This man should need no introduction, so FUCK IT !
Un message sur mon (insup-)portable, une voix bien éraillée : "Salut, c'est Bob, on joue à Castres samedi, au Bolegason, on pourrait se voir pour cette interview dont tu m'as parlé…". Hell ! Bob ! Little Bob !
Samedi ? Voyons... On est... vendredi ! Bordel, je fonce récupérer
un recorder correct chez le rédac-chef because je me vois mal débouler
avec mon Portable Cassette Recorder de 2,5 kg au bas mot, plus vieux que
moi et où tu dois enfourner huit piles plus grosses que l'érection
de la dernière porn-star mâle en vogue chez les onanistes
primaires.
Arrivée au Bolegason à Castres donc, après quelques recherches infructueuses. Premier contact avec l'organisation : "Salut, je suis Cédric, je vous ai appelé en début d'aprèm et…", "oui bien sûr…", et là j'ai l'impression d'être envoyé par le NME et Rolling Stone réunis, sauf qu'ici ils ne carburent pas à la déférence ou à l'obséquiosité. Marc Tison, le directeur des lieux, léger bégaiement et énorme enthousiasme, me tient au courant : "Bob est en train de faire les balances, mais Mimi (sa compagne depuis plus de dix ans) va bientôt arriver". Entre temps je rencontre Xavier, du Collectif des Radio Blues qui va faire l'entretien en parallèle avec votre serviteur (sympa au premier abord, j'ai constaté que le mec m'a plutôt fait la gueule ensuite, sans doute pour phagocytage supposé d'interview, mais comme dirait le premier punk de base venu, fuck off & take what you can !). On nous offre un verre en attendant, pourquoi dire non ? Mimi, yeux bleus pétillants de malice, sourire chaleureux et sacrée énergie en bandoulière, arrive : "Bob est prêt mais il ne pourra vous accorder qu'une demi-heure car il préserve sa voix avant le concert". No problemo, ah Mimi, je peux vous dire qu'elle s'en occupe de son homme ! Et ça lui réussit bien.
On entre dans la salle, Little Bob est assis en père peinard au centre de la scène. Je vais le saluer. Il remarque le patch sur mon futal "Oh putain ! Motörhead ! Ah ben j'comprends maintenant". Il a les yeux rêveurs, et emplis des étoiles que seuls ont ceux que la passion anime et animera toujours. La "légende" Little Bob n'est pas une légende. Ce type, disons le tout net, est d'une gentillesse et d'une disponibilité confinant à l'incroyable. Il sent la vie à vingt bornes, alors que des hordes de rockers prétentieux ayant à peine six mois d'existence se parfument à la mort pour se donner un style. A faire ravaler la langue à tous ceux qui prononcent le mot "gentil" comme ils diraient "idiot du village". Fuckers !
On va se poser dehors, il fait bon, une de ces bonnes brises d'été
flottant dans l'air quand le vent ne vient pas du sud.
L'interview croisée croisade, très agréable et passionnante, se termine, le genre de moments où tu sais que c'est bon parce que trop court (que les éjaculateurs précoces nous lisant par milliers ne prennent pas ombrage de cette réflexion). Marc, toujours enthousiaste, s'approche "tu mangeras bien avec nous ?" Ben dis donc, c'est traitement V.I.P. ce soir… J'arrive groin en avant, les doigts dans le pif comme un sale gosse, au dernier moment, personne ne me connaît, bien que j'aie le sentiment inverse, et je me retrouve invité à manger (mention spéciale au cuistot !), - à ce propos, Little Bob ne mange pas avant un concert, et pour moi c'est bon signe, je veux dire comment tu veux faire du rock'n' roll le bide gonflé au confit de canard ?-, puis invité au concert (pourtant j'avais préparé la thune, juré !) et le crew met un point d'honneur à ne pas me faire raquer un seul verre au bar malgré mon insistance. Faites gaffe les gars, je vais revenir tous les week-ends sous de fallacieux prétextes ! A table, je suis face à Marc et on discute de tout, de la salle, des difficultés inhérentes à ce genre d'organisations, d'anecdotes diverses, etc... Cerise sur le gâteau, il m'apprend qu'il y a de fortes chances que les Fleshtones passent à Castres d'ici peu. Hasard du placement, je suis assis à côté de Michael Hill, un bluesman new yorkais qui assure la première partie. Grosse voix de baryton : "you're playing too ?" s'enquière-t-il. Je le détrompe et on devise entre deux bouchées... NYC, le Blues...
Mr Hill, sorte d'énorme nounours black très charismatique,
est accompagné sur scène d'un bassiste type intello (pour
les lunettes) slappant à tout va, et d'un batteur rigolard (on dirait
Huggy-Les-Bons-Tuyaux) à la technique sans faille. Pas de doute,
ces types savent jouer le blues, et même s'ils viennent de New York,
je leur trouve un son plutôt californien. D'ailleurs le set démarre
par le "Roadhouse Blues" des Doors. On aura droit aussi et entr'autres
à une reprise d'Hendrix et à une monumentale version du "Sunshine
Of Your Love" de Cream en rappel. Un bon show pour amateurs de blues. Rien
à dire. Pause, retour au bar et discussions diverses et amicales.
A part avec Xavier qui me fait toujours la gueule... (and I don't caaaaaare
!)
Ben, sometimes I feel… sur une autre planète… là c'est rapport à la foule, croyez le ou non, mais au premier rang, je suis entouré d'une ribambelle de gamines dont la plus âgée doit tout juste dépasser les douze ans. A ma droite, il y a même petit frère et petite sœur, huit et dix ans, que papa et maman vieux fans du Bob ont amenés au concert. A part ça, c'est plutôt le public habituel, autochtones en nombre et fans des débuts… Trentenaires assumés également…
"Ouais y'a du changement dans mon public d'aujourd'hui, y'a des
vieux punks, des vieux amateurs de rock'n'roll, des jeunes… pas assez de
jeunes à mon goût… dommage… enfin ceci dit, on a fait récemment
un concert à Brest ou j'ai vraiment halluciné. Y'avait une
bande de mômes qui devaient avoir entre dix-huit et vingt ans grand
maximum, ils jouaient dans un groupe. Ils sont venus me voir dans la loge
à la fin du concert en me disant, "mais Bob… tu te rends pas compte…
t'es notre idole ! t'es… c'est TOI, Little Richard et Eric Burdon !". Alors
tu peux te dire que t'es toujours là, mais ça suffit pas
d'être là. Faut s'engager. Faut donner de sa personne. Faut
avoir une bonne démarche et continuer à la suivre tout en
évoluant… Par exemple l'album Lost Territories, c'était un
vrai virage, et en même temps ça reste à mon avis un
des meilleurs morceaux rock que j'ai écrit".
Ténèbres… Les lumières tombent et les zicos
du Bob entrent en scène. Gilles Mallet, excellent guitariste (anyway,
ils le sont tous), sorte de Johnny Thunders en pyjama ("ben quoi, il est
classe mon futal", c'est vrai d'ailleurs, à bandes bleues et blanches,
assez glam, et chemise rose à étoiles, coiffure encore plus
en vrac que JT) envoie le riff tout en slide de "Lucky Man". Ça
joue donc, et sévère encore ! Le Bob entre en scène.
Et pourtant, je ressens comme un malaise… déjà, le micro
n'est pas réglé assez fort, alors que le mix des instruments
est nickel, le problème sera résolu dans les plus brefs délais.
Mais j'ai l'impression que Bob n'y est pas. Pourtant il a la présence,
pourtant sa voix est impeccable, pourtant ça joue grave, et… j'sais
pas, il manque un truc, c'est mou… il y a tous les ingrédients pour
que ça fonctionne mais… ça ne fonctionne pas, en tous cas
pas pour moi. Et je commence à avoir la trouille, parce que vu la
gentillesse, la classe, et le respect que j'ai pour le bonhomme, j'ai vraiment
pas envie de faire un mauvais compte rendu du gig. Et le trouillomètre
grimpe encore, "Lucky Man", "Sometimes I Feel", "Ringolevio" (un morceau
d'anthologie pourtant) s'enchaînent et je ne ressens toujours rien…
la trouille je vous dis !
"High Time, c'était avant tout le monde ; le deuxième,
c'était Living In The Fast Lane qui s'est d'ailleurs très
bien vendu en France et en Angleterre et puis Téléphone et
toute la clique ont débarqué, ils chantaient tous en français,
donc, et je le comprends très bien, le public français s'est
plus reconnu là dedans. Mais moi je leur offrais peut-être
un truc plus vrai… je suis désolé… mais un truc un peu plus
pointu, ce que j'essaie de continuer à faire aujourd'hui. Maintenant,
ce que je pourrais dire sur les groupes de rock de l'époque, c'est
peut-être qu'à un moment ils ont manqué d'originalité..
Dans la démarche. Il y a eu d'excellents groupes, ils ont tourné,
ils ont eu du succès, c'est très bien… puis le rock a changé
évidemment, il fallait qu'il change. Qu'est-ce qu'il s'est passé
? Les groupes rock chantaient en français, du coup, la chanson française
a repris le dessus. Avec des groupes comme Noir Désir, à
la base un peu punk, toujours branché rebelle, jusqu'à maintenant…
y'a les Têtes Raides qui sont très rebelles aussi dans leur
manière de faire les choses, ce sont des gens que j'aime beaucoup,
mais en même temps, il y a derrière tout ça un côté
qui flatte le public français... Ça a donné les Louise
Attaque et consorts… Toute la chanson française rockisante, j'ai
pas trop à voir avec tout ça… et puis si on me parle de rock
festif, alors là, ça me fait carrément chier !"
Et… d'un coup, la magie opère, on a l'impression que Little
Bob grandit sur la scène et son charisme se dégage enfin
dans toute sa splendeur, la voix est assurée et sacrément
puissante, les zicos attaquent de plus en plus et… et ben c'est "Shadow
Over". Little Bob se sentirait t-il mieux dans les ténèbres
? La tension monte enfin et je suis rassuré, j'ai la certitude qu'à
partir de là, le jus y est, et qu'ils ne pourront pas tomber en
panne de fuel ! Confirmation durant toute la suite du concert. Bob est
à l'aise, ça se sent, il prend son pied, et la salle aussi.
"Alabama Pedro" maintenant, morceau swing, rock'n'roll et bluesy à
la fois, rempli de changement de rythmes jouissifs et de parties de claviers
60's. Ça me rappelle une phrase de Van Morrisson qui disait qu'il
avait cessé d'aimer le rock'n'roll à partir du jour où
le "roll" avait disparu. Libre à chacun d'interpréter cette
phrase pour le moins sibylline, et, même si je suis pas d'accord
avec l'Irishman aux tâches de rousseur, j'ai l'impression de comprendre
exactement ce qu'il veut dire en entendant "Alabama Pedro". Au tour de
"My Poor Heart Pounds Like Thunder" sur lequel plane l'ombre de Tom Waits
pour le début jazzy ténébreux. Le refrain imparable
est repris en cœur par le public et je suis sûr que ça pourrait
sacrément le faire avec une chorale gospel derrière… le tout
est vrillé par les chorus slide-électrico-déjantés
de Johnny Thun… oups… de Gilles Mallet.
Grand moment du concert "Slave To The Beat" et son riff si agressif
et incisif qu'il pourrait faire passer Keith Richards pour un gentil cachetonneur
de bal musette. Et toujours ces changements d'ambiances, le mid-tempo soft
qui s'installe et fait baisser l'attaque pour la rebalancer de plus belle,
avec toujours ce côté rythm'n'blues qui baigne 90% des morceaux
du Bob. "Slave to the beat…that's my life" chante-t-il avant d'enchaîner
sur "Libero" ("un hommage à mon père -Italien- et à
tous les hommes libres !". No comment. Esclave du rythme, la liberté
selon Bob ? Et ça enchaîne avec "Cool" qui porte bien son
titre. L'ombre de T. Waits plane encore un moment…
"Je préfèrerais laisser la place aux jeunes, mais
j'ai le statut d'intermittent ; et heureusement ! On l'a tous. Et si on
l'avait pas, on pourrait pas répéter, tu vois… on ne pourrait
rien faire ! On ne fait que ça ! On vit de ça ! J'en vis
depuis longtemps, et je suis heureux de le faire, avec les hauts comme
les bas, je produis mes disques, je m'occupe des tournées… Ahhh,
la réforme du statut d'intermittent ! Le gouvernement Raffarin est
là pour casser tous les acquis sociaux ! C'est quand même
le seul gouvernement qui a été remercié par le MEDEF,
par les patrons donc, pour son action en leur faveur ! Tu te rends compte
? J'avais jamais vu ça ! Un gouvernement remercié par le
MEDEF ! J'dis pas qu'il faut abattre le patronat et tout foutre en l'air,
puisque c'est quand même lui qui fournit du boulot aux gens, mais
là ! Tout ce qui a été gagné et acquis grâce
aux luttes, ça risque de partir en fumée ! Et puis avec l'Europe,
malheureusement, ils vont essayer de niveler par le milieu. Y'a toutes
ces différences à résorber… J'espère qu'on
va pas tout foutre en l'air quand même parce que c'est pas possible
! Mais les gens... ! On leur fait croire que les intermittents du spectacles
sont un ramassis de feignants et de profiteurs tout juste bons à
palper les Assedic. Je ne suis pas contre une réforme, mais avant
d'en faire une, faudrait qu'ils aillent chercher là où il
y a des anomalies. Et elles existent ! Rien que dans les chaînes
de télé... Tous ces gens qui y bossent et sont pourtant eux
aussi payés par les Assedic, et ils continuent de travailler dans
des grosses branches de production ! Voilà un problème… bon,
je ferme le rideau !"
Hommage encore.. A la mythique salle nordiste La Licorne, disparue,
vous imaginez bien pourquoi. Quel beau pays que le nôtre pour la
liberté de la musique ! Il y met du cœur le Bob, c'est le genre
de chose qui l'affecte, les monuments qui s'écroulent. Et on ne
peut que le comprendre. S'ensuit une version monumentale de "Daddy Rolling
Stone" ou comment Bob retourne aux racines en y imprimant sa touche. Le
groupe lance "I Don't Wanna Be Spied", ouverture cataclysmique et crépusculaire
pour refrain furieux, limite incantation shamanique, et encore ces cassures
de rythme, toujours pertinentes, ces accélérations qui relancent
la machine, je vais pas faire du neuf en disant ça, mais Little
Bob a tout compris au rock'n'roll… Grand morceau…
"C'est difficile de monter des tournées… très difficile.
Pour ça au départ, faut évidemment des endroits où
jouer. La Culture (le ministère de... -nda-) a enlevé du
blé à tous les cafés musicaux, j'en connais qui se
sont fait sucrer un tiers de leurs subventions ! Demande à Jean-Phillippe
(Kauffmann, de Willing Productions -nda-), il est très au courant
de tout ça… on a retiré du blé à tous les lieux,
alors qu'est-ce que tu veux qu'ils fassent ? Soit ils virent une partie
des gens qui bossent dans ces structures, soit ils programment moins de
concerts et du coup ça devient plus ciblé. C'est ce qui se
passe en ce moment. Regarde Frandol, l'ex-Roadrunner, il trouve pas de
salles ! Si j'arrive à m'en sortir, c'est parce que c'est Little
Bob Story et qu'il y a quand même une renommée derrière…
en plus, de nos jours, la musique live n'a plus grand chose à voir
avec les télés et les radios. T'avais les Quatre Ecluses
à Dunkerque, une salle mythique, qui a fait passer tout le monde...
On y passait à chaque sortie d'album à l'époque...
Là c'est en stand-by, et je ne sais pas si on pourra encore jouer
à Dunkerque… y'a plus de salle ! Il ne reste quasiment que les bars
! Tiens, toi qui es de Toulouse, on a essayé le Havana Café.
Pour l'instant, ça n'a pas encore marché… ils nous ont répondu
qu'on n'était pas assez connu… (ça ne ne nous étonne
pas trop de ceux-là -nda-). Pour l'instant à Toulouse on
a joué au Bijou. Deux jours. J'ai rien contre l'endroit, mais qu'est-ce
que tu veux faire là-bas, y'a tout juste cent places !"
"Sky Is Red". Putain oui ! Le ciel est rouge, même s'il
fait nuit, et la chaleur, malgré les portes ouvertes, commence à
bien se faire ressentir, et la furia du galop des chevaux sauvages que
m'évoque la chanson n'arrange rien à l'affaire… Puis vient
le "Scream Of The Ghost", guitares acérées, en place d'une
force ! Au fait, depuis que je déblatère mes inepties sur
la set list, j'oublie de préciser que TOUS les morceaux font maintenant
grimper la puissance d'un cran ! Et pour tout arranger niveau chaleur,
le dernier morceau avant les rappels est "Riot In Toulouse" (merci !),
et un dernier morceau avant rappels implique évidemment un côté
"tout à fond, on se lâche, on envoie la purée et on
se laisse griser/griller par l'électricité", je vous décris
pas, vous imaginez très bien... De quoi rappeler à certains
vieux Toulousains une épique soirée à la Halle Aux
Grains en 77… Après le passage de Little Bob Story, les concerts
rock furent officiellement INTERDITS en ville pendant quelque temps. "Riot
In Toulouse"...
"Mes influences, c'est le rock, plutôt noir que blanc d'ailleurs,
mais aussi le rock vindicatif du MC5, des gens comme ça qui avaient
des choses à dire, qui protestaient contre la guerre du Vietnam.
On a toujours le droit de dire quelque chose… ça s'arrête
jamais. Je m'aperçois que j'ai écrit des chansons il y a
dix, douze ans, sur comment tournait la Terre, comment ça allait,
et bien je les chante encore maintenant et elles sont incroyablement actuelles.
Y'a rien qui change… C'est peut-être un peu attristant mais bon,
faut essayer de vivre… avec tout ça… ce qui cloche, c'est le monde
qu'on laissera aux futures générations, je sais pas si on
se bagarre tous assez pour ça, on est tous… enfin… tu vois, quand
y fait trop chaud on allume les ventilos et puis voilà… on fait
tous notre chemin, on a notre combat, mais c'est pas nous qui décidons
comment va "s'énergiser" le monde… quand tu vois tout le soleil
qu'il y a là-haut… et puis… "même les guerriers on besoin
de confort " (rire malicieux) surtout quand ils vieillissent (pensif)…
A part ça, mes vrais racines c'est le rhythm'n'blues, enfin pour
moi c'est un mélange de blues, de rock'n'roll, et de mes racines
italiennes. Evidemment, j'ai beaucoup écouté les groupes
sixties anglais, Animals, Stones, Cream, Small Faces, Pretty Things, de
la musique black en fait… y'avait déjà tout ça dans
ce que faisaient Little Richard ou Chuck Berry. Et puis c'est vrai qu'on
n'en a pas encore parlé, mais il y a Motörhead… c'est pareil,
là-dedans tu retrouves le rock'n'roll de base avec un son surpuissant,
et puis Lemmy, c'est quelqu'un qui dégage, qui dit des choses vraies…
Aujourd'hui, ce que j'écoute ? En France, j'aime beaucoup Jesus
Volt, parce qu'ils font un truc assez original, inspiré de mecs
comme Captain Beefheart, ou Tom Waits, un peu... J'aime assez leur démarche
puriste. Je sais que dans le pays, il y a d'excellents groupes de rock
comme les… les Spiders là tu sais ? (j'ouvre ma veste et lui montre
mon tee-shirt -nda-), Jerry Spider Gang c'est ça ! C'est Toulouse
ça hein... Et les autres là, de Marseille ? Les, comment
déjà... Les Cowboys From Outerspace ouais… Tu vois, ces deux-là,
c'est le genre de rock que j'aime, à fond les ballons ! A l'époque
de la Story, j'ai toujours été à cheval entre le rock
pur et l'épopée punk, ça a explosé au moment
où j'y étais. Sinon j'aime bien les White Stripes, encore
ce côté démarche puriste avec ce son… les Detroit Cobras
aussi…"
Toute bonne chose devant avoir une fin (heu… les mauvaises aussi
d'ailleurs, surtout les mauvaises), les rappels se rapprochent et heureusement,
ils feront perdurer le plaisir pendant une bonne demi-heure. Si je me souviens
bien (ne jamais attendre deux jours avant de faire un compte rendu de concert,
leçon intégrée) ça attaque soft avec "Sheila
and Willy", superbe ballade, avec un chant et une utilisation du clavier
qui te foutent le cœur en vrac. Rien à dire, l'exercice de style
de la ballade, c'est quand même délicat et périlleux
dans le rock, ça peut vite tourner chiant, voire pompeux ou carrément
naze… combien de bons groupes se sont perdus dans l'abus de sirop et de
guimauve ? Faut quand même une vraie sensibilité et un sacré
sens musical pour faire une bonne ballade… et ben là c'est carrément
somptueux. Ensuite Bob envoie une reprise toute personnelle de "Play With
Fire", un de mes morceaux préférés des Pierres Qui
Roulent, et encore une fois, Bob évite tous les écueils,
car s'il y a plus périlleux que la ballade, c'est la cover de la
ballade ! Comment éviter la pâle copie ? J'en sais rien, mais
le Little s'en sort avec les honneurs. Magnifique. Puis c'est "Wild Cat
Blues" pour la route, histoire qu'on pige bien que la musique du diable
fait partie intégrante de celle du Bob, suivi de "Lost Territories",
et, en final, une version mais alors… vraiment… vraiment monstrueuse de
"High Time", déluge de feu, de lave et de pur wock'n'woll mâtiné
(forcément) de MC5. L'apogée du concert. A fond les ballons
! Bob et ses zicos donnent tout ce qu'il leur reste et putain que ça
envoie ! La centrale nucléaire de Golfech va finir par disjoncter
! L'occasion de rappeler qu'un des meilleurs morceaux de rock planétaire
(j'exagère pas) est français (enfin, italo-français)
et qu'il s'appelle "High Time".
"L'énergie est toujours là… bon évidemment quand je fait quatre concerts d'affilée, j'ai besoin d'un peu plus de temps pour récupérer, mais ça va… Et puis l'énergie, ça vient de la passion, de l'amour de la musique. Et j'ai une vie beaucoup plus saine qu'à l'époque de la Story. Depuis que j'ai rencontré Mimi, je fais beaucoup moins d'excès. Elle m'aide à rester zen.. Au bout d'un moment, faut quand même regarder les choses en face ! Tu te dis : la patate, je continue à l'avoir et la musique je peux bien la faire ! Et c'est ce qui compte, c'est vraiment ça ! c'est ce qui sort, ce que j'envoie aux gens, ce que je pense garder, et tant que j'assurerai, je continuerai ! Et, j'y reviens, Mimi m'aide grandement, j'ai arrêté pratiquement tout ce qui est trucs illicites, l'alcool aussi d'ailleurs, bon, on boit un Jack avant de monter sur scène, mais les abus c'est fini, j'ai pas pris de coke depuis douze ans. Et puis je suis un survivant ! J'ai la chance d'être toujours là. Alors que dans les 70's, on était à fond, on prenait tout, on se disait : si on y passe, on y passe ! Mais je suis toujours là, alors je tiens à m'accrocher et à profiter de cette vie là parce que c'est quand même fabuleux !"
En résumé. Concert monstrueux malgré les
inquiétudes du début. Bon, ensuite, comprenons nous bien,
le garagiste puriste jusqu'au bout de la clé à molette n'y
aurait sans doute pas trouvé son compte. Par contre, l'amoureux
transi (count me in) du rock'n'roll et rythm'n' blues pimenté à
la sauce MC5/Thunders y prend son pied à deux mains, si vous l'voulez
bien ! Little Bob est vraiment (encore) un des plus grands. Je suis pas
pressé de lui faire une ghost interview ! Hein... fais pas le con
Bob, tiens encore le coup de nombreuses années ! Et quand je pense
qu'à l'étranger, ils croient que le rock en France, c'est
Johnny H ! D'ailleurs à ce propos, je me souviens d'une vieille
interview de Lemmy où il ironisait : "vous avez quoi en France au
niveau rock ? Johnny Hallyday ?" et il s'esclaffait comme une baleine (y
a de quoi...). Je me suis dis, il connaît pas Little Bob ou quoi
?
"Il a oublié ou quoi ? C'est quand même lui qui est
venu faire des trucs sur Ringolevio ! Faut le lui rappeler c'est tout !
Et puis Lemmy... Attends ! Il a les neurones bouffés (pour le coup,
c'est nous qui nous marrons comme des baleines -nda-). Lemmy, il a toujours
un sachet de speed ou de coke sur lui ! Il enfonce son schlass dedans et
il continue à se faire des sniffs ! Il a les neurones cramés
le père Lemmy ! Si je le vois je lui dirais ! Espèce d'enculé
! T'as oublié de me citer dans cette interview ! (franche rigolade).
Je me rappelle d'une interview de Johnny Rotten chez heu… comment y s'appelle
l'autre connard là… ah merde… (moi aussitôt :"Ardisson !")...
Ouais lui ! (rires) il lui avait demandé quels groupes il connaissait
en France, Rotten avait répondu "Little Bob Story"… voilà…
Dans les pubs près du Marquee, les Pistols nous regardaient un peu
de haut, on étaient les Frenchies tu vois, on les envoyait chier,
on les emmerdait, nous à la rigueur, on était plus proche
du Clash et de Thunders. En 76-77-78, on était d'ailleurs avec eux
les trois groupes préférés des roadies et des techniciens
anglais, ils l'avaient dit, ça avait été signalé
dans le Melody Maker !"
Repli vers le bar, discussions diverses et agréables avec autochtones, barmaids, Marc (toujours passionné ce type, ça se sent) et évidemment, Little Bob... On évoque le Clash (enfin un type qui dit "le" Clash, et pas "les" Clash), les Pistols, la vague punk qu'il a vécu en plein, le rythm'n'blues... Il a toujours ce regard plein d'étoiles et cette gentillesse… "T'as vu, j'ai fait "High Time"" . Je lui dis que ma chanson préférée du MC5 est "Sister Anne" et que je considère que "High Time" est son "Sister Anne" à lui. Il s'éclaire d'un grand sourire.
Quant à la thune que j'ai pas mise dans le concert, je l'investis dans le double Live au Trabendo de l'année dernière (sur Dixiefrog Records, pour ceux qui ont loupé le show). Je demande à Mimi, qui tient le stand de merchandising, si elle a un marqueur et yep elle a ça. Je barre le "Little" de Little Bob et j'écris "Grand" à la place. Mimi se fend d'un grand sourire souligné par des yeux pétillants. Ces deux sourires là, au-delà du concert, seront ma récompense.
1976 - HIGH TIME (Arcane, réédition WMD-FNAC)
1977 - LITTLE BOB STORY (compil des singles 75-76 Crypto) LIVIN' IN THE FAST LANE (Crypto, rééd WMD) OFF THE RAILS (wik 6), il s'agit du pressage anglais de Livin' In The Fast Lane avec le titre "All Or Nothing" en moins. 1978 - COME SEE ME (RCA) 1979 - LITTLE BOB STORY LIVE (RCA) 1980 - LIGHT OF MY TOWN (RCA) 1982 - VACANT HEART (RCA) 1984 - TOO YOUNG TO LOVE ME (EMI) 1985 - WANDERERS FOLLOWERS LOVERS (Live, Seaside Rds / Musidisc, réédition EMI en CD) 1986 - COVER GIRL (Maxi 45T Musidisc) 1987 - RINGOLEVIO (Musidisc) 1989 - RENDEZ-VOUS IN ANGEL CITY (Musidisc) 1991 - ALIVE OR NOTHING (Musidisc) 1993 - LOST TERRITORIES (EMI) 1997 - BLUE STORIES (Griffe / Sony) 1999 - ONE STORY Unrealeased Songs & New Versions Vol.1 (Outside Rds) 2000 - ONE STORY Unrealeased Songs & New Versions Vol.2 (Outside Rds) 2002 - LIBERO (Dixiefrog Rds / Night & Day) 2003 - LIVE 2003 Rock-on, riff-on, roll-on, move-on (Dixiefrog Rds /Night & Day) |
Dans notre tour de France des labels rock’n’roll,
l’étape rouennaise risque d’être la plus délicate pour
les tympans. Depuis début 2000, un nom qui claque comme un cri de
guerre de yakusa fait frémir les âmes sensibles et les négociants
en cotons-tiges : Yakisakana ! Sous de pétantes couvertures sérigraphiées,
le label a déjà édité dix-sept 45 tours et
un 25 cm, abritant une panoplie de gangs internationaux (Splash 4, Thee
Antonio Three, Gasolheads, Kill-A-Watts, Evolutions, Cheeraks, Magnetix,
Scat Rag Boosters, Skip Jensen, Locomotions, Dixie Buzzards, Superhelicopter...)
qui outre des line-up réduits, ont presque tous un goût immodéré
pour le dépoussiérage au karcher du garage punk lo-fi.
Certains gangs teenagers des sixties, relayés
plus tard par les punks puis par Supercharger, les Mummies ou les Oblivians,
ont bruyamment démontré que l’urgence et l’énergie
pouvaient se passer d’un son nickel et des heures de studio qui vont avec.
Un son bien crade, ça peut être aussi jouissif. Et c’est bien
plus économique. Voilà en gros la philosophie du Lo-Fi, à
l’opposé de la Hi-Fi évidemment, parfois décliné
en No-Fi ou en Why-Fi par des plaisantins. Son radical, aiguilles dans
le rouge, larsens qui crépitent, guitares qui craquent... Chaque
nouvelle livraison des deux compères rouennais, Ronan et Arnaud,
fait trembler les vitres et affole les voisins, même si du garage
punk enragé des Kodiaks au blues possédé de Skip Jensen,
l’éventail est large. On ôte nos bouchons et on laisse la
parole à Ronan, le boss du clan Yakisakana.
D.I : Quand es-tu tombé dans la marmite rock'n'roll
?
Ronan : à 14/15 ans j'écoutais un peu de
hard : AC/DC, Motorhead, même Trust... et des trucs genre Madness
(premier disque acheté...). Il faut dire que j'habitais à
la Réunion et pour qu'un disque arrive jusque là il fallait
qu'il se soit bien vendu, donc c'était soit hard rock soit reggae
!!! En revenant en métropole (en 1982) j'ai acheté d'occase
un lot d'albums hard, il y avait un disque des Ramones dans le tas (End
Of The Century)... après ça a été très
vite, d'un côté j'ai appris que les Ramones étaient
un groupe punk, j'ai donc acheté Never Mind... des Pistols puis
les Buzzcocks, Damned, Rezillos etc... et d'un autre côté
en lisant une interview de Joey dans Best : il parlait des Cramps, du garage
60's, les deux premiers Back From The Grave venaient de sortir en France...
D.I : Pourquoi et comment as-tu démarré Yakisakana
?
R : A part acheter des disques de façon plutôt
compulsive j'avais jamais vraiment "participé", ça me trottait
dans la tête depuis quelque temps mais je me suis finalement décidé
au Japon et j'ai contacté les Antonio 3. En fait je me suis jamais
dit "ça va aider les groupes" ou "je vais me rendre utile pour une
fois" c'était plutôt égoïste, pour me faire plaisir.
D.I : Pourquoi ce nom ?
R : “Yakisakana”, ce sont des brochettes de poissons grillées.
Je voulais un nom japonais car le premier objectif était de sortir
des disques de groupes japonais... Yakisakana est d'ailleurs le premier
mot japonais que Arnaud a appris quand il est venu me voir au Japon.
D.I : Tu as habité longtemps au Japon ? Tes impressions
sur le pays ?
R : J'y suis resté un peu plus de trois ans et
demi. Très bonne impression, pas d'agressivité dans la rue
ou aux concerts, des supers disquaires !!! J'y serais bien resté
plus longtemps, sachant bien sûr que j'étais privilégié
: je n'étais pas japonais et donc je n'avais pas la pression énorme
qu'ils subissent. Au sortir de l'université ils savent que c'est
une vie de boulot qui les attend, c'est d'ailleurs pour ça je pense
qu'ils ont des groupes complètement fous.
D.I : Des Japonais à surveiller en ce moment ?
R : Je suis revenu il y a quatre ans, ça change
vite... il y a les Zymotics que j'aime beaucoup.
D.I : Vous êtes deux à faire tourner la boîte,
comment vous vous partagez le boulot ?
R : En fait Arnaud s'occupe des concerts à Rouen
et maintenant des tournées, et c'est un sacré boulot, et
moi je me charge du label : choix des groupes, des chansons, pressage,
distro etc.... (On a d’ailleurs déjà plusieurs fois croisé
Arnaud dans la crypte du Fantomas à Toulouse, accompagnant par exemple
les remuants Elektrocution de Rouen et les fringants Doits suédois...
chaude soirée - nda-)
D.I : Il y a un "son" Yakisakana, le punk trash lo-fi qui bousille
les tympans. Tu sentais que ça manquait en France ou c'est simplement
ce qui te branche le plus ?
R : Je sors ce qui me plaît c'est tout. J'ai pas
cherché une "niche commerciale" !!! Je ne cherche même pas
à sortir toujours le même genre de groupes en fait.
D.I : Tous les premiers singles ont été épuisés
assez rapidement. Tu t'y attendais ?
R : Pas vraiment, j'ai en fait eu beaucoup de chance de commencer
par un groupe reconnu (Splash 4) puis des trucs comme les Scat Rag Boosters
et les Kill-A-Watts qui ont fait connaître le label.
D.I : Où sont-ils pressés ? Les tirages oscillent
entre quatre cents et huit cents, il y a une raison particulière
?
R : Pressés en République Tchèque.
Pour les pressages j'ai jamais eu envie d'avoir des cartons de disques
qui prennent la poussière sous mon lit mais d'un autre côté
le tirage ultra limité pour collectionneurs seulement... ça
me plaît pas trop non plus, donc à chaque fois j'essaie de
faire au mieux et à chaque fois je me plante...
D.I : Combien faut-il en vendre pour amortir les frais ?
R : A priori dans les 420/450 copies.
D.I : Et la distribution ?
R : Beaucoup d'échanges avec des petits labels
sinon Underground Medicine et Dave Hill aux US (Revolver ponctuellement),
Bloody Mary en Espagne, Incognito en Allemagne.
D.I : D'où sort ce Meloo De Bongout qui signe vos superbes
pochettes ? On peut dire qu'il a sa part dans l'identité du label.
R : Je l'ai rencontré pendant mes années
strasbourgeoises. On est devenu potes très rapidement et comme il
fait du graphisme depuis longtemps (il a un atelier de sérigraphie,
il sort pas mal de bouquins etc.) c'est tout naturellement que je lui ai
demandé de faire les pochettes. Il a effectivement une très
grande importance pour le label, il lui donne en fait une identité.
A part ça, il joue aussi dans les Cheeraks. (A saisir sans erreur
pour plus d’infos sur le sieur Bongoût :
http://frre.fr.freee.frfr. free.fr - nda)
D.I : Vous avez des connections internationales solides avec
Martin Savage en Suède, Superhelicopter en Allemagne, Skip Jensen
au Canada ou Roy Oden, le cinglé des Evolutions et du label Kryptonite
aux USA... C'est une conspiration internationale lo-fi ?
R : C'est vrai qu'on est très proche, il faut dire
que cette scène est très réduite en fait !!!
D.I : Des nouvelles de Roy Oden ou des Antonio 3 au fait
?
R : Pas vraiment, les Antonio 3 tournent toujours, Yukihiro
a un magasin de disques mais il répond jamais aux e-mails !!! Quant
à Roy, il a des tonnes de projets (45t des Mystery Girls, Tyrades,
etc...), il est dans les Reacharounds avec sa copine Wendy (ex-Lookers).
D.I : D'autres groupes ou labels dans le genre à recommander
?
R : Comme labels, à part la référence
In The Red, il y a Goodbye Boozy et Solid Sex Lovie Doll en Italie, High
School Reject aux Pays Bas, PTrash en Allemagne, Big Black Hole (fils spirituel
de Yakisakana) en Espagne, Big Neck et Flying Bomb aux USA, Perpetrator
en Nouvelle Zélande. Les groupes : Real Losers, Blowchunks, Henry
Fiat Open Sore, Functional Blackouts...
D.I : Tu connais les Fatals de Toulouse sans doute...
R : Très bon !!! Très bonne surprise...
On les fait jouer à Rouen bientôt. (Depuis les Fatals ont
enregistré quelques morceaux pour un single à venir sur Yakisakana
-nda-)
D.I : Honnêtement, les Superhelicopter, c'est à
la limite de l'audible non?
R : Comment ? Parlez plus fort !
D.I : Votre single (de Superhelico...) avait plusieurs pochettes
différentes non ? (Pour pouvoir s'éclater à regarder
les disques une fois les tympans explosés je suppose !)
R : Il y a trois pochettes différentes, une par
membre du groupe. Ils m'avaient envoyé des photos individuelles
alors j'ai pensé à ce gimmick utilisé par les Damned,
les Lurkers etc.
D.I : Alors c’est qui selon toi le groupe le plus perce-oreille
de la planète ?
R : Les Henri Fiat Open Sore à leur début
n’étaient pas des mickeys dans le genre, il y a les Hospitals aussi,
ce qui devrait leur valoir de faire un 45t sur le label très prochainement.
D.I : Après une douzaine de singles, tu as sorti
le 25 cm des Magnetix. C’était juste un coup de foudre pour le duo
bordelais, ou l'envie de passer à l'étape supérieure
?
R : Je cherchais à sortir un 25 cm depuis quelque
temps en fait, il y a eu quelques projets avortés ou retardés
et puis ça s'est fait avec les Magnétix très rapidement.
D.I : A quand un triple album !?
R : Un triple des Superhelicopter alors !
D.I : On dirait qu'il y a de plus en plus de groupes à
line-up réduit. Yakisakana abrite pas mal de duos. Pourquoi cette
évolution d'après toi ?
R : On a même un one-man-band ! (Skip Jensen -nda-)
La scène garage a évolué, c'est vrai, vers un son
un peu plus simple et aussi plus rêche. Après la grande période
Gories/Oblivians les groupes sans bassistes sont devenus de plus en plus
nombreux. D'ailleurs Yakisakana n'est pas en odeur de sainteté chez
le syndicat des bassistes.
D.I : Le disque dont tu es le plus fier ?
R : Je suis en général assez fier de sortir
le premier 45t d'un groupe, comme le Cheeraks par exemple.
D.I : Celui que tu aurais rêvé de sortir ?
R : Parmi les disques contemporains au label (sinon il
y en a beaucoup trop !!! Même si je pense que sortir un disque des
Angry Samoans, Gories ou Oblivians m'aurait bien fait plaisir !) il y a
les deux premiers 45t des Baseball Furies, ou les Bantam Roosters.
D.I : Quelques conseils pour ceux qui voudraient se lancer
dans la création d'un label rock'n'roll ?
R : Sortir uniquement ce qu'on aime vraiment, éviter
par exemple de sortir des morceaux pourris d'un très bon groupe.
D.I : Est-ce que ça t'a demandé un gros investissement
financier au départ ?
R : Oui... depuis, je sors les disques avec l'argent qui
rentre, mais je n'ai jamais récupéré la mise initiale,
environ mille euros.
D.I : Les aspect le plus agréables et les plus désagréables
du boulot ?
R : Le plus agréable c'est le premier contact avec
un groupe, quand on se met d'accord pour sortir un disque, on reçoit
les morceaux... on choisit ceux qu'on veut. Le plus désagréable
: ne pas avoir assez de moyens et refuser des bons trucs.
D.I : Un mot sur la scène actuelle à Rouen ?
R : Il y a quelques bons trucs : Banana Wax un trio garage
rock’n’roll (deux guitares, une batterie), Elektrocution souvent comparés
aux Hives mais en beaucoup plus énergiques (Arnaud vient de sortir
un 25cm du groupe), les Flaming Heroes très impressionnants sur
scène.
D.I : A propos du label d’Arnaud Too Much Fish In The Sea,
Yakisakana n'est pas un peu jeune pour avoir une filiale ?
R : En fait Arnaud voulait faire le 25cm des Elektrocution,
il me l'a proposé et j'ai refusé... il a donc sorti le disque
tout seul. C'est vrai que sur le disque c'est marqué "subdivision
de Yakisakana" mais c'est plutôt une plaisanterie car je me suis
occupé de rien et je ne participe pas à la distro mais c'est
vrai aussi que vis à vis de l'usine de pressage, des douanes, etc...,
c'était un avantage de citer Yakisakana qui est déjà
connu.
D.I : C’est un label complet : mail-order, tournées...
Comment tu vois l'avenir ? Qu'est-ce que tu voudrais développer
?
R : Comme il travaille, Arnaud ne peut pas faire plus
pour les concerts/tournées que ce qu'il fait actuellement (un concert
mensuel, tournées pendant les vacances scolaires). Pour le label
j'aimerais sortir un peu plus de disques et un peu plus d'albums mais je
ne pense pas qu’il puisse se développer énormément
: le nombre de personnes susceptibles d'être intéressées
n'est pas extensible.
D.I : Tu as un boulot à côté ? Qu'est-ce
que tu fais à part t'occuper du label et écouter de la musique
de fous furieux ?
R : Non, non, je ne travaille pas. Mais je suis quand
même très occupé : une petite fille de quatre ans,
une vieille maison en éternels travaux...
D.I : Projets et prochaines sorties ?
R : Après la sortie des 45 tours des Locomotions
et des Kodiaks en avril (voir encadré -nda-), je sors en juin un
45t des Spamchords le nouveau projet de Nils des Superhelicopter ah ah
!!!. Puis normalement après ça je devrais sortir un 45t des
Hospitals mais rien n'est encore sûr. A la rentrée une grande
première avec le premier album sur le label, celui des Scat Rag
Boosters, et sûrement un 25cm des Cheeraks !
"Bon, elle va enfin sortir cette putain de guitare
?". Lo Spider s'inquiète... Le tapis roulant continue à faire
remonter son lot de bagage des entrailles de l'aéroport de Toulouse-Blagnac,
mais toujours pas de gratte. Enfin si, celle à deux cordes, bricolée
maison par Sharky, est bien sortie, mais pas l'autre, la vraie. Dix minutes
plus tard le tapis s'arrête faute de bagages à déverser,
la soute de l'avion est vide... Sharky réalise : "What the fuck
!?!". Eh bien, voilà déjà un truc à régler,
je sens qu'on ne va pas s'ennuyer dans les jours qui viennent. De plus,
le flight case disparu contient aussi une boite d'exemplaires d'un EP compil
du 'zine Carbon 14 (incluant un titre gravé par le duo Sharky/Handsome
Dick) et une série de tee-shirts des Raunch Hands ressortis pour
agrémenter la table de merchandising...
Mike Edison, alias Sharky, batteur des Raunch Hands et quelques
autres, leader du Edison Rocket Train (voir Dig It ! 29), est en tournée,
prêt à enflammer le sud de la France et le nord de l'Espagne
en one-man-band rythm'n'blues'n'soul'n'roots et votre 'zine favori n'y
est pas pour rien. La tournée démarre donc ce matin par une
réclamation en bonne et due forme au comptoir d'Air France. La préposée
tente de nous rassurer comme elle peut : "nous devrions récupérer
votre instrument rapidement, on vous tiendra au courant"... Mouais...
Après une soirée toulousaine qui a permis à Sharky de réaliser quelques fantasmes de New Yorkais en goguette (dont un copieux magret de canard "fuckin' great maaan !"), la tournée débute officiellement le lendemain au CAT de Bordeaux où il doit assurer la première partie de ses compatriotes les Soledad Brothers. On est quatre, Lo Spider, Youn (qui fournit la gratte de remplacement), Sharky et votre serviteur. En arrivant à Bordeaux on passe d'abord place St Michel chez les Magnetix pour récupérer l'ampli sur lequel il jouera ce soir, c'est Looch qui le prête... Sauf que Mr Looch est bloqué à 20 bornes de là, le démarreur de la Magnetix-mobile a rendu l'âme et l'ampli est à l'intérieur. Well, well, well...
Le CAT est une belle et grande salle aménagée dans un vieux bâtiment de la ville. L'équipe organisatrice est chaleureuse et disponible, les backstages ronronnent d'une agitation bien rodée et le poulet du repas mijote dans de grandes cocottes. Sur scène les Soledad Brothers préparent leur matos pour le sound check. La fille qui les accompagne organise consciencieusement la table de merchandising et punaise au mur l'impressionante série de tee-shirts du groupe. Sharky sympathise avec les Frères de Soledad (c'est à la prison de Soledad que l'Amérikke entassait les Black Panthers) et le groupe de Toledo (Ohio) accepte immédiatement de lui prêter un ampli. Bon...
Après un repas collégial autant que convivial, c'est un autre one man band qui ouvre la soirée, il est venu dans les bagages des Soledad Bros et installe une ambiance blues déglingué et traditionnel à la fois qui sera le fil rouge de la soirée. Il se fait appeler Dooley Wilson je crois (comme l'acteur qui incarne Sam, le pianiste noir dans Casablanca) et semble avoir baigné tout petit dans les eaux boueuses du Mississippi. Il a une belle voix chaude et, porté par un brin de nervosité, il martyrise élégamment les cordes de sa guitare (une gratte chinoise m'a-t-on soufflé). Bonne mise en jambes.
C'est au tour de Sharky. Il grimpe sur scène et s'asseoit sur une chaise avec à portée de main un mini-thérémine qui, habilement dompté (ce ne sera pas toujours le cas sur la tournée), hululera pendant tout le set. Par terre, un tambourin scotché sur une planchette fera office de percussions. Fez sur la tête et costume grande classe, très à l'aise, notre homme fait marrer tout le monde d'entrée à coups de "Hey motherfuckers ! Feel fuckin' alright huh ?" et c'est gagné. Il troque vite la six-cordes pour sa deux-cordes faite maison et le bottleneck entame de frénétiques allers-retours sur le manche pendant qu'il tape du pied comme un sourd et gronde le blues originel et rugueux. Ça lui monte des entrailles et sa voix rauque fait son effet. Tout le monde est rigolard ET admiratif devant cet escogriffe qui, sans être un guitariste de haut vol, enchaîne à la perfection des classiques ("This Train", "What's The Matter Now") et des compos persos trempées de feeling et traversées de zigoui-gouis électrisants (le thérémine).
Un rappel et c'est plié, Sharky sort de scène et nous demande comment on a trouvé sa prestation. Devant nos têtes hilares, il devine que c'est gagné. Les Soledad Bros s'installent. Le groupe nous fait l'impression d'être maintenant plus "rock'n'roll" qu'à l'époque de ses débuts en duo. Ils sont quatre aujourd'hui et la machine tourne à plein, entre Flamin' Groovies et Stones, charriant toujours le blues originel sur des riffs puissants parfois violemment transpercés par des éclairs de saxophone. Leur évident plaisir d'être là est contagieux et le groupe met le coeur à l'envers et enflamme le public du CAT qui en a pourtant vu d'autres.
Après le show, on est hébergé chez Les Magnetix. Quelques Wonkee Monkees ont suivi après un détour à l'épicerie de nuit du coin. Jérôme Dècheman, en quête d'asile pour la nuit, également. Après force libations et une exploration en règle de la discothèque des Magnetix, on s'écroule un par un. Je dors dans la même pièce que Sharky, enfin, j'essaie, vu que le gusse ronfle comme un tracteur soviétique, puissant et solide mais pas très régulier. Au bout d'une heure de ce traitement, j'opte pour un repli stratégique sur le carrelage de la salle de bain. Mr Dècheman s'en ira dès les premières lueurs de l'aube, il n'a pas dû beaucoup fermer l'oeil. Vers midi, une virée dans un restau sympa du quartier nous donne quelques forces pour affronter une nouvelle journée du Sharky's Tour. Ce soir ça se passe au Fantomas à Toulouse.
Sur l'autoroute du retour on s'arrête faire le plein... et Youn réalise qu'il a oublié les clés du bouchon de réservoir à Toulouse... Ha ha ! Il n'en fera jamais d'autres... Mais pour le pratiquer depuis assez longtemps, Lo et moi ne sommes pas plus étonnés que ça... Sharky écarquille les yeux quand il comprend : "What the fuck !?!". Hé hé, ce n'est qu'un début mon gars ! Il nous reste une centaine de kilomètres à avaler et l'aiguille de carburant flirte déjà dangereusement avec le rouge... Il va falloir diablement lever le pied. On finit par arriver après avoir prié Saint Robert Johnson, le patron des bluesmen en virée. On passe chez Youn récupérer la clé du réservoir et... la caisse tombe en rade à 200m de la station d'essence, heureusement située au bas d'une belle descente. Sauvés par le gong. Et St Robert sûrement...
Une douche et un repas plus tard, on se retrouve au Fantomas. Il y aura même une batterie ce soir vu que Lo Spider a récupéré un drum-kit pour enfant et compte bien participer au spectacle (un cas typique de stage addiction). Et c'est Youn qui prête son gros ampli. Moi je tiens la table de merchandising ce soir, c'est pratique, je peux grimper sur la chaise et n'en point perdre une miette. Pas de première partie, Sharky est LA star du jour et ça le rend un peu nerveux. Au moins jusqu'au troisième riff... Ensuite ça roule tout seul, il est encore plus déchaîné qu'hier soir et fait tout le monde taper du pied et lever le coude. Il s'agite beaucoup, grimpe quasiment sur le bar et enchaine riffs meurtriers et mélopées de champs de cotons ponctuées d'irrésistibles et efficaces "cha-cha-cha" (variante : "cha-cha-motherfuckin'-cha") en fins de morceaux. Lo Spider assure imperturbablement le motherfuckin' beat à la mini-fuckin'-batterie.
Fin du show, les toulousains rigolards et conquis s'arrachent
les exemplaires du premier CD du Edison Rocket Train (Yes ! Yes !! Yes
!!!). On est même obligé de pallier à la rupture de
stock en en récupérant un carton dans la Younmobile. Par
contre les T-shirts ne déchaînent pas l'enthousiasme, ils
ne sont pas terrible faut dire (une parodie du fameux I Love N.Y. avec
le logo du Rocket Train, sauf que le côté parodique escompté
ne saute pas aux yeux... Et qui a envie de porter un T-shirt I Love NY
?). Deux heures, fermeture du rade, on va en profiter pour dormir quelques
heures, la nuit bordelaise a laissé des traces. Sharky est logé
chez Youn. Ils déchargent le matos rapidement et se servent un (ou
trois) verre(s) réparateur(s).
Au bout d'un moment, Youn remarque qu'il y a un comme un vide
anormal dans la pièce, réfléchit deux secondes (mouais,
plutôt deux minutes...) et pige enfin... "Putain, c'est pas vrai
! Mon ampli !!! On a oublié mon ampli sur le trottoir !". Sharky
renchérit : "Fuck the fucking fucker !!!". Rush vers l'extérieur.
Evidemment, il n'y a pas plus d'ampli sur le trottoir que de trace de dignité
dans l'oeil d'une pouffe de télé-réalité. Le
constat plombe l'ambiance... But the show must go on. Montpellier attend
Mike Edison, Mike Edison y sera. Suffira d'emprunter un ampli... Ça
devient une habitude. Le lendemain matin, Lo Spider rejoint nos deux compères
et prend la main pour vous raconter la suite. On se retrouve tout à
l'heure. (Gildas)
Réveil douloureux après deux jours de débauche.
Youn m'apprend la disparition de son ampli : "Euh, tu crois que j'appelle
les éboueurs, j'ai rêvé qu'ils l'avaient trouvé...".
Vous savez, moi les prémonitions... On verra plus tard. Pour l'instant
je contacte les étapes montpellieraine et perpignanaise pour m'assurer
qu'ils ont des amplis de secours. No problemo, on the road again. Le trajet
est des plus calme. Sharky est en forme, le soleil est au rendez-vous et
même Youn ne semble pas trop affecté par ses déboires.
On est assez excité par le fait que les Hangmen soient à
l'affiche ce soir. Leur album live, We Got Blood On The Toes Of Our Boots
a pas mal squatté les platines du Dig It ! Radio Show et en plus
y'aura Ward Dotson (ouaip, le guitariste originel du Gun Club). On arrive
dans un Subsonic fraîchement rénové (peinture et acoustique)
et déjà rempli du tout-Montpellier-qui-rocke, des What !
aux Booboos en passant par Little Green Fairy (de Sète eux). Les
Hangmen font leur balance, et putain ça dépote ! Puis c'est
au tour de Sharky. Ce soir il aura droit à un Marshall. Pas forcément
son truc, mais il a l'art de s'adapter. On galère un peu sur la
sonorisation de son désormais célèbre tambourin "pied
au plancher" (autrement appelé self-destructo boots), devra-t-on
y mettre un ou deux micros ? En fait on choisit l'option "aucun" et c'est
sûrement plus raisonnable.
Je redoutais un peu ces deux premières parties (surtout
celles de Bordeaux), avant que Mike ne débarque. Qu'allait donner
son one-man-band sans batterie sur de grandes scènes ? Après
sa prestation en ouverture des Soledad Bros, je suis maintenant complètement
rassuré. L'homme sait se mettre un public dans la poche, ce sera
encore le cas ce soir. Quelques rasades de Bourbon et notre maharajah interstellaire
entre en scène. Le Diddley bow à une corde rugit, le thérémine
est incontrôlable et la voix rocailleuse fait toujours merveille.
Les quelques soixante personnes qui ont fait le déplacement ont
l'air d'apprécier. Mike déconne, prêche à tous
vents et me fait presque croire qu'il va s'attaquer au "Petit Coq Rouge"
(on a traduit les paroles de "Little Red Rooster" à sa demande)
Ouais, j'ai oublié de vous signaler qu'il s'y était essayé
à la balance. Mais NON ! Pas ce soir. "Pas assez de Bourbon ou de
cojones ?" l'interrogeai-je, ne recevant pour toute réponse qu'un
regard foudroyant. Les Hangmen envoient l'artillerie très lourde
d'entrée, tout en mid-tempo (c'est d'ailleurs le seul truc qu'on
pourrait leur reprocher, cette sorte d'uniformité), avec la guitare
puissante et précise de Ward Dotson et le chant inspiré de
Bryan Small (un peu à la façon de Peter Tillman des Lipstick
Killers). Les morceaux défilent, entre Paisley Undergound, Gun Club
(logique) et folk rugueux, jusqu'au (grand) moment où le groupe
fait sa fête à "Sex Beat".
On finit la soirée au bar entre bières et Bourbon
en discutant le bout de gras avec les ricains. Notamment avec la charmante
bassiste Angelique qui m'apprend qu'elle vient du même coin que les
Riverboat Gamblers (Denton au Texas) et qu'elle a vu l'évolution
incroyable du groupe depuis ses balbutiements néo-métal-punk...
Elle a depuis répondu à une annonce ("Hangmen cherchent bassiste")
et déménagé en Californie où elle vit avec
son copain Leighton... Ouais, celui du Gravedigger V et des Morlocks (il
cherche d'ailleurs à remonter le groupe mais manque de personnel,
si ça intéresse quelqu'un...). On se couche fin saoul évidemment.
L'ami américain n'a pas de sac de couchage... Qu'importe, un vieux
drap et trois somnifères et la ronfling-machine est repartie.
Réveil difficile. J'ai chopé la crève. Ou
un rhume colombien. Mais heureusement je me souviens d'un truc qui me remonte
instantanément le moral. Aujourd'hui on bouffe chez Rauky et Clarisse
(Little Green Fairy) sur la célèbre colline de Sète
immortalisée entr'autres par Deniz Tek dans ces pages (Dig It !
23). Et comme le soleil est toujours présent, ça s'annonce
bien... Requinqué par la perspective d'un bon moment, je vais prendre
un petit déj' avec Ward et Mike. Plutôt marrant d'écouter
la conversation des "vétérans" (aussi râleurs et bougons
l'un que l'autre, soit dit en passant). J'apprend que Ward ne fait pas
officiellement partie des Hangmen, il est juste là pour la tournée
et se fait rétribuer ses prestations. A priori il ne connaissait
même pas les mecs des Hangmen il y a un mois ! Sont bizarres ces
ricains... Et professionnels. La conversation dérape sur les amis
que Ward et Sharky ont en commun, Handsome Dick, Chandler, Mariconda...
Ne comptez pas sur moi pour les ragots quand même.
On décolle sur le coup de midi. On s'arrête à
côté d'une vieille locomotive à vapeur pour prendre
quelques photos (n'oublions pas que dans Edison Rocket Train il y a TRAIN)
et on file le long de la plage. Sharky est un peu ronchon, mais Dizzy Gillespie
et John Coltrane ont tôt fait de l'apaiser, "putain le jazz c'est
ma musique préférée, j'écoute que ça
à la maison". Clarisse et Rauky nous reçoivent royalement
: tielles sétoises, BBQ de thon et huîtres sauvages, le tout
arrosé de vins du coin sur les rythmes chaloupés d'Harry
Belafonte... Ahhhhh ! Malheureusement les bonnes choses ont toujours une
fin hein... Captain Beefheart et son thérémine (encore !)
en déroulent le générique... En route pour Perpignan,
direction La Source. Un bar style PMU en plein centre historique de la
ville ; une vraie cour des miracles, alcoolos, putes, culs de jatte, toxicos,
psychos en tous genres... Arno (qui joue dans Horn Explosion, le big band
soul du coin) nous accueille. Plus tard débarque la smala Sonic
Chicken 4 / Beach Bitches. D'ailleurs Lionel (l'ex-gratteux des BB's, aujourd'hui
dans les Bellas avec Guillaume, chanteur des Beach) animera la soirée
à grands coups de garage cryptique et de wylde rock'n'roll. En attendant
on bouffe et on subit le foot sur grand écran. Mike me fait part
de son souhait de la jouer plus "light" ce soir, histoire de se préserver
pour l'Espagne... Son concert en pâti un peu. Il a presque l'air
timide et la mayonnaise a du mal à monter. Qu'importe, le second
set sera une vraie tuerie ! Howlin' Wolf et Sun Ra ont réinvesti
le corps du new-yorkais qui se déhanche comme un damné, monte
sur sa chaise et harangue la foule, "Music is the weapon of the future
! SPACE IS THE PLACE ! Cha-cha, mother-fuckin'-cha !". Le tambourin passe
de main en main, les jambes se délient, les langues aussi. Le "Petit
Coq Rouge" fait son apparition et je suis même mis à contribution
pour chanter "Louie Louie", mais.... merde, je ne connais même pas
les paroles ! Ça parait tellement évident pourtant... Mike
m'avoue que personne n'a jamais réellement décrypté
précisément les textes, ça me rassure. Le sol noyé
de sueur et d'adrénaline devient dangereusement glissant, il est
temps de clore la soirée. La fin de nuit sera plus calme, et c'est
pas plus mal. Je dois rentrer demain à Toulouse par le train pendant
que Mike et Youn traceront sur Barcelone.
Réveil surréaliste à 10h du mat' au milieu
des ronflements et effluves d'alcool. 25mn de marche jusqu'à la
gare pour m'apercevoir qu'on a changé d'heure dans la nuit et que
j'ai raté le train. Fuck, je vais pas attendre jusqu'à 17h
! Je grimpe dans le premier tortillard en direction de Narbonne, me fait
gauler, paye une amende... Rien de bien grave. Au moins je serai à
l'heure à la répèt'. (Lo Spider)
L'hébergement n'était pas prévu mais un pote de Jaime nous invite à passer la nuit chez lui. Il a l'air bien imbibé et, malgré nos appels de phares désespérés, entame une folle cavalcade dans les rues de Barcelone. Il grille tous les feux rouges et même un au nez et à la barbe de la policia. Et ma Younmobile est bien obligée de suivre ! On finit par arriver sains et saufs et on se gare à l'arrache sur le trottoir. Le lendemain, après une nuit bien trop courte, on réalise que la voiture a disparu. Bon ! Là ça commence à faire beaucoup, un ampli, une bagnole... faut que cette tournée se termine au plus vite ou il ne va plus me rester grand-chose ! Le kamikaze de la veille est déjà parti au boulot et on doit se rendre à la fourrière municipale qui se trouve à une dizaine de kilomètres. Arrivé là-bas on nous dit qu'il faut d'abord aller au commissariat... C'est reparti, et tout ça à pied bien sûr, vu qu'il n'y a aucun taxi à l'horizon. Retour à la fourrière. On est exténué. Là, l'employé semble s'amuser de la situation et décide de faire du zèle. Mike explose et lui donne un aperçu de l'étendue de sa connaissance de la langue. Finalement, on récupère la voiture, pour rejoindre la gare... Sans manquer de faire un énorme détour. C'est ici que nos chemins se séparent provisoirement. Mike prend le train pour Valence où il doit rejoindre Joseber (ex-Perros, Sidekicks, actuellement dans les Traitors et Playmobils) qui va le driver sur la partie espagnole de la tournée. Moi je rentre à Toulouse. (Youn)
Une semaine plus tard, je passe récupérer Sharky à la gare Matabiau. Il arrive d'Espagne. Apparemment la tournée n'était qu'à moitié réussie : "Ces fucking Espagnols sont toujours aussi branleurs !" résumera-t-il avec l'expérience d'un Ricain qui a passé deux ou trois ans à Madrid... Quelques dates furent donc annulées au dernier moment et notre homme dût même, en fin de virée, se taper deux concerts le même soir (à 100km de distance, drivé par deux Espingouins sous speed !) à cause de la distraction d'un organisateur-branleur. Mais le sommet reste quand même ce message reçu d'Oviedo : "You won't believe this ! I broke my hand ! Really... I have a cast on my arm !!! I can play slide by taping the slide to my arm... Really... Missed a show in Bilbao, will not miss another !!! will call later, am trapped in Oviedo typing with one hand !!!"... Juste ce qui nous manquait, le bougre s'est cassé le poignet ! Mais visiblement il se sent quand même capable de jouer. Ça tombe bien, la dernière date de la tournée est prévue demain soir en ville, à La Loupiote, un p'tit rade sympa du quartier St Cyprien qui affiche régulièrement le quota réglementaire de pochetrons au mètre carré.
Le train est à l'heure, Sharky a tout le poignet dans le plâtre et tire un gros sac sur roulettes derrière lui. Sa guitare à deux cordes est attachée sur le sac. Tiens au fait... à propos de guitare, on a oublié de vous prévenir : Air France a fini par dénicher la gratte égarée en début de périple et Lo' est passé la récupérer à l'aéroport pendant que Sharky était en Espagne. Première bonne nouvelle (la gratte a quand même quelques traces de chocs, putain de motherfuckers d'Air France !). Z'en voulez une autre ? L'ampli maintenant. Remember ? Les coupables étaient bien les éboueurs ! Et ils l'avaient mis de côté, perplexes, ça ne ressemblait pas vraiment à leur lot d'ordures quotidiennes. Youn en a été quitte pour passer au dépôt et payer une bouteille de Pastis à Maurice, le garbage man en chef... Pour fêter ça, Sharky nous invite au restau et se tape encore un magret. Il fait les réserves avant de repartir. Il en aurait bien ramené au pays, mais depuis peu, les magrets et autres foies gras sont visiblement considérés par les flics des aéroports US comme autant d'armes de destruction massive. No way José. Alors Sharky fait le plein et, tant qu'à faire, ne lésine pas non plus sur les petits vins régionaux... Il nous raconte entre une bouchée et une lampée qu'il a appelé Micha "Crypt Rds" Warren depuis l'Espagne, c'est elle qui est chargée de nourrir ses chats pendant son absence. Les félins étaient en parfaite forme, merci pour eux, par contre c'est du côté de chez Mike Chandler que venaient d'inquiétantes nouvelles. Le chanteur des Raunch Hands, particulièrement émêché, ce qui d'après Sharky s'avère assez courant, avait quelques jours plus tôt (et involontairement bien sûr) foutu le feu à la maison de sa copine. Diable ! Ça chauffe à New York City. Après le repas, on drive notre homme jusqu'à La Loupiote, histoire de lui faire prendre la température de l'endroit qui abritera demain sa dernière prestation en Europe. Il l'air d'apprécier et on se fait quelques rafales supplémentaires en mettant au point les ultimes détails ("j'peux être payé en fuckin' magret ?") avec la patronne. Sharky craque pour une bière belge dont la bouteille affiche un design très 50's, la Vedette. Ça le fait marrer. Rideau.
Le lendemain en début d'aprèm', Sharky improvise une séance photo à la Cité de l'Espace et prend des poses devant la réplique grandeur nature de la fusée Ariane vu que dans Edison Rocket Train, il y a aussi ROCKET. Quelques clichés illustreront la pochette d'un futur single prévu sur un label... perpignanais.
20h. Je le retrouve devant La Loupiote. Il a finit la balance
et attend Lo' Spider (chargé ce soir de jouer de la "guitare de
soutien", eu égard au poignet dans le plâtre de Sharky) pour
commencer le show. Evidemment, Lo' est en retard et Sharky s'impatiente
("Il aurait pas du sang espagnol des fois ?"). Le public arrive en nombre,
la bonne prestation de Sharky au Fantomas il y a quinze jours et le bouche
à oreille conséquent ont fait merveille. La salle est bondée.
Lo' finit par débouler et le spectacle commence. Pecci (Zoomen)
s'installe aux drums pour quelques morceaux. Je vous passe les détails
cette fois, mais sachez que Sharky, malgré le plâtre, assurera
avoir donné un de ses meilleurs concerts ce soir-là. On vend
les derniers exemplaires de l'album et des copies du EP Carbon 14 qui étaient
dans le flight case de la guitare égarée...
Un
pochetron qui débarque après le concert entreprend Sharky
: "Et à part ça, tu fais quoi, hips, dans la vie ?". L'Américain
désigne du doigt l'étiquette de sa bouteille : Vedette...
La nuit se poursuivra tard, jusqu'au moment où il fallut
conduire un Sharky bien éméché à l'aéroport.
Et comme il lui restait une vengeance à assouvir, on est passé
à deux doigts du scandale quand il a commencé à hurler
dans le hall, exigeant un sticker "fragile" pour sa guitare et déversant
un tombereau d'appréciations fort peu aimables sur Air-France en
particulier et l'Association Internationale des Transporteurs Aériens
en général. Heureusement, il était très tôt
et il n'y avait pas grand monde alentour. Pourtant, le Texan en Stetson
et l'Indien enturbanné qu'il a pris à témoin de ses
déboires ont dû halluciner sévère. Quelques
minutes plus tard, l'avion s'envolait avec un passager un peu spécial
cuvant sur le siège 31, près du hublot. Il y eut même
un début de panique quand les hotesses crurent détecter des
vibrations suspectes du côté du siège 31. Sur leur
livre de bord elles ont consigné l'alerte au chapitre "ivrogne ronflant
comme un tracteur soviétique". (Gildas)
Quelques jours plus tard, échange de bons procédés oblige, Youn s'envolait pour New York et commençait sa virée là-bas par quelques jours chez Sharky. Depuis, Mr Edison donne régulièrement des nouvelles et envisage de repasser par ici dès cet automne. Pour l'instant il est occupé : "Je suis en train de rédiger tout le matériel promo pour le prochain album de Jon Spencer, et puis je prépare un bouquin sur les Danseurs de Ballets ! Vrai de vrai ! Un bon boulot. A part ça, je vends des appartements... je bosse comme un dingue mais j'ai eu quand même le temps d'écrire de nouveaux morceaux. Le single est en route (pochette par Cliff Mott -nda-) et le deuxième album est prêt. J'espère pouvoir revenir en octobre. C'était un VRAI plaisir, et cette fois j'éviterai l'Espagne, ou alors juste Barcelone... Passez le bonjour au monstre qui a dormi chez moi".