Dig It! # 46
Jack OBLIVIAN
JACK OBLIVIAN
DI : Les Oblivians se sont formés en 1993. Tu peux nous rappeler dans quelles conditions...
Jack O :
Greg et moi, on joue ensemble depuis décembre 1989, et
dès le début on a eu du mal à trouver d'autres
musiciens prêts à adhérer à notre
démarche. Pour un temps, le groupe s'est appelé The
Painkillers et puis ça s'est barré dans tous les sens
musicalement, et le line up changeait sans arrêt; c'est à
ce moment là qu'on s'est rebaptisé les Compulsive
Gambers. Et vers fin 92, les membres des Gamblers ont
décidé, simultanément, de quitter Memphis pour
s'éparpiller à travers tout le pays. Greg est parti
s'installer à New York tandis que Rod Thomas, le batteur des
Gamblers et moi, c'est la Nouvelle Orléans qui nous attirait. On
a fini par s'y installer début 1993. Quand Greg est revenu
à Memphis, on a tout de suite voulu se remettre à la
musique, ne restait plus qu'à compléter le groupe. On a
immédiatement pensé à Eric, qui bossait chez
Shangri-La, la boutique de disques. Il avait l'air d'un chouette mec et
en plus il en connaissait un rayon côté rock'n'roll. Sa
maîtrise de la guitare était pour le moins rudimentaire,
mais c'est ce qui aura justement un impact majeur sur le son qui allait
caractériser les Oblivians. On s'est alors mis en quête
d'un batteur, peut-être pas avec assez d'ardeur, puisqu'on n'en a
pas trouvé, finalement...
D.I : On dit que votre premier album, On The Go, a été enregistré en un weekend ?
Jack : En
fait, je suis venu passer un weekend à Memphis durant lequel on
a composé dix chansons. Je suis revenu m'installer à
Memphis quelques semaines plus tard et nous avons effectivement
enregistré en un temps record l'album Oblivians - Early
Recordings - On The Go, sorti sur Goner, bien plus tard.
D.I : Au
début le groupe s'appelait PP & The Naildrivers, puis The
Gentlemen of Leisure... C'est Eric vous a apporté la Ramones
touch ? Je parle des chansons plus "hardcore", du nom du groupe, de vos
pseudos...
Jack : En
fait on avait le choix parmi une liste de cinq noms de groupe, parmi
lesquels Oblivions. Je ne sais plus lequel d'entre nous a changé
cela en Oblivians. Et puis, pour les pseudos frères-Oblivians,
je ne pourrais pas non plus te dire qui a eu l'idée, ça
m'a trop fait marrer pour que j'en garde un souvenir précis.
D.I : Le nom avait-il une signification spéciale ?
Jack : Je
pense que ça nous a plu parce qu'il définissait
parfaitement ce qu'on avait à l'esprit, un truc sans
prétention, sans calcul, rien à voir avec un business
quelconque.
D.I : Vous
voilà de retour après un gap de dix ans, à une ou
deux réunions près. Plus d'un rêvait de voir ou
revoir les Oblivians, alors une tournée couplée avec les
Gories... Excusez du peu ! Quid de cette tournée
européenne ?
Jack : Il y
a tellement de chansons qu'on a envie de refaire que je peux t'assurer
que chaque concert de cette tournée aura une set list
différente. On tient à préserver le plaisir
intact, tant pour nous que pour les fans.
D.I : Les
frères Oblivians échangent-ils toujours leurs instruments
comme au bon vieux temps ? D'ailleurs, quel est ton
préféré, la guitare, la batterie, le chant ou la
basse (Jack en joue avec Harlan T Bobo) ?
Jack :
Perso, la place que je préfère occuper en tant
qu'Oblivian, c'est la batterie. Sauf toutefois quand il s'agit de jouer
ce morceau d'Eric "Shut My Mouth"... Cette chanson me fait mal. Je
rêve qu'on l'ampute du solo de guitare, et qu'on la rende plus
courte aussi, elle serait moins pénible du coup... Je te dis pas
le boulot qu'il faut faire à la batterie pour sauver ce morceau !
D.I : On peut espérer un nouvel album ?
Jack : On
a effectivement tous envie de s'essayer à un nouvel album des
Oblivians après la tournée de l'été. En
revanche, impossible de prévoir à quoi il ressemblera, on
verra en temps utile...
D.I : Tu n'as pas
perdu ton temps dernièrement : j'ai dénombré au
moins dix groupes auxquels tu collabores ou as collaboré, dont
South Filthy. Avec lequel t'es-tu le plus éclaté : les
Knaughty Knights, Cool Jerks ? Tearjerkers ?
Jack : J'aime
tous ces groupes, pour des raisons différentes. Je me dispersais
pas mal à un moment, c'est un fait. Depuis j'ai limité le
nombre de mes activités simultanées. Par exemple, en ce
moment, à part mon propre groupe les Tennessee Tearjerkers, je
joue juste un peu de batterie avec King Louie's Loose Diamonds et, de
manière épisodique, de la basse avec Harlan T. Bobo.
D.I : Des souvenirs de tes premiers groupes de jeunesse, les Corinth High School Follies (1983-84), The End (1985) ?
Jack :
Moi je voulais sonner punk, mais rien à faire avec les autres.
On a néanmoins passé de bons moments. J'ai notamment
souvenir d'un concert d'enfer au Mongo's Planet de Memphis, je venais
de finir mes études. Mon expérience punk, je l'ai
finalement eue avec Johnny Vomit and The Dry Heaves. Le groupe n'a
joué live que bien des années après sa formation.
Mais durant les sessions studio, wow !, c'était comme si on
était sur scène. De la folie pure !
D.I : Tu as
bossé avec Nathaniel Mayer (RIP), sur la reprise de ta chanson
"Satisfied Fool". Quels souvenirs as-tu gardés de cette session
? J'ai eu l'occasion de voir Nathaniel interpréter cette chanson
lors de sa dernière tournée en Europe, j'en ressens
encore de l'émotion aujourd'hui rien qu'en évoquant ce
titre.
Jack : En
fait, je traînais dans le studio depuis plusieurs jours,
j'étais pote avec quelques membres du groupe de Nat et avec
l'ingénieur du son. J'étais juste là, un peu comme
une mouche sur un mur. Alors qu'ils avaient fini d'enregistrer toutes
les chansons, Jeff Meier m'a demandé si j'avais un morceau en
stock pour le lendemain. Ils avaient prévu de balancer quelques
trucs, juste comme ça, sur les murs du studio, en se disant "on
verra bien si quelque chose accroche"... J'ai pensé que le seul
truc qui pourrait le faire c'était "Certified Fool", une chanson
que j'avais écrite à l'époque des Cool Jerks,
quelques années auparavant (nda : le morceau se trouve sur la
version vinyle de l'album Cleaned A lot Of Place In Memphis). Je me
suis donc retrouvé à la jouer au ralenti afin que les
autres membres du groupe puissent piger les notes. C'est finalement sur
le même tempo que la chanson a été mise en
boîte. Les paroles ont un peu été modifiées
par le label manager qui ne voulait pas que les paroles initiales, qui
parlent d'une histoire d'amour tournant mal, portent la poisse à
Nathaniel. La chanson a subi un traitement à la Kim Fowley en
quelque sorte. Là-dessus Nathaniel me dit "cette chanson parle
de moi, maintenant Jack, c'est la mienne". Lors d'un show des Cool
Jerks au Canada auquel Nathaniel assistait, j'ai cassé une corde
pendant ce morceau. Nathaniel a déboulé alors sur
scène en disant "Je te l'avais bien dit, Jack, c'est MA chanson
maintenant, regarde, tu as cassé une corde... Tu ne peux plus la
jouer désormais".
D.I : Tu as aussi
enregistré avec un autre de mes héros, Tav Falco, qui
nous a dit le plus grand bien de toi. Tu te souviens des sessions ?
Jack :
Oui, je me rappelle avoir fait vingt ou vingt-cinq prises de presque
tous les morceaux de l'album (Panther Phobia), et toutes les prises
sonnaient de façon strictement identique. Seule la chanson
"Panther Phobia" a été enregistrée en une seule
prise. Ma chanson préférée de cet album, pour
laquelle on a dû faire cinq prises, c'est "Streamline Engine" sur
laquelle Tav disposait de deux batteurs à la fois, Ross Johnson
et moi.
D.I : Et ton nouvel album The Disco Kid ?
Jack : Il
est sortir le 5 mai, sur Goner Records, le label de Zack Ives et Eric
Oblivian. Je n'ai pas encore assez de recul pour en parler.
J'espère en tout cas que tu l'apprécieras.
Effectivement, on l'apprécie et on y revient en fin de numéro.
Patrick Bainée
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