et sur
Boogaloo, on a replongé dans le sixties pop avec "Smoking Cigarette",
ce qu'on n'avait pas fait depuis des années. On ne s'est jamais
laissé enfermer dans un carcan musical. L'idéal étant
que ça groove, que ça soit mélodique et qu'il y ait
de l'émotion.
D.I : Il y a eu pas mal de line-up différents
depuis les débuts ?
D : Oui pas mal de départs,
The Blob se consacre maintenant entièrement aux Juanitos et Dan
Electro fait lui de l'excellente techno depuis
2000. Il a sorti deux maxis et prépare
un album. C'est un des rares trucs dans ce style qui s'inspire largement
de la soul, du gospel, enfin de toute la musique black, et donc un des
rares que je peux écouter avec plaisir. Il y a eu d'autres changements
mais celui-là est le seul qui se soit fait dans la douleur. Enfin,
pour moi... J'ai mis quelques mois à m'en remettre et c'est Teen
Axel qui m'a remis sur les rails et m'a redonné confiance en moi.
On a bossé tous les deux mes nouveaux morceaux pour l'album Boogaloo,
à la maison sur le piano, avant de recontacter Lester et de brancher
Michel Fast Wrecker pour nous rejoindre. Tello lui, était fin prêt
pour remettre ça et revenir de Londres pour jouer. C'est même
lui qui a proposé de prendre la basse pour laisser l'orgue à
Teen Axel.
D.I : Ta formation préférée
?
D : Sans hésiter, la formation
actuelle, surtout en concert ! Le groupe est vraiment soudé musicalement.
C'est d'ailleurs avec cette formation qu'on a réussi, pour l'album
Boogaloo, à enregistrer enfin complètement live, même
la voix. C'était un truc qu'on essayait de faire depuis des années.
Liam Watson, qui pourtant enregistre quasiment toujours live, n'avait jamais
vu ce principe poussé aussi loin. Ça reste mon album préféré.
D.I : Combien d'albums, 10" et 7" à
votre actif ?
D : On a sorti sept albums, dont
trois 30cm, deux 25cm, et deux CD. Le second CD est une compilation sortie
aux USA qui couvre la période 1995-2001. C'est le seul album qui
ne soit pas sorti sur Larsen. Mais ça ne veut pas dire que le prochain
ne sera pas sur un autre label. J'ai des propositions en Espagne et aux
Usa. Pour les 45t, en comptant les splits comme ceux avec les Kravin A's
ou les Thanes, on en a fait dix-sept. C'est définitivement mon format
préféré, en tout cas celui qui correspond le mieux
à la musique qu'on fait. Mais les temps sont durs et le 45t se vend
moins qu'il y a deux/trois ans, c'est plus facile d'équilibrer financièrement
un album.
D.I : Vous avez été édités
dans combien de pays au total, tous formats confondus ?
D : Pour les 45t, beaucoup en France,
Italie et Espagne, mais aussi Allemagne et Autriche. Et comme je l'ai dit,
les albums sont sortis chez nous, sauf la compil au Texas. Et avec les
compilations, plus d'une trentaine, on peut ajouter le Canada et l'Australie.
D.I : Tu as calculé le nombre
de disques que vous avez ainsi vendus à travers le monde ?
D : Ça fait à peu
près sept mille albums et dix mille 45 tours.
D.I : Et après ça tu n'as
pas un peu l'impression d'avoir tout fait ?
D : Je ne pense pas que j'arrêterai
un jour. L'envie d'écrire des chansons, le plaisir de chanter de
nouvelles covers avec mes potes, d'explorer des nouveaux terrains musicaux
comme le rock steady ou la funk... il y a encore de quoi faire.
D.I : La seule fois où vous êtes
passés à Toulouse, c'était il y a presque quinze ans...
D : Mémorable pour nous !
On y avait fait l'après-midi un set quasi acoustique au sous-sol
d'Armadillo, je crois bien que c'est le seul qui y ait eu lieu. C'était
en 91 je crois...
D.I : Vous ne tournez pas beaucoup ou
vous choisissez soigneusement vos dates ?
D : On a passé quelques années
à beaucoup tourner dans les 90's, occupant quasiment tous les week-ends
et nos vacances, mais ça use... surtout celui qui s'occupe de trouver
des dates. On l'a toujours fait nous-mêmes, un peu chacun à
notre tour, et il faut dire que ça a toujours été
dur pour
nous de jouer en France, pas assez punk, pas
assez rock... Là depuis 2000, on attend simplement qu'on nous demande.
Et puis les emplois du temps de chacun sont assez compliqués, avec
des gosses, des boulots. Ce qui fait que depuis 2000 on ne joue quasiment
qu'à l'étranger où on nous demande régulièrement
pour des festivals, et chez nos potes à Ugine et Bourges.
D.I : Quel effet ça t'as fait
quand t'as remarqué que Slow Slushy Boys pouvait aussi s'écrire
"SS Boys" !?!
D : On a ri jaune, tu penses bien.
On était pourtant assez fier de ce nom imprononçable, mais
on n'avait pas pensé une seconde que les gens allaient trouver une
solution pour contourner la difficulté.
D.I : Tu flippes quand t'as pas un truc
sur le feu ? Un disque où tu joues, ou d'autres que tu sors...
D : Non parce que ça n'arrive
jamais, il y en a toujours un en attente. Ce qui me fait flipper, c'est
de ne jamais trouver du temps pour écrire de nouvelles chansons.
D.I : L'album de Benny Gordini with The
Teen Axel Soul Arkestra (Ring-A-Dang Doo) m'évoque une sorte d'aboutissement
du chemin parcouru par les SSB. Comme si Axel avait pigé le truc
tout de suite, tu sais, genre "C'est ça que tu veux ? Ok pas de
problèmes"...
D : Il y a de ça ! Et en
plus il le fait vite. Sa première longue expérience en studio,
avec Liam au Toe Rag, lui a beaucoup appris. La plupart des
prises, il ne les a faites qu'une fois. Il ne
s'attache pas aux petits détails comme de nombreux jeunes musiciens
(et moins jeunes) mais à l'ensemble de la chanson. Plusieurs idées
étaient au départ de ce projet d'album, d'abord Axel voulait
enregistrer du piano acoustique depuis longtemps et on ne l'avait jamais
fait. De mon côté j'avais envie de partager cette nouvelle
expérience de studio avec lui. Faire un truc à deux, père
et fils, dans lequel on s'éclate, c'est pas tous les jours. La troisième
idée, c'était que contrairement aux enregistrements live
habituels des Slow, on pouvait prendre plus de liberté, sortir du
schéma batterie-basse-guitare-orgue, comme par exemple ne pas mettre
de guitare sur un titre, sous-mixer la batterie sur un autre, mettre plus
de percus, ou du vibraphone. Pour les chansons, tu as raison, ça
pourrait être du SSB, on en reprend d'ailleurs deux ou trois sur
scène.
D.I : Quel est le message de "Inox City"
? Assez de grosses guitares, retour aux racines Blues et Soul ?
D : Ugine (Inox City, capitale de
l'acier inoxydable) est une ville unique par ici, avec une vraie culture
punk depuis les mid-seventies, comme si elle n'était pas perdue
au fond d'une vallée au milieu des Alpes. Il y a des concerts là-bas
depuis trente ans et toujours un public punk. Et bien qu'on n'ait jamais
été punk on a toujours été accueilli comme
des frères là-bas. On joue régulièrement dans
le bar de Lou, sax du Flan System, et c'est toujours une super fête
où tout le monde danse. "Inox City" c'est surtout un hommage à
ces potes qui savent toujours que la musique est juste affaire d'amusement,
de danse et d'amitié... Enfin pour les grosses guitares, je
suis assez d'accord, mais ça dépend surtout de la musique
qui est jouée avec... Un Marshall n'a jamais fait de mal à
personne quand c'est joué avec classe. J'en ai surtout assez des
ces groupes bourrins qui font du punk un style musical. Les Gories sont
pour moi mille fois plus punk. Il y en a même qui refont des solos
de guitare, c'est assommant. On croyait en être débarrassé
et voilà que ça recommence.
D.I : Un petit grain de folie à
la Dirtbombs ne m'aurait toutefois pas effrayé, éruptions
de grattes fuzz déglinguées, etc...
D : Moi non plus. C'est pas dit
que ça n'arrive pas un des ces quatre d'ailleurs. Mais bon on ne
se force pas. Ça doit venir tout seul. Je préfère
laisser venir les choses. La seule fois où on a tenté de
forcer notre nature c'était pour l'album Pretty Monster, on a essayé
d'être plus punk qu'on ne l'était et je n'aime pas trop le
résultat... Mais Teen Ax progresse à la guitare et il écoute
les Dirtbombs, Jon Spencer, Green Hornet et pas mal de vieux groupes punk.
C'est bien possible que ca s'entende sur les prochains enregistrements...
D.I : Pourquoi "Benny Gordini" ?
D : "Benny" c'est mon surnom depuis
mon arrivée à Chambéry en 79. C'est Djan, président
de Larsen avec ses potes d'alors qui m'en avaient affublé. Depuis
quelque temps déjà, Prof K's Burn, président du PET
(Pogo Extra Torride, l'asso du Flan System qui organisait les concerts
au Perroquet) y a rajouté "Gordy" (comme Berry Gordy, le boss de
Motown -nda-). Benny Gordy, ça me faisait déjà bien
marrer, mais c'est Pierre Jean qui a eu le dernier mot en le changeant
en Benny Gordini. Je l'ai donc gardé tel quel pour notre duo avec
Teen Axel. Et "Arkestra" c'est en hommage à Sun Râ dont on
est fans tous les deux.
D.I : Plutôt R8 ou R10 ?
D : Plutot R12 ! Je ne suis pas
du tout fan de voitures, ça ne m'intéresse pas, mais j'ai
passé mon enfance à la campagne et là, les R8 Gordini,
c'était vraiment le top ! Mais je serais plutôt R12, elle
a une forme tout à fait originale, ne ressemble à rien d'autre...
L'idée de la pochette, c'était d'ajouter un nouveau volume
à ces séries de compilations sur Atlantic parues dans les
seventies, avec tous ces tubes Soul et R'n'B des années soixante,
Formidable R'n'B, Terrible R'n'B, sauf qu'on a mis une Gordini à
la place d'une caisse américaine.
D : C'est un trio (2 guitares/batterie) qu'on a commencé il y a déjà quelques années, vers fin 99, avec Harvey (Wiped Out Rds) et Michel (SSB, Preachers, Vindicators). Un groupe à géométrie variable, on chante tous les trois, Michel joue parfois de l'orgue, du banjo... On fait un mix de R'n'B à la Allen Toussaint, de cajun, de garage punk, de country déjantée. Michel en est le principal moteur puisqu'il nous amène souvent de nouveaux titres. On a d'ailleurs un plein carton de chansons à enregistrer. Un album est plus ou moins en prévision pour nos amis de Pau, La Torche et Jean-Noël. Pour l'instant, on vient de finir "Watermelon Man" pour un tribut au Gun Club.
*Benny Gordini & The Teen Axel Soul
Arkestra : The Ring-Dang-Doo. LP. Larsen Rds 2003
*B-Soul Guide. Larsen 'zine hors-série.
Larsen Rdz : 116 Route du Crey, 73230
St Alban Leysse. <www.larsen.asso.fr>
On
les a d’abord pris pour des branleurs marrants et obsédés.
Logique, avec un premier album titré Violent Masturbation Blues,
une tête de chimpanzé, clope au bec et calot de marin vissé
sur le crâne en guise de logo, et des textes porno gay trash entre
Turbonegro et GG Allin (“Je cogne ton cul avec le poing de ma bite...”,
désolé pour les âmes sensibles). Le tout sur du garage
punk R&B rugueux à la Oblivians, parsemé de country,
d’un chant de marins et autres pochades éthyliques. Et déjà
un goût pour les choeurs de castrats, les breaks batterie/vocaux,
les lignes de guitare furieusement entremêlées, et les accalmies
qui précèdent les déluges sonores. Un bon moment de
rigolade en tout cas, mais pas forcément de quoi chambouler la scène
de Melbourne.
Hector (Daniel Dempster, batterie/vocaux),
Viktor (Dave Archdall, guitare/ vocaux) et Vernon (guitare/ vocaux), devenus
les pro-tégés de Rich, le bassiste des ONYAS et grand manitou
du label Dropkick, prouvaient avec l’album suivant, Turn The Other Cheek,
qu’ils tenaient bon la barre. Un tube d’entrée : “YCMA”, aux textes
à faire rougir les Village People (voir encadré), puis une
enfilade de perles R&B tendues, du groove bizarroïde, une adaptation
crétine et poilante de la “Cucaracha”, un coup de country, et une
novelty song épique pour conclure. Un joyeux bordel, pas seulement
drôle, mais aussi intense et prenant. Un meilleur son et l’ajout
de l’organiste Geronimo (Matt Heydon, ex-Cow Penalty) élargissaient
leurs horizons.
Le mini album Failure Depression
Suicide déboulait dans la foulée comme une confirmation.
Huit titres éclectiques et bario-lés : “Abattoir Blues”,
sorte de croisement Velvet/Died Pretty, “Girls That Look like Boys They
Are The Shit”, vibrant hommage groove à Moe Tucker et toutes les
filles androgynes, “Good Karma’s Coming My Way”, un trip hypnotique et
saisissant, “Slut For The Booze”, du bon vieux rock’n’roll débraillé
à la Stones/Faces, ou encore une cover de “Pop Corn” ! Celui de
Hot Butter en 72, l’année de gloire du synthétiseur Moog...
Tu du du du du du du... L’archétype de la scie lénifiante
et obsédante, magnifiée par un orgue sautillant, des harpèges
délicats, des giclées de guitare, sur un beat limite électro.
Wow ! De quoi les porter au pinacle ou les enterrer définitivement.
Des malins finalement, des provocateurs qui aiment prendre des risques
et créent un univers iconoclaste qui trouve sa cohérence
dans l’ironie agressive des textes outrancièrement gays ou carrément
trash. Gimmick ou militantisme débridé ? Des phénomènes
en tout cas... Là-bas on les a surnommés “The Screaming Queens
of Gigolo” !
D’où nos mines réjouies en apprenant qu’ils débarquaient en ville au Ramier en compagnie des Bellrays et de nos héros locaux, le Jerry Spider Gang. En déboulant dans le dancing rétro qui se transforme à l’occasion en club rock, je croise Tony Fate des Bellrays. Il s’esclaffe devant les statues kitsh et l’énorme boule disco qui pend au plafond, d’autant qu’ils sont arrivés l’après-midi alors que le balloche battait son plein. Il se marre derechef quand je l’interroge sur les Sailors. “Hier soir, ils ont ouvert le concert avec “Pop Corn”, tu le crois ?!!”. Jostone, le fidèle driver et soundman des Californiens, attaque les réglages de la sono en envoyant du mambo à tout va. Visiblement le DJ du thé dansant de l’après-midi n’a pas viré son matos. Les Sailors descendent de leur van l’air hagard peu de temps après. Ils reprennent vie et s’agitent sur les exotiques chansonnettes que déverse la sono. Hector et Viktor se dévouent pour l’interview. On cherche un coin à l’abri des vociférations de Lisa Kekaula, la chanteuse des Bellrays, qui vient de démarrer la balance avec une belle détermination. Finalement, on se réfugie à l’extérieur, et on commence à évoquer la tournée en cours, leur première hors d’Australie.
Hector : On a d’abord passé cinq semaines aux Etats-Unis, ensuite on a débarqué en Europe, une semaine en Espagne, une en Allemagne, aux Pays-Bas, et maintenant la France.
D.I : Cinq semaines, c’était une
grosse tournée US...
Viktor : Ouais, vingt-sept shows...
Pratiquement tous les soirs. Ça s’est super bien passé...
H. : C’était bizarre parce
que certains soirs on jouait devant vingt personnes et le lendemain devant
deux cents. C’était pas très régulier. Mais même
quand ils n’étaient que vingt, ils se donnaient à fond...
L’hospitalité... On a rencontré des gens très généreux.
Je pensais que ce serait plus dur.
V. : Ouais, cette idée que
là-bas quelqu’un trouverait toujours le moyen de nous arnaquer,
c’est ce que je pensais en entendant des groupes plus gros que nous en
parler. Mais à notre niveau, les gens ont été très
généreux et incroyablement accueillants, et si heureux pour
nous d’être dans leur pays. Ils nous l’ont montré de bien
des façons.
D.I : Votre première impression
sur la vieille Europe ?
H. : Bonne bouffe, des gens bien...
Les filles sont horribles toutefois... Il n’y a pas de filles attirantes
ici...
D.I : Nulle part ???
H. (hilare) : Non !
D.I : Vous êtes sûrs que
vous avez bien ouvert les yeux ?
V. : Et je pense que tous les mecs
en Europe sont des tantes. Il se dégage une force étrange
ici...
H. : Ne t’inquiète pas, on
est du genre sarcastique. Non, tout va bien, tout le monde est accueillant,
on s’occupe de nous. Un peu trop parfois, il faut faire gaffe...
D.I : Ah bon, et ça se passe bien
avec les Bellrays ?
H. : On a joué cinq dates
avec eux. C’est une chance de tourner avec les Bellrays, ils sont super
et ça nous donne l’occasion de jouer dans des grandes salles devant
pas mal de monde... On a un peu la trouille que les gens ne viennent que
pour les voir.
V. : J’ai surtout la trouille qu’on
soit si bon que la prochaine fois ils soient obligés de faire notre
première partie, et que ça les rende furieux. Ce sont de
chouettes personnes, on n’a pas envie de les foutre en boule.
H. : Pour l’instant c’est super,
le public est super, ils achètent du merchandising et on a du fric
pour se payer un petit déjeuner le matin, donc tout va bien.
D.I : Comment est né le groupe
? On a lu que certains Sailors avaient joué avec des mecs de Rocket
Science avant...
V. : Oui, on a eu un groupe appelé
The Martians avec Roman de Rocket Science pendant environ cinq ans à
Melbourne. C’était un trio (un single, “We Three Assholes” et un
CD - Dislocate My Hip sur Dr Jim’s/Shock en 96/97 -nda-). On a ensuite
rencontré Vernon, on s’appelait les Creeps à l’époque
(Hector et Viktor ont aussi sévi en duo sous le nom de Slaves Of
The Avaricious ou The Romans -nda-). On jouait de temps en temps ensemble,
et on écrivait les chansons les plus choquantes auxquelles on pouvait
penser. Pour emmerder les gens. Et ça a eu l’effet opposé,
tout le monde adorait. On a arrêté les Martians et on est
devenu les Sailors.
H. : On était arrivé
au bout. On ne se voyait plus qu’aux concerts. Enfin Dave et moi, on traînait
toujours ensemble, on est demi-frères donc on se voyait de toute
façon. On ne s’est pas caché le fait que notre amitié
n’était plus aussi forte avec Ramon. Ce n’était plus qu’une
histoire de musique, de business presque. On a splitté, on a formé
les Sailors et Ramon a fondé Rocket Science. Et bien sûr on
a un incroyable succès, alors que Rocket Science lutte misérablement
pour survivre.
D.I : Sur le premier album vous aviez
un line-up "deux guitares/batterie", tous les trois aux vocaux... Des influences
black... On a tout de suite pensé aux Oblivians...
V. : On ne les avait jamais vraiment
écoutés à ce moment-là. Pareil pour Turbonegro.
On n’en avait jamais entendu parler à l’époque du premier
single. Les gens nous disaient tout le temps qu’on devait vachement écouter
Turbonegro. Et on se disait c’est quoi ce groupe ? Quand on les a découverts
on s’est dit merde ! C’était une totale coïncidence pour nous...
D.I : Turbonegro, c’est plutôt
pour les paroles...
V. : Oui, oui, bien sûr. Quant
aux Oblivians, on a été souvent comparés à
eux, et pour nous c’est un compliment.
H. : Sur la tournée, on a
souvent vu sur les affiches des Sailors des références aux
Oblivians, c’est un grand honneur pour nous. C’est un groupe sur lequel
on est tous d’accord, incroyablement bon. On a eu la chance de les rencontrer
sur la tournée aux States, on a fait la bringue avec eux, on a dormi
chez Jack.
V. : Je lui ai sifflé sa
réserve de vodka.
H. : Mais c’est tous des tantes...
V. : Ouais, on s’est mis trois couches
de sous-vêtements...
H. : On avait un peu peur que Jack
nous viole.
D.I : Décidément, les “tantes”
c’est une obsession !
V. : Aah ? Non, non... Pas du tout...
H. : D’où tires-tu une idée
pareille ?
V. : Je suis obsédé
par la bière en vérité. Qu’est-ce qui t’obsède
Hector ?
H. : Beaucoup de choses. Trop pour
toutes les mentionner. En premier lieu, probablement les chats. J’adore
les chats.
V. : Mais pas les chattes, mumh
?
H. : Non, les chats.
D.I : Vous aviez des influences précises
au début ?
H. : Non, on a joué et c’est
ce qui est sorti. On écrit des morceaux tous les trois. Vernon et
David en composent une grande partie mais j’en écris aussi quelques-uns.
On arrive en répét’ avec nos chansons. Quand on picole ensemble
tous les trois ou quand on fait la fête, il se passe toujours des
choses marrantes, l’un de nous s’en rappelle et déboule avec un
morceau la répétition d’après. Et on est là
: “Hein ? Mais de quoi tu parles ?!” On ne se retrouve pas en répét’
en se disant qu’on doit écrire des nouveaux morceaux, et ensuite
on s’assoit et on écrit. Ça ne se passe pas comme ça.
V. : Et je pense que le truc le plus controversé
concernant le groupe c'est notre sens de l’absurdité et de la folie,
le fait de transcender les normes, de les inverser, et d’y parvenir par
l’absurde et la folie... on essaie de faire ça. Et certains peuvent
lire nos paroles au premier degré et dire qu'on est raciste, homophobe
et sexiste. Mais si tu piges ce qui est derrière, tu réalises
que c’est une tentative pour passer par dessus tout ça et démontrer
combien ces concepts sont stupides, et combien ceux qui y adhèrent
sont bornés. On s’amuse vraiment et je pense que ce que l’on fait
est salutaire.
H. : Et deux d’entre nous sont gays.
D.I : Ça vous exonère au
moins des accusations d’homophobie... Mais vous avez eu des problèmes
à cause de vos paroles ?
V. : Non, non pas vraiment. Les
radios associatives à Melbourne ont été super. Ce
sont des “organisations gauchistes”, tu vois... Beaucoup de gays et de
lesbiennes sont fans, toute sorte de gens, beaucoup de filles viennent
voir nos shows. Les seuls problèmes qu’on ait eus viennent des hommes
homophobes, et ça n’arrive que rarement.
H. : Et je n’ai pas envie que ces
mecs-là achètent nos disques de toute façon.
V. : Ils ne peuvent pas ! Il y a
des photos de ces mecs dans les magasins de disques.
D.I : Pardon ?
V. : Il existe une grosse base de
données sur les homophobes. Leurs photos apparaissent quand ils
scannent le code barre des CDs et ils ne sont pas autorisés à
les acheter... (Renseignements pris, il existe bien une base de données
qui recense les agressions homophobes, apparemment nombreuses au pays de
Crocodile Dundee, mais je doute que ses applications pratiques soient aussi
spectaculaires ! -nda-)
D.I : Et vos morceaux passent sur les
radios nationales ?
V. : Il y a un réseau national
appelé ABC, l’équivalent de la BBC anglaise, qui dépend
d’un département gouvernemental, et ils ont une sorte de chaîne
pour les jeunes, Triple J... Un ou deux des DJ's aiment vraiment ce qu’on
fait, ils bossent aussi à la radio, mais ils ne passent pas notre
musique, leur boss ne le permettrait pas. Ils nous interviewent, ils parlent
de nous mais...
H. : Parfois ils passent un ou deux
morceaux, les plus inoffensifs. On ne peut pas appeler ça de la
censure, mais... ce serait bien qu’ils passent les plus trash, mais on
ne peut pas y faire grand-chose. On ne changera pas pour autant. That’s
Rock’n’Roll !
V. : Les Martians n’ont jamais été
aussi connus que les Sailors, on avait une petite notoriété
mais... Quand on joue depuis si longtemps, c’est dur de retourner sa veste,
on reste sur notre route. Pour moi c’est une question d’expression avant
tout.
YCMA
I'm scared of pussy,
I got a big boner,
lyrics copyright D.Archdall/Sailors |
D.I : Vos trois disques sont sur Dropkick...
V. : Oui, Rich est un vieil ami...
D.I : Il nous a dit que vous étiez
son groupe préféré du moment...
V. : Il ne nous l’a pas dit à
nous...
H. : Il ne peut pas, il perdrait
son “cool” !
V. : Il sait qu’on deviendrait incontrôlable
et qu’on l’utiliserait contre lui tout le temps !
H. : Ah ouais, on est ton groupe
préféré ? Fais tomber la thune alors !
D.I : Les ONYAS jouent toujours ?
V. : Oh, occasionnellement, très
rarement...
H. : Vraiment pas très souvent...
Ils jouent tous dans d’autres groupes plus actifs. Rich a été
malade et il a plus ou moins arrêté la musique ces derniers
temps.
V. : Il a ralenti sur la musique
et il a décidé de consacrer plus de temps au label. Et c’est
un sacré boulot. C’est très noble et honorable de sa part
en tant que musicien de laisser ça de côté et de travailler
pour notre groupe autant qu’il aurait pu le faire pour le sien. étant
juste un musicien qui veut exprimer son propre truc, je me sens honoré
qu’il ait fait ça.
D.I : Votre son a évolué
depuis le premier album, comment vous voyez ça ?
V. : Oui, le sens de l’absurdité
et de la folie dont on parlait tout à l’heure est toujours là.
En choisissant de reprendre "Pop Corn" par exemple. On essaie de cultiver
le même sens de l’humour... Pour ce qui est de l’évolution
du son, c’est quelque chose que tu ne peux éviter...
H. : Si tu joues souvent ensemble,
et on joue beaucoup en Australie, tu deviens plus carré, tu améliores
ta musique que tu le veuilles ou non. C’est comme ça, et c’est plutôt
une bonne chose. Je ne veux pas sortir trois albums qui sonnent exactement
pareil, ce serait gonflant pour nous.
V. : Et on avait décidé
de voir ce que ça donnerait de sortir un disque bien léché.
Et le troisième, le mini-album Failure Depression Suicide est probablement
aussi bien léché qu’on puisse l’être.
H. : On veut probablement aller
encore plus loin. Mais je suppose que ce sera encore différent.
Mais ça n’a pas vraiment été une décision délibérée
de faire des morceaux plus léchés si tu veux, ou différents.
On arrive en répétition, j’ai écrit ce morceau, tu
as écrit ce morceau, ouais cool, on va les jouer...
V. : Pour le deuxième album,
j’étais parti vivre à l’étranger, je suis revenu et
on a commencé à enregistrer. C’était la première
fois que je jouais “Russian Oil Tanker Blues”, c’était la première
fois que je jouais “Secret Men’s Business”, c’était la première
fois que les gars entendaient “Your Cocks My Ass”. On a juste mis le truc
en place, et ces enregistrements c’est nous en train de découvrir
les morceaux en essayant de se montrer les uns les autres comment les jouer.
Quand l’enregistrement s’est achevé, j’ai regardé ça
et je me suis dit c’est un paquet schizophrénique de chansons qui
n’ont aucun sens global ni aucune sorte de relation, ça part dans
tous les sens ! Et avec le séquençage, ça tient debout
et ça raconte une histoire d’une certaine façon, je ne sais
pas comment c’est arrivé, c’est de la chance je suppose ! C’est
assez difficile à décrire.
D.I : Vous enregistrez live en studio
?
H. : Oui, et on rajoute les vocaux,
et quelques solos par-ci par-là. On ne peut tout simplement pas
enregistrer séparément. On enregistre toujours dans des petites
pièces, on est proche les uns des autres. Quand on est séparé,
et qu’on ne voit pas les autres jouer, on n’y arrive pas, c’est trop dur...
V. : C’est aussi trop dur d’avoir du fun
en répétant exactement la même partie de guitare...
H. : Ça ne paraît sans doute
pas très professionnel, mais on est comme ça, on a toujours
fait comme ça.
D.I : Pour en revenir à “Pop Corn”,
c’est peut-être une manifestation de votre sens de l’absurde, mais
vous en faites une version incroyable et, euh... intense...
V. : Ouais, quelque part on en a fait
un morceau garage rock aussi. C’est plutôt étrange qu’une
telle chose se soit passée...
H. : Oui, on essaie de toujours y mettre
toutes nos tripes, c’est comme ça qu’on le sent, on est suffisamment
passionnés pour ça. Particulièrement en concert...
parce que tu ne peux pas être grandiose tous les soirs, quelqu’un
peut être trop bourré, ou fatigué, ou ça ne
tourne pas rond... Mais, c’est ma vie, tu vois, on joue comme si notre
vie en dépendait chaque soir. Si je vais voir un groupe et que je
paye pour ça, et que j’aime ce groupe, j’ai envie d’être impressionné,
j’ai envie de me perdre dans la musique... J’espère qu’on produit
cet effet pour certaines personnes dans le public.
D.I : C’était une idée de votre
organiste cette reprise ?
V. : Non, c’était une idée
de Vernon et moi. On était tous les deux obsédés séparément
par cette chanson depuis très longtemps. Et quand Matt est arrivé
-Géronimo, l’organiste- on pouvait lui demander n’importe quoi...
Hey, ce morceau là... Il y réfléchissait deux minutes
et il commençait à le jouer. C’était l’occasion de
reprendre “Pop Corn”, j’aurais été incapable de jouer ça
à la guitare. C’est un incroyable musicien, vraiment brillant.
D.I : Vous avez déjà entendu
la version du groupe français Anarchic System ?
H. : Quelqu’un nous a montré le
disque hier soir.
V. : Oui, quelqu’un m’a donné le
45 tours hier soir, je l’écouterai dès que je reviendrai
en Australie.
D.I : La face B est une version chantée...
V. : Oui, y’a pas “ta bite dans mon cul”
(en français dans le texte -nda-) ou quelque chose comme
ça dans les paroles ?
D.I : Euh... Je me souviens de quelque
chose comme “J’ai du popcorn dans les oreilles” ! J’ai tellement écouté
le disque quand j’étais petit que le vinyle s’est fendu en deux
! (Chacun ses perversions ! -nda-)
H. : Wow ! Tu as dû être
surpris en entendant notre version !
D.I : J’ai ressenti une grande émotion...
(hilarité genérale)
D.I : Bon, vous avez eu quelques invités
sur votre deuxième album... Spencer P. Jones notamment...
V. : C’est vrai, on est tous de
grands fans des Beasts Of Bourbon, et de ses trucs en solo. Depuis il a
fait des shows incroyables avec tout un tas de différents line-ups.
Dans son dernier groupe il a un quatuor de cuivres, et deux claviers, dont
Geronimo. The Last Gap. On allait les voir religieusement. Il y a eu des
changements de line-ups mais Matt a toujours été avec lui.
Dès qu’on a enregistré on a fait passer une cassette à
Spencer. Il a adoré le groupe et il était plus que ravi de
venir nous aider. Que Spencer Jones veuille jouer avec nous, c’était
un grand privilège, et pour rembourser notre dette, on lui a piqué
son organiste !
H. : Tu oublies toujours de mentionner
que j’ai joué dans le groupe de Spencer P. Jones pendant deux mois...
V. : Oh, désolé...
H. : Oui, en fait Matt et Spencer
venaient parfois jouer avec nous live. Puis ils ont enregistré avec
nous. Et Matt a joué avec nous de plus en plus, et au lieu d’être
une sorte de musicien de sessions, il a dit qu’il voulait être dans
le groupe. Il a quitté le groupe de Spencer pour être dans
les Sailors. Pas très malin en terme d’orientation de carrière
!
D.I : Comment est la vie à Melbourne
?
H. : Melbourne est un peu la capitale
musicale de l’Australie. C’est là que tout se passe, c’est une ville
super, beaucoup de groupes, beaucoup de bons groupes, beaucoup de groupes
merdiques...
V. : Mais surtout beaucoup de groupes.
H. : Beaucoup de groupes, tu peux
sortir tous les soirs, et il y aura cinq concerts différents.
D.I : Des jolies filles ? Pas trop de
tantes ?
H. : Ah, ah ! Y'en a, y'en a...
Juste le chouette mélange, un bon équilibre.
V. : Il y a suffisamment de gays
pour qu’on ait beaucoup de filles à Melbourne, mais il n’y en a
pas assez pour qu’on se sente à l’aise en se promenant dans les
rues. Tu n’es pas toujours en sécurité.
D.I : Des nouveaux groupes australiens
à recommander ?
V. : Il y a un DJ hardcore du nom
de Tokada (?). Il est bon, il est marrant, il a un grand sens de l’humour,
il mixe différents styles de musique.
H. : Il travaille sur des remix
de quelques morceaux à nous en ce moment.
V. : Il est très contestataire
avec un grand sens de l’humour absurde, il est vraiment drôle.
H. : Il y a un groupe de filles,
The Spazzies, vous en avez peut-être entendu parler, tout le monde
essaie de les signer en ce moment. Des filles jeunes, un très bon
groupe.
V. : Tree Tops, ils jouent une sorte
de pop à la Byrds, Big Star. Complètement différent
de notre musique. De grands musiciens... C’est toujours pareil, si le groupe
est bon, peu importe le style. Ils jouent dans un style qui d’habitude
ne me branche pas trop, mais ils le font si bien... C’est si réel...
H. : On ne manque jamais de bons
groupes à voir...
D.I : Qu’est-ce que vous écoutez
dans le van sur cette tournée ?
V. : Notre van a été
forcé à Amsterdam, on a perdu nos CD et le lecteur. Mais
on écoute souvent le Velvet Underground, c’est agréable pour
conduire... Les Beatles... On écoutait les Oblivians avant ce problème,
de la musique country...
H. : Parfois, la dernière
chose que tu as envie de faire quand tu rentres dans le bus, c’est d’écouter
du rock’n’roll. Tu préfères autre chose...
V. : L’album des Reigning Sounds,
il est fantastique, on est de grands fans...
H. : Alors on discute, ou on dort...
V. : Dans le van, tu es souvent
si épuisé que c’est ta seule chance de dormir. C’est un joli
tableau de nous voir dans un état d’épuisement total essayant
de dormir.
D.I : Et le “New Rock”, qu’est-ce que
ça a donné en Australie ?
V. : On a juste été
ignoré, j’en ai rien à foutre, fuck it ! C’est juste une
question de mode, les groupes ont des bonnes gueules, des kids avec des
jolies fringues, il ne s’agit pas forcément de musique...
H. : Il s’agit d’avoir un look cool.
Mais si une major arrivait pour nous signer, on leur prendrait le pognon
avant de s’enfuir.
D.I : Il y a quelques bons groupes dans
le lot...
V. : Les White Stripes bien sûr...
H. : En fait on a eu un day-off
à Chicago, on a été invités à un concert
des Kings Of Leon et j’ai bien aimé, c’était un bon show.
Ils ne font que rejouer leurs disques, mais bon...
V. : Et c’est bien que des groupes
comme Turbonegro vendent beaucoup de disques, ils abattent des barrières
et rendent notre job plus facile. Mais de façon générale,
c’est juste une histoire de mode.
D.I : Vous avez entendu la version de
“Fuck The World” de Turbonegro sans les “fuck” du refrain ?
H. : Oh, ils ont fait ça
? Pour la radio ? C’est un peu décevant... Remarque c’est probablement
un gag, on ne sait jamais avec ces mecs-là. Mais je suis sûr
que si quelqu’un nous offrait suffisamment d’argent, on se vendrait sur
le champ...
V. : On ferait ça ?
D.I : Il n’y aura plus beaucoup de vocaux
dans vos morceaux si vous supprimez tous les gros mots !
H. : Yeah ! Ce ne serait pas très
excitant !
D.I : Qu’est-ce que vous faites d’autre
à part la musique ?
V. : Je parle le chinois. Je lis,
j’écris et je parle chinois. J’ai habité à Taïwan,
je ne m’en sortais pas trop bien, j’étais trop occupé à
picoler...
H. : Je peins, mais j’ai du mal
à trouver le temps pour ça. Je suis aussi dans une troupe
de breakdance. On ne tourne que de temps en temps, on est tous très
occupés. Parfois je fais des concerts breakdance, c’est marrant,
complètement différent...
D.I : Tu nous fait une démonstration
ce soir ?
H. : Hé, hé, peut-être,
si vous avez de la chance !
D.I : Les projets du groupe ?
H. : On doit rentrer à la
maison et enregistrer dans la foulée. On a chopé un ou deux
deals pour des singles, sur la route pendant la tournée. Un label
de New York nous a proposé de faire un disque, peut-être un
contrat, on va voir.
V. : On va aussi enregistrer une
chanson pour un tribut aux Hoodoo Gurus qui va sortir en Australie. Et
on veut faire un nouvel album dès que possible. On a aussi enregistré
pas mal de concerts, on va plonger dans les cassettes et voir s’il y a
assez de bons morceaux pour un live.
D.I : Au fait ce morceau live, “Jahoobies
And Katangas”...
H. : Oui, sur la compilation des
ONYAS...
D.I (très Inspecteur Columbo)
: Je me demandais, c’est quoi les jahoobies et les katangas ?
H. : “Jahoobies” ça veut
dire nichons, et “Katangas” c’est les couilles.
D.I : D’accord, de la pure poésie
donc !
H. : Hé, hé, de la
poésie oui. On a mis très longtemps à l’écrire
celle-là.
D.I : Question rituelle : un livre, un
disque, un film à recommander ?
V. : Oh, il y en a trop. Je dirais
Flow My Tears The Policeman Said de Philip K. Dick.
H. : En ce moment je lis In Cold
Blood de Truman Capote.
V. : Geronimo est en train de lire
Prawwst, Remembrance of Things Past... (il insiste devant mon air ahuri)
Proowst ? Praawwwst ? P.R.O.U.S.T ?
D.I : Houla, Proust, d’accord... A La
Recherche Du Temps Perdu...
V. : On lit beaucoup de Science
Fiction, beaucoup de trucs...
D.I : Et les films ?
H. (l’air amusé) : Revenge
Of The Nerds, classique du film noir, américain, années 80.
V. (l’air très sérieux)
: Tomb Raider.
D.I : Dernier disque acheté ?
H. : Des démos de Minor Threat.
J’ai acheté ça sur la route.
V. : Le dernier très bon
disque que j’ai acheté était dû à Pita, sur
le label Migo, ça vient de quelque part en Europe et c’est de la
musique électronique. Le troisième morceau est une des pièces
de musique les plus incroyables que j’aie entendues depuis longtemps. C’est
un sommet de distorsion digitale.
D.I : On sent un peu cette influence
électro sur “Pop Corn” par exemple, le beat de batterie...
H. : C’est vrai.
V. : On aime bien certains groupes
électroniques. En les écoutant on ressent la même chose
qu’en écoutant le Velvet Underground dans leurs moments les plus
noisy. Ou John Coltrane jouant “Ascension”. C’est le même genre d’idée,
la folie par la saturation des sens... Les mecs qui font ça en électro,
ça me tue chaque fois que je les entends...
D.I : Le côté hypnotique...
V. : Oui, incroyablement hypnotique,
c’est comme du My Bloody Valentine en électro...
D.I : Un dernier mot pour vos fans ?
Vous devez en avoir quelques-uns en Europe...
V. : Oui, on a été
très étonné. En Amérique, il y avait à
la plupart des concerts deux ou trois personnes qui avaient acheté
nos disques en import. Mais en Europe on dirait qu’il y en a beaucoup plus,
ils sont très enthousiastes, on est très bien reçu...
Je crois que je vais venir habiter ici.
H. : Oui, merci à tous en
tout cas, on passe du bon temps ici en France, on espère vous revoir
l’année prochaine.
Ce soir-là, ils ouvrent
le bal avec “Abattoir Blues”, puis alternent les brulôts R&B
(“Trim The Bush”, “Turkey Slap Blues”, “Dr Creep”, “Bawdy House Blues”
où les trois chanteurs s’égosillent de concert dans un final
tétanisant), et les titres hypnotiques et intenses comme “Good Karma...”
ou “Penis Colada” (“Notre boisson préférée”).
Hector est du genre survolté sur scène, il cogne comme un
furieux et crache ses textes avec une rage impressionnante. Vernon a un
sourire inquiétant de maniaque imbibé. Il se lance dans des
duels de guitare saignants avec Viktor qui se dandine et ondule en roulant
les mécaniques. Imprévisible, ce dernier pique des sprints
soudains, manque se casser la gueule, et balance une canette à moitié
pleine dans le public au ras des têtes dès le troisième
morceau. Elle s’écrase sur mon tee-shirt Bellrays. Après
avoir songé à la lui renvoyer gentiment dans la tronche,
je la finis, histoire de me dédommager et de garder un semblant
de dignité. Geronimo, lui, est aussi impassible que son homonyme
le chef indien. Il quitte son orgue de temps en temps pour arpenter la
scène en agitant un tambourin d’un air absent.
Quand l’intro de “Pop Corn”
retentit, quelques cris moqueurs s’élèvent dans un public
qui semble osciller entre amusement et stupeur. Hector abandonne l’idée
d’une démonstration de breakdance, mais échange son instrument
avec Vernon, histoire de parfaire la similitude avec les Oblivians. Ils
terminent par une belle version de “For The Love Of Ivy” du Gun Club et
“YCMA”, introduit en français par un tonitruant “Vos bites mon
cul !” et repris en choeur par une poignée de supporters aux
anges. Un dernier clin d’oeil avec le riff final de “Roadrunner” des Modern
Lovers en guise de salut, et ils laissent la place au Jerry Spider Gang,
en terrain conquis et en grande forme, puis aux Bellrays qui eux alterneront
leurs irrésistibles hymnes punk’n’soul avec des délires free
jazz, une caractéristique de leur son qu’on n’apprécie qu’à
petites doses.
Le show terminé, les
rock’n’roll addicts de la ville font la fine bouche devant la prestation
des Australiens : des branleurs, des frimeurs, trop éclectiques,
trop mous (gasp !). Peu de monde pour relever l’humour mordant des gugusses,
ou la rare intensité de leur mur du son quand ils se lâchent.
Conclusion, c’est pas gagné pour les Sailors par chez nous. Pourtant
on a confiance. Les voies des dieux rock’n’roll sont impénétrables,
mais ce n’est pas ça qui va les arrêter.