Dig It! Inédits
Tony Slug
(interview)
Mike Ness
(Supplément à l'interview du Dig It! # 26)
Nekromantix (chronique
de concert)
The Strokes
(chronique de concert)
Billy Childish
Joe Strummer
(Supplément à l'interview du Dig It! #24)
+ Dee Dee Ramone
: Mort aux Ramones
(chronique du bouquin de Dee Dee, parue dans un de
nos anciens numéros, mais chais plus lequel !)
Sweet Jane : Quelles sont les villes ou les pays où vous avez tourné cette fois-ci ? Et où est-ce que le public s'est montré le plus enthousiaste ?
Tony Slug : Nous avons commencé au Festival de Roskilde au Danemark, ensuite nous sommes retournés à Amsterdam via Paris (Le Nouveau Casino) et Bordeaux (Le Zoo Bizarre), puis en Espagne (au Azkena de Bilbao), un show à Lisbonne au Portugal, retour en Espagne via Barcelone (The Magic) et Montpellier.
Scott Morgan me précise qu'ils ont décidé de rester à Montpellier et d'annuler leur passage à Rennes, dommage ! Le lendemain en remontant ils ont essayé de trouver un coin pour rester en France mais tous les hôtels étaient complets because 14 Juillet ! J'en profite d'ailleurs pour faire passer le message de Scott qui aimerait beaucoup produire des groupes français ou européens (me contacter).
T. S. : Ensuite nous avons eu une route d'enfer pour nous rendre à Uppsala en Suède où nous étions la vedette du festival Barbarella. Deux jours pour l'aller et deux pour le retour !!! Mais on s'est bien marrés !! Juste le temps de repasser à Amsterdam et nous sommes partis pour Londres. Pour ce qui est de l'enthousiasme... l'Espagne est de loin la meilleure, mais la Suède aussi a l'air de bien nous apprécier. Mais bon, en général les gens ont été super sympas et encourageants partout en Europe.
SJ : Combien de temps avez-vous passé en studio pour l'enregistrement de "Powerglide" ? Qu'est-ce qu'il a de plus que le premier ?
Tony : Le tout, enregistrement et mixage, nous a pris 5-6
jours. Nous avons réalisé quelques sessions avec les chanteurs
et encore une fois comme sur le premier album avec la section cuivres d'Amsterdam
THE HECTIC HORNS. Ils sont vraiment bons ! Ce qu'il a de mieux ? Plus de
cuivres et des choeurs féminins.
SJ : Sur la pochette de votre premier album que j'ai scrutée
à fond, j'ai remarqué que c'était toi qui l'avais
mixé, que fais-tu d'autre?
Tony : Oui, et je produis aussi mon autre groupe THE NITWITZ
ainsi que d'autres groupes locaux.
SJ : Comment travaillent les Hydromatics sachant que toi et
Théo êtesà Amsterdam et que Scott et Andrew sont à
Détroit ?
Tony : Nous avons pensé que nous devions capturer
en studio les bandes contenant des morceaux que le Sonic's Rendez Vous
Band n'avait jamais enregistré et qui avaient été
composés et écrits dans les années 70 par Scott et
Fred 'Sonic' Smith. Les nouveaux morceaux des Hydros sont presque tous
de Scott même si j'ai contribué à la recherche de mélodies
et à quelques arrangements. Avant que Scott et Andrew nous rejoignent
ici, nous échangions des enregistrements par e-mail, on avait ainsi
une idée de ce que nous allions enregistrer. Après, évidemment,
nous avons dû tout préparer.
SJ : Quand on regarde les deux pochettes de disque (vinyle)
on a l'agréable surprise de ne pas trouver dans le dernier
-contrairement au premier- de f*uckin code barre. Par contre, il n'y a
aucune indication des crédits. Dans "Parts Unknown" chaque morceau
est décrit très précisément, peux-tu m'expliquer
pourquoi ce changement de "concept commercial"? Et pourquoi ne pas avoir
sorti votre second album chez White Jazz comme le premier ?
Tony : Le second album chez Cargo s'est vu le droit d'être
distribué par Freakshow Rds sans que nous en sachions rien. Nous
n'en avons pas vu un centime !!! On a même dû payer les copies
qu'on a pris avec nous pour la route. Pour moi c'est un bootleg (pirate).
Il n'y a aucun crédit pour les musiciens et aucun crédit
pour les auteurs des chansons. De cette manière ils se sont dispensés
du paiement de droits d'auteur qui naturellement devaient revenir à
Scott. L'industrie du disque est le business le plus crade qu'on puisse
imaginer. Tout le monde se fait du pognon, sauf le groupe!!! Quant à
White Jazz, ils ont vendu leur boîte à une autre. Je ne suis
pas sûr que ce label existe encore et surtout, ils ne nous ont plus
rien demandé ...
SJ : Parle-moi un peu de toi, tu es né où, dans
quelles villes as-tu vécu, y-a-t-il une ville où tu rêverais
de vivre ?
Tony : J'ai 39 ans et je suis né au Danemark mais
j'ai vécu toute ma vie à Amsterdam, ce serait chouette de
vivre en Espagne !!!
SJ : Tu as joué de la basse pour Sonny Vincent, mais
tu as aussi une superbe gratte Gibson 'Les Paul', rêves-tu d'une
autre guitare ou bien celle-ci te convient très bien ?
Tony : Pour moi, elle est parfaite, très heavy,
avec un son très solide, je l'adore. Mon autre guitare c'est une
Mosrite 1965 que j'aime beaucoup aussi.
SJ :Tu joues avec les Nitwitz et les Hydromatics... Avec qui
encore ? Et avec quels musiciens "super connus' à part bien sûr
Nick Royale, Scott Morgan et Sonny Vincent as-tu travaillé ?
Tony : J'ai joué avec BGK, Loveslug et Vim. Et
avec Spencer P. Jones des Beasts of Bourbon.
SJ : La Hollande est un bon endroit pour ta musique ? Quels
sont les groupes que tu aimes bien en ce moment et quel a été
ton déclic quand tu étais ado ?
Tony : La Hollande ? Absolument pas !!! La situation est
en géneral... terrible !!!!! D'un point de vue personnel, les groupes
que j'aime bien sont des potes, F.I, The Felchers, Hellacopters, Turbonegro.
Quand j'étais ado (à la fin des années 70), j'écoutais
surtout les Ramones et les Stooges.
SJ : Comment as-tu formé les Nitwitz ? Et Théo,
comment l'as-tu connu?
Tony : Dans cette ville (Amsterdam) c'est quand même
un peu dur de ne pas connaître un mec comme Théo. J'ai formé
THE NITWITZ en 1978 et nous avons cassé en 1982...A cette époque
nous étions le plus grand groupe punk hollandais !! Nous avons sorti
un bon paquet de disques notamment chez Bronco, Safety Pins mais aussi
un album chez Get Hip "Dark Side Of the Spoon". Puis, en 1996 nous nous
sommes reformés mais maintenant nous sommes le plus petit groupe
de Hollande, ha, ha ! (www.gethip.com/new/Ip/ghlQ79.html)
SJ : Les projets des Nitwitz ?
Tony : En ce moment nous sommes en studio, nous enregistrons
un nouvel album... et je bosse aussi justement sur notre tournée
qui pour diverses raisons ne durera peut être que deux semaines...
On commencera à traverser la France sûrement mi-octobre via
l´ Espagne et dans le sens contraire deux semaines après,
j'ai hâte d'y être ! Mais bon, c'est un peu confus en ce moment
! Mon ami Laurent Van Bouvelen essaye de nous trouver quelques shows en
France, mais il paraît que c'est un peu dur...Mais notre concert
à Montpellier est confirmé, il aura lieu le 4 Novembre.
SJ : Cool !!
C'est le moment de lancer un appel à tous ceux qui veulent donner un coup de main aux Nitwitz ! (N'hésitez pas à me contacter -jeannethe.valdes@voila.fr- si vous avez des possibilités)
Tony : Thanx a lot !
Recueilli et traduit de l'anglais par
Jeannethe "Sweet Jane" Valdès.
« Une histoire truffée d’anecdotes bruyantes
sur les courbes élégantes de nos belles d’antan... »
La voix du reportage que je ne ferai jamais file par la fenêtre entr’ouverte
de ma voiture. La dépression créée par l’air extérieur
aspire le style ampoulé, et la musique qui pulse des HP plaqués
sous le tableau de bord chassent à coup de Marshall les phrases
construites et les blablas d'au moins 6 mois d’efforts polis, vernis, astiqués
et modernes. Je me sens lavé. Lavé de toutes ces tractations
téléphoniques et leurs cohortes de formules conventionelles
et désespérantes. Tous ces e-mails. Toutes ces démarches
épuisantes pour le moral et l'idée qu'il reste de l'âme
dans ce monde parfois si bas, si ... propret, mercantile et surtout calibré.
Je suis content d'avoir rencontré Mike Ness. Non pas seulement d'avoir
eu gain de cause auprès des intervenants et décideurs divers
que j'ai eu à cotoyer, mais surtout parce qu'il m'est apparu aussi
franc et honnète que sa musique ou son attitude sur scène
m'ont donné à penser. Oh bien sûr il resterait beaucoup
à dire, ou a demander (genre passer en revue la carrière
de Social Distortion, ou encore demander quel est ce démon roots
qui le pousse à reprendre Dylan puis quel est cet autre qui a besoin
de scène et de brûlots sans solos) mais on se reverra sur
la base du prochain album.
De toutes façons il était temps
d'arrêter. Shane a fait un geste discret, et nous avons soldé
l'entrevue par une mini séance photo, histoire de faciliter la transition
vers l'autoroute à nouveau et le chemin du retour.
Maintenant, seul dans mon habitacle, je me
prends à penser à ce que je viens de faire, et du coup je
trouve plus de bien fondé à ma démarche : prendre
la responsabilité de faire un passer un coup de coeur personnel
dans un domaine plus public, si j'ose dire. Social D n'a, à ma connaissance,
jamais fait l'objet d'un article dans la presse française (tout
au mieux nous avons eu une critique de l'album Heaven & Hell dans les
Inrock -increible,no ?- il y a bientôt 10 ans, et une de l'album
solo #1 de Mike Ness dans R&F, d'où il ressortait que
l'homme avait la sensibilité à fleur de peau. 3 étoiles
sur 5, si je me rappelle bien.Je trouvais qu'il méritait mieux que
ça, et qu'il n'y avait pas meilleur moyen d'appréhender sa
musique -son monde- qu'en ayant une petite discussion avec lui, histoire
de fixer un contexte. Et de vous en faire profiter. Glaner au passage les
anecdotes 'satellites' concernant Brian Setzer ou Bruce Springsteen sont
un plus non négligeable, une espèce de supplément
d'âme. Cela me fait d'ailleurs penser qu'il serait bon un jour de
se pencher sur les vies parrallèles de Springsteen qui participe
à d'excellents disques dès qu'il a le temps. C'est une autre
histoire.Celle-ci se continuera j'espère pour la sortie du prochain
disque, pour une des nouvelles dates w/ le nouveau line-up (sans Dennis
et avec le batteur qui avait officié lors des concerts solos et
sur l'album 'Under the Influences', Charlie Quintana pour le nommer.),
ou bien pour les vacances. Ce dernier chapitre me fait sourire d'aise !
Tout comme les derniers mots que nous avons échangés, sur
le trottoir, après qu'il m'ait confié qu'il aime bien jouer
à Tijuana. "Tu sais, la Chevrolet, je veux en faire une bête
de concours. Pas un truc qui va en remorque à la
concentre, non, mais un truc qui me ramène une putain de coupe
à 15 dollars. Tu vois ce que je veux dire ?" Un peu que je vois,
Marlon !
J'écoute Death on Wednesday, cadeau
de Shane Trulin qui va m'inviter au concert au Viper Club. J'entends un
peu des Heartbreakers, un peu des Undertones, un peu de Social Distortion
aussi. Un petit rien du Clash si on veut... En tout cas, rien d'étonnant
à ce que ces gars aient fait la première partie de Social
D cet été. Et bien sûr, ce sera un bon
concert, avec pas un musicien qui touche le sol en même temps
que ses potes -sauf entre deux morceaux. (Cela s'avèrera d'ailleurs
exact. Seul le guitariste hmm soliste paraissait moins à l'aise.
Moins rebondissant. Peut-être plus hautain. Renseignements pris à
la fin du gig auprès de l'interessé, il avait répété
les morceaux sans interruption pendant les 48 heures précédant
le concert : il venait d'intégrer le groupe. Il se sentait donc
un peu coinçé. J'en avais les larmes aux yeux !)
La radio bave ses conneries sur le Summer Fun, le niveau de pollution bat de nouveaux records, Enron vient de foutre en l'air la distribution d'électricité en Californie (il s'ensuivra un scandale financier sans guère de précédent d'ailleurs), Bush est en vacances (et l'avenir jugera finalement qu'il en avait bien besoin, avant de s'ateler à la lourde tâche de faire régresser une région du monde à l'âge de pierre à coups de bombes) et NYC est encore intègre.
Et la vie est belle, je trouve. Tant qu'il y aura des hommes de bien, professant l'intégrité à six cordes, ça ira. Ca débouchera bien sur quelque chose de meilleur, un jour. Comme l'a humblement énoncé Mike, il aura fallu 20 ans pour qu'on sente un léger mieux. 20 ans de sa vie, d'ailleurs.
Merci et à un de ces quatres.
Laurent Bagnard
Genève est une ville où avoir une amante blonde
décolorée à forte poitrine, porte-jarretelles et bas
de soie, et à passer la chercher en Lotus Europe "à 8heures
pétantes, love !" murmuré d'une voix San-Antoniaise d'après
la fondue ... Ah la laisser glisser dans le lecteur 8 pouces une K7 de
son choix -une infecte niaiserie anglaise genre BO de "Ne nous fâchons
pas" avec Lino Ventura et l'innénarrable Jean Lefevbre en R8 Gord
défiant des hordes d'anglais effeminés jouant
soit du rock d'ascenseur soit du fusil-mitrailleur Thomson avec une
égale virtuosité - tandis qu'elle croise négligemment
les cuisses, faisant remonter au-delà de la couture du bas quoiqu'on
s'en défende bien trop souvent arachnéen sa robe jaune à
parements verts déjà presque indécemment courte. Gulp
!
Le moteur rugit tandis qu'enfle mon désir et qu'elle me sussure,
avant d'allumer une King Size Menthol "et si tu passais la seconde, darling
?!", du bout de ses lèvres pulpeuses et indolentes. Crac la boîte
de vitesse explose sous la pression soudaine et violente que j'inflige
au levier desdites vitesses pour la satisfaire. Une cascade de pignons
s'abandonne aux lois de la cinétique enfin transgressées,
tandis que la Lotus finit en se dandinant -elle aussi- de l'arrière
dans le portail de la demeure du prince Aziz Nabil Al Saudi Ben Affleck
Nahrdin El Fahad, fils ainé et heureux successeur du bien simple
roi Fahad (King AbdulAziz pour les proches, Saint Gardien et Vénéré
Dépositaire de la Justice d'Allah et Tralala pour pas mal, le Gourdin
du Désert pour sa nostalgique première épouse -75
printemps cette année- et finalement Cher Papa pour ses 42 morpions
dont l'aimable sus-mentionné lorsqu'ils reviennent à la case
départ du Triangle de la Débauche Monaco-Las Vegas-Miami
et qu'ils veulent y retourner faire un tour). Bref, voilà la Lotus
et Jenny dans la devanture du King, au bord du Léman ! J'en profite
pour m'éclipser avant que les gardiens en rut ne me
fassent également un sort. Les pauvres bonshommes sont mis à
rude épreuve, car la maison héberge également le harem
dudit, environ une centaine de mousmées qui mettent, parait-il,
la pression à leur comble sur la psyché toute brute de ces
... hum... brutes, justement. Bref, nous ne sommes pas là pour faire
de la mauvaise littérature policière : la mission avant tout
! J'envoie un message à Saint Elvis, priant pour que la charmante
Jenny survive à l'incident et enfile donc un petit chemin de sous-bois,
à flanc de colline avoisinante.
Les sapins sauvages tendent leurs pattes griffues sur mon chemin,
égratignant mon costume Boss, le lacérant tel la veste du
guitariste des Strokes (voir article s'y référant). Dans
l'affolement de l'accident, j'ai égaré ma flasque d'eau bénite,
mon collier de gousses d'ail et ma chauve souris séchée.
Par Brian Gregory, je ne suis pas du genre impressionnable, mais le crépuscule
venant m'emplit d'un sentiment diffus d'insécurité... Peut-être
sont-ce les touffeurs de cette sylve, les grognements étouffés
sur ma droite, les feulements à ma gauche, cette branche qui craque
par-là... Le chemin devient presque indiscernable, et j'ai l'impression
-mais je me trompe sûrement- que lianes et branches s'étirent
pour frôler mes mocassins Méphisto
désormais souillés. Bon Dieu -oh, pardon- quand je pense
que je me retrouve dans un remake d'Evil Dead à cause d'affiches
ronéotypées collées sur tous les murs du centre ville
: un trio de squelettes en bottes répondant au délicat patronyme
de Nekromantix, jeans perçés aux genoux et perfectos pendouillant
sur leur carcasse, jouant respectivement de la contrebasse-cercueil, de
la batterie minimaliste et de la demi-caisse électrique. Allez,
m'étais-je dit, puisqu'on est dans le clin d'oeil, autant céder
à l'invite et aller voir "The Return of The Loving Dead", titre
de la tournée et du dernier opus du trio ! Malgré les onomatopées
sourdant des bosquets alentours, j'arrive sans encombres et grâce
à ma légendaire maitrise de moi dans une clairière
dans laquelle trône un chalet imposant aux boiseries sombres. A l'angle
de celui-ci discutent trois créatures devant un van noir immatriculé
dans les pays du Nord. Si mon flair ne m'a pas trompé, ce doit être
ici...
Je demande au groupe, prenant mon ton le plus assuré :
- "Salut, c'est ici le concert ?!"
Le plus agé des trois me répond sur le champ, souriant
:
-"Ben oui, c'est là, mais ça commence dans une heure."
Le temps d'apprendre que ce chalet et ses dépendances, ainsi
que le parc qui l'entoure fut la propriété d'un banquier
qui n'avait ni l'usage de celui-ci ni visiblement d'héritiers !
Il est maintenant transformé en honnête et heureux squatt
et accueille en sous-sol des groupes à la fortune diverse. Tandis
que nous devisons, une foule marrante commence à s'amasser devant
la porte, de jeunes percés aux vieux rockers venus en Ford '49 noir
mat en passant par une bonne tapée de keupons assez abimés.
Une réflexion grapillée dans la file d'attente, alors qu'arrive
le gang de rockers accompagné de leurs compagnes élégamment
gominées :
"eh les gars, il faudrait voir à évoluer un peu, vous
trouvez pas que ça commence à trop sentir le Pento ?!"
J'en souris et accompagne l'aimable Phil, organisateur de son état,
dans les sous-sols de la maison, et me retrouve peu après à
tenir la caisse en ses lieux et place, une tâche d'importance le
réclamant à nouveau à la surface ! 40 balles (en anciens
francs français, soit 10 balles suisses) le concert, c'est pas cher
du décibel, entrez entrez...
****
La salle est bientôt comble; les deux frangins (guitare et batterie)
et le chanteur-contrebassiste fendent la foule pour rejoindre la scène.
Sans un regard, les trois lascars se branchent et le concert commence sur
un riff en arpèges éculés (genre les portes du pénitencier).
Soudain la cavalerie électrique déboule avec force
décibels et hurlements et il
apparait sous les (deux) spotlights qu'en effet c'est un "Beau jour
pour une résurrection", signé Gretsch + Vox 3 corps ! Histoire
de se caler une dalle après l'effort que cela représente,
il faudra un "Meurtre au petit déjeuner", et pour éviter
un beat disco d'outre-tombe que les organisateurs fendent la foule et apportent
au groupe quelques bibines ! Ah ! Abreuvés, les vikings électriques
avouent tous hurlements rafraîchis qu'ils n'ont pas "tué la
Cheerleader" (oh no it wasn't me AT ALL ! beuglent-ils, ce qui traduit
donne : "oh non ce n'était pas moi DU TOUT")... On pourrait croire
que faute avouée est à moitié pardonnée et
les voilà qui enchaînent une ode à la "Subcultural
Girl" de leurs rêves boréaux, loin de l'Amérique qui
lui a donné sinon corps leur a légué du moins l'inspiration...
C'est à la fin de ce titre que le rêve prend fin, que la trêve
s'achève et que le le retour à la réalité et
la patrie de la petite sirène leur apparait à nouveau traumatisant
et infernal; las de sculpter des contrebasses en forme de cercueil durant
les longs hivers sans soleil, Kim Nekroman hanté par des visions
indicibles entonne la complainte des "Gargouilles survolant Copenhague".
Au premier rang, c'est pas du Romero, ou alors en vitesse accélérée
! Ça pogotte velu et franchement, les vieux rockers qui guinchent
en imposent aux p'tits jeunes persiflants, je trouve. Il est grandement
temps pour moi d'aller chercher une deuxième mousse offerte par
la maison et d'y aller de mon écot pour rentrer chez moi nanti d'une
preuve de l'existence des Loving Dead revenus parmi nous. Je paye
donc mon CD à leur âme damnée officiant au stand "goodies
& rememberance" et me fait offrir un bumper sticker à l'effigie
du groupe en sus ! Too cool !
Retour dans la fosse aux freaks ! Les Nekro y vont toujours de bon
coeur, matraquant de bons vieux riffs rockab' aux Genevois électrifiés,
hurlant dans une sono époumonnée l'ode aux "Leather Nuns
& Rubber Monks" ! A quand une chansonette sur Erik le Rouge ?!
Après tout, Halloween s'est bien répandu dans nos contrées,
alors pourquoi pas en remettre une couche avec drakkars, crème à
la crème et descendre des bières dans des crânes de
Normands (relire l'Astérix du même nom..) histoire de s'approprier
un peu plus ce genre-ci ?! C'est un peu sa seule limite, en somme... Il
est cantonné dans la redite sanguinolente mais il lui manque l'étincelle
de vraie dinguerie, celle qu'ont les hallucinés qui initièrent
le genre. Mais qu'importe ! Les Nordiques psychobilly y vont de tout leur
coeur, et affichent sereinement leur conviction, leur âge (genre
la trentaine bien sonnée) et leurs tatouages, dont un Hellcat dans
le cou du Nekroman en chef.
Amis rockers et autres accros à l'électricité
et aux décibels, si l'occasion vous est donnée, allez écouter
en sous-sol ces ecclesiastes hurlants sacrifiant sur l'autel Dégénéré
d'Elvis de classiques accords majeurs, dégoulinants de larsens baveux
et hurlant depuis les cavernes saturées de réverb' de leurs
vieux amplis à lampe leur adoration au Rock Perpétué.
Ils le méritent.
****
De retour dans ma chambre derrière mon Underwood cliquetante,
fumant l'une de mes dernières Lucky Strike, j'aligne rature sur
rature en pensant au Nécronomicon qu'ils ont clamé avoir
retrouvé, lors d'une fin de concert héroïque (le Vox
finira-t-il la tournée ?!). Et si TOUT n'était pas dit...
Et si ils étaient VRAIMENT à même d'invoquer les démons
du 7e cercle jusque dans le nôtre ? Ou pire, et si ce concert n'était
qu'un prémisse au retour du psychobilly dans nos contrées
? Au-dehors, dans l'aube naissante, des gargouilles venues de Copenhague
planent en long cercles infatiguables au-dessus du siège des assurances
Winthertur, à l'affût des secrétaires et des représentants
de commerce à l'inclinaison trop prononcée pour les heures
sup' ! Des ghoules émergent du lac, gettant patiemment les
nymphettes sacrifiées à des rites infâmes par les nantis
de ce monde lugubre -on dit qu'Alain Delon a une résidence sur la
rive du Léman, lui aussi...
Une Plymouth '57 noir mat rode en ville, côte à
côte avec un Ford 31 vitaminé. Mes potes les Cheaters remettent
les fifties au goût du jour. Ils ont des autos qui crachent des flammes
et font la course avec le diable, par saint Eugène, les soirs d'été.
Genève, ville étrange ! N'écrivez pas à l'office du tourisme suisse, amis. Ces gens-là sont discrets, et sous des atours avenants, polis et lisses, ils s'avèrent être en fait redoutables : ils sont vivants !
Laurent Bagnard
Juillet 02
Mais enfin, le plus beau soir de la vie de nombre de ces demoiselles
-dont assurément une bonne partie peut encore être sans rouge
au front qualifiée de "jeunes filles", bien qu'elles soient venues
s'encanailler dans un concert de rock, arrive enfin, alors que dans une
pénombre propice se dessinent, félinement mouvantes, les
silhouettes des jeunes musiciens tant attendus. Et la lumière fut...
Malheureusement pas le son ! Il a fallu attendre 4 morceaux avant de pouvoir
distinguer un peu mieux qui faisait quoi... Mais puisqu'un concert est
aussi un évènement visuel, on a pu à loisir (ils jouent
encore + lentement live que sur disque !!!) détailler les icônes
new-yorkaises. Ooch ! A gauche, un bassiste qui aurait pu officier à
la réception de l'Agence du Crédit Agricole de Vizille (Isère)
en tant que stagiaire durant l'année 1988, pile la coupe de (d'an)douilles
à la "gracieux éphèbe" en vogue chez les BCBG en cette
époque eurythmiquienne et tenez vous bien, il a une basse, c'est
à ça qu'on le reconnait ! Vu qu'une basse est un instrument
à 4 cordes, tenue correctement au-dessus de la ceinture et de marque
Fender de préférence, il est assez facile de reconnaitre
un bassiste, de toutes manières. De plus, normalement, il ne bouge
pas. Celui-ci ne déroge pas à la règle, car il ne
respire pas non plus. Féru de sous-culture, assurément, il
n'a gardé des Leningrad Cowboys Vont A New York que ce principe
: un bon bassiste est un bassiste mort. Il ne se réveille que pour
aller écrire à son journal d'adoption les péripéties
de la tournée mondiale en cours. "Un truc incroyable : on fait des
kilomètres en bus, parfois. Et d'autres fois en avion aussi... On
pourrait croire à des vacances... mais quelle angoisse la scène
!" multiplié par autant de dates qu'en comporte la tournée.
Ça semble assez facile, comme ça, mais on voit bien que vous
ne connaissez pas le travail à la chaine vous autres. Y'a que les
jours qui changent, et au bout de 30 les noms de mois... Eux, c'est la
première fois qu'ils bossent. Vivement qu'ils deviennent des stars
internationales basées à New York City, parce que c'est crevant,
la vie normale !
A coté de ce monolithe, un rien en avant pour être
précis, on découvre un autre support à guitare, mais
celle-ci à 6 cordes si fines qu'on les voit à peine. Lui,
tout de cuir vêtu (enfin le pantalon), tient la guitare solo quand
son comparse n'en joue pas. Entendons par là qu'ils s'échangent
les rôles avec l'autre guitariste, à l'opposé sur la
scène. Concentré, comme juste lâché dans le
vaste monde par un prof de guitare par ailleurs resté de l'autre
côté de l'Atlantique, il demeure obstinément fixé
sur son manche -de guitare, je re-précise- dont il joue sinon avec
virtuosité du moins avec application. En effet, les Strokes à
la conquète du monde ne font pas de fausse note. C'est connu, c'est
difficile à gérer ensuite : c'est comme un faux-pas dans
un défilé de mode, tu marches sur la robe prototype à
Enzo et crac non seulement tu finis à poil, mais tu achèves
ta carrière. A toi les animations Carrefour, après un coup
comme ça. Alors pour ne pas finir en Rémi Bricka de 7/11,
notre ami s'applique, lui qui se laissait aller à un rien d'anti-conformisme
sur la pochette de l'album (il y louche) n'en laisse rien paraître
sur scène. Gibson ES 335. Fender Twin. Manche de veston décousue.
Rigueur, quoi.
Vient maintenant le chanteur. Ah ! La graîne de star. Accroché
au micro, sans un regard et guère de paroles à l'attention
de la foule dont j'ai l'espoir qu'elle ne lui est soudain plus totalement
acquise -mais non je ne suis pas jaloux-. Casablancas, il s'appelle. Bouffi,
comme capricieux, il fait un concert à reculons, sans que l'on puisse
discerner ce qu'il VEUT dire, tant il parle peu et chante pas : juste un
vrombissement que l'on peut assimiler à une voix, un autre instrument
monocorde, mélangé à la soupe ambiante... Il m'a fallu
un moment, mais je crois que j'ai compris : il n'a rien à dire,
cet homme-là. C'est pour ça qu'on l'entend jamais. Grâce
à lui et aux relations de papa (par ailleurs en examen, si on en
croit la rumeur) les Strokes sont un groupe muet qui fait parler les autres
à leur place. Pour ne rien dire de toutes façons, vu la qualité
des interviews...Ce désagréable personnage officie donc en
tant que frontman, noyé dans la masse décibellienne. Il nous
a gratifié de 2 ou 3 apostrophes, tout de même, dont un merci
en français, genre deux morceaux avant la fin et c'est tout ! Mais
ça à la limite, c'est pas grand chose. Finalement, c'est
peut-être un code, me dis-je. Ces gens-là sont comme ça...
Regardons les choses en face, et les groupes de NYC aussi.
Flashback : Allez, Lou Reed ! Lou Reed n'en a rien à secouer
de son public, c'est une évidence. J'étais arrivé
au concert à la bourre, et j'entendais des mecs qui jouaient "I'm
Waiting for the Man" et je me disais... "Gonflée, la première
partie !". Je rentre dans la salle, alors qu'un groupe hétéroclite
et son frontman nain jouaient je ne sais plus quoi que je connaissais vaguement.
Encore une reprise, me dis-je. Putain, le mec chante un peu comme Lou Reed.
Deux ou trois chansons plus tard, je me dis qu'il n'y a peut-être
pas de première partie, et finalement je découvre avec stupeur
que c'est bien le Lou Reed de légende qui est en face de moi. Qui
ne dit rien entre les morceaux. Qui change de guitare chaque fois avant
d'en commencer un nouveau. Qui sort de scène pour ne pas y revenir.
Tout comme moi d'ailleurs : je ne suis jamais retourné le voir...
Lou Reed n'a JAMAIS été renommé pour ses qualités
communicatives. Mais on ne va pas lui chercher des puces ; pas à
lui. Pas APRES tous les disques qu'il a fait et l'influence qu'il a eu
sur le monde moderne. Les Ramones, alors. Ah, les Ramones ne sont pas non
plus un groupe des plus communicatifs. C'est normal. C'est -putain je peux
pas le mettre à l'imparfait, mon Joey- un pilonnage en règle.
Une machine bien rôdée. Bon d'accord, les New Yorkais peuvent
être froids, pourquoi pas. Tom Verlaine est timide, et concentré
aussi. Faut dire qu'il n'amuse pas la 6 cordes non plus. Patti Smith ?
C'est plutôt l'inverse, elle.
Enfin tous ces gens viennent de Nulle-Part City, avant d'arriver
sur la scène. Et s'ils n'ont guère d'envie de communiquer
directement avec leur public, ils ont à DIRE. Ils sont LA, avec
une place à tenir et ils la tiennent. Pas l'impression de ça
avec les Strokes. Tu sais pourquoi ? Parce qu'ils ne se parlent pas entre
eux. Ils ne se regardent pas, ne communiquent pas. Ils NE PRENNENT VISIBLEMENT
PAS PLAISIR A JOUER ! C'est effarant. On les dirait entrain de réciter
une leçon mal apprise, mal digérée. Une mauvaise blague
potache. Un orchestre de highschool comme on en voit dans les films, mais
lourdé dans l'espace-temps, avec une dégaine fin 70's et
un charisme de Starsky sans Ford Torino...
A part les deux chevelus de la 'bande', à savoir l'autre
gratteux et le batteur. Là ça va mieux, ça cogne dur
et ça joue faux. Nerveux, tendus, concentrés et généreux.
Suants. Je vote un satisfecit à ces deux gars, qui ont tout fait
pour relever la sauce et sauver les meubles, essayer de faire de cette
soirée un concert, une fête. Qu'il y ait à défaut
d'échange, du moins un espèce de don. Messieurs Hammond Jr
et XXX, vous avez fait en sorte que je reste jusqu'à la fin. Pour
vous entendre mal repartir sur un break, mettre un peu de VIE dans cette
démo de ce que devrait-être-un-groupe-sur-scène et
bien que vous n'ayez pas de micro, vous vous êtes débrouillés
pour faire un gentil salut de la main et que quelques sourires aux kids
venus pour vous ce soir-là.
Et puis, si l'on y regarde de près, finalement il y a
un petit quelque chose : Hammond Jr ressemble à Billy Ficca, de
TV. Et Casablancas à rien. Bon allez, j'arrête, abrupt comme
le concert.
Et pourtant une question reste entière : pourquoi tant
d'encre encore sur ce sujet ? Parce que je pense qu'il faut en mettre de
l'autre côté de la balance, que les Strokes ne sont
pas un phénomène de société, pas LE groupe
qui va sauver le rock - quelle connerie, cette invention-là -, rien
qu'un groupe de mecs bien nés, réunis pour faire de la musique.
Malheureusement, c'est elle qui passe à l'arrière-plan, derrière
leurs photos, leur jeunesse, leur look, et leur attitude majoritairement
déplorable sur scène. D'un côté comme de l'autre,
c'est un concept lisse, un truc qui glisse entre les doigts, mais qui voudrait
s'attacher à la platine. C'est sûr. Je repense aux deux seuls
déterminés, contents d'être sur scène et certainement
les deux seuls à peut-être pouvoir mesurer ce qu'ils font
au moment où ils le font.
Alors quoi, le mot de la fin ? C'est triste, voilà. Je
n'ai jamais vu un concert qui m'ait laissé aussi triste. Dépité.
C'est dommage, parce qu'il y a la musique -qui est peut-être LEUR
musique, vraiment- en decà de tout ce barouf. Et la conviction d'au
moins 2 membres sur 5, plus une foule de gens que ça intéresse.
Et puis les critiques : "...cette lugubre bouillie verbale de rock à
la con écrite directement au balai de chiottes par des handicapés
mentaux dont la poésie de fond de poubelle oscille périlleusement
entre le bredouillis parkinsonnien et la vomissure nauséeuse que
viennent leur cracher à la gueule de faméliques débris
humains de vingt ans, agonisants précoces, les cheveus et le foie
teints en vert par les abus d'alcool et de fines herbes, le tout avec la
bénédictions sordide d'une intelligentsia crapuleuse systématiquement
transie d'admiration beate pour tout ce qui ressemble de près ou
de loin à de la merde."
Les critiques ne vont pas au concert des Strokes. Les critiques
ne critiquent pas les Strokes non plus. Desproges, lui, aurait pu. Cette
dernière tirade est de lui, je vous la laisse en guise de conclusion.
La suite de leurs pérégrinations esr dispo dans les canards
de propagande. This case is closed, comme disaient leurs supposés
grand-frères avec une élégance inégalée
depuis lors. Hasta luego !
Laurent Bagnard.
Juin 2002
*("depuis qu'il a renoncé à balancer ses 3 trois accords essentiels, comment en vouloir à ces kids de lui piquer ses plans", a-t-on pu lire dans la presse)
A l'occasion de la sortie de son 100ème album et du concert des Buff Medway (son nouveau groupe) au Dirty Water Club de Londres avec les Von Bondies (soirée sold-out), Billy Childish a récemment donné quelques précisions sur "sa vie/son oeuvre" :
Je m'appelle Billy Childish. Je suis né à Chatham, dans
le Kent, où je vis toujours. j'ai arrêté l'école
en 76, à 16 ans.
Mon père a quitté la maison familiale quand j'avais 7
ans.
Un ami de la famille a abusé sexuellement de moi quand j'avais
9 ans.
En 79 j'ai bossé quatre semaines en hôpital psychiatrique
comme gardien à la porte.
On m'a diagnostiqué "dyslexique" à 28 ans.
J'ai publié trente recueils de poésie et deux romans.
J'ai enregistré une centaine d'albums indépendants et
j'ai peint plus de deux mille tableaux.
J'ai appris la guitare à 21 ans.
Je peins tous les dimanches dans la chambre de ma mère.
Mon père a essayé de se tuer plusieurs fois.
J'ai un frère de 10 ans.
Je suis marié à une métisse de Seattle.
Je n'ai pas la télé.
Je crois que la vie est un voyage spirituel.
J'ai été au chômage pendant quinze ans.
Je pratique la méditation Vipassana et le yoga Iyenga.
Je suis membre de Greenpeace et des Amis de la Terre.
Je ne lis pas les journaux et ne vais pas aux concerts.
A 21 ans j'ai cogné sur mon père quand il est sorti de
prison où il était enfermé pour trafic de drogue.
Je suis un ancien alcoolique.
Quand j'avais douze ans, je m'habillais souvent en femme et je me promenais
comme ça dans les rues.
J'ai eu une expérience sexuelle avec un chien.
J'ai un fils de deux ans nommé Huddie.
Je crois à la réincarnation et aux lois du karma.
Mon artiste favori est Vincent van Gogh et comme lui je crois en Dieu.
Je ne hais personne.
Je suis très content d'être désormais un peu "reconnu"
(comme artiste -ndt-). J'espère que ça me permettra d'être
soutenu par une Galerie (d'Art) capable de me comprendre, que je puisse
gagner un peu d'argent et ne plus être obligé de peindre par-dessus
mes vieilles toiles. Et je pourrais aussi publier les deux autres romans
que j'ai écrits depuis 96.
La musique qu'on joue n'a jamais été particulièrement
à la mode, mais c'est comme ça. Même en 77 on a raté
notre chance en refusant de jouer à Londres. Et quand le punk a
viré au néo-romantisme, on a décidé de revenir
au rock'n'roll.
De temps en temps arrive un groupe qui nous apprécie. Il y a
eu Mudhoney et Nirvana, et puis Beck, et maintenant les nouveaux : les
White Stripes et les Hives. Je suis content qu'ils nous apprécient
et qu'on puisse faire quelques concerts, mais on n'est pas des pop stars,
on est the real thing, et the real thing ne sera jamais à la mode.
On est très concerné par notre son et le fait de rester
à une petite échelle. On ne veut pas se cacher derrière
le volume et les retours. On ne veut pas qu'il y ait plus de 4 mètres
entre nous et le public. On veut une vraie relation pour montrer aux gens
qu'ils peuvent le faire eux-mêmes.
2001-2002: Joey et Dee Dee cassent leur pipe à un an d'intervalle, de quoi faire un peu de bruit dans les médias et sortir l'autobiographie de Dee Dee, parue en anglais il y a 5 ans sous le titre Poison Heart. Un titre plus fidèle, finalement, car si Dee Dee n'aime pas trop les Ramones (y'a des hauts et des bas), il se déteste surtout lui-même. C'est un bouquin qui fout la trouille. Dee Dee passe plus de la moitié du temps à décrire ses plans came et ne semble même pas y prendre beaucoup de plaisir. Lui et ceux qui traversent sa vie paraissent plutôt prisonniers de leur dépendance et de leur folie, souvent. Prêts aux pires mesquineries, agressifs en diable...
Mais qui sait ? Violemment subjectif, l'auteur admet volontiers
que sa mémoire n'est pas la meilleure du monde. Ça ne l'empêche
pas de retracer les étapes de la carrière du groupe et de
lâcher au passage quelques anecdotes carabinées. Sur Phil
Spector. Sur les journalistes anglais. Sur la façon de ramener à
la raison un Ramone grognon qui ne veut pas partir en tournée :
"Souviens-toi que tu es un
petit lapin, et que seuls les petits lapins sages ont droit de manger
des carottes...". Heureusement, on trouve des dealers de carottes un peu
partout de par le monde.
Le miracle, c'est que ce ludion de l'autodestruction sorte de ses tripes une bonne partie des chansons qui ont propulsé les Ramones sur le devant de la scène, et qu'il joue de la basse, sans savoir, dit-il. Pourquoi, comment, il ne nous le dit pas vraiment, le livre est plutôt une plongée dans le côté sombre de sa vie. Ça se lit comme on descend un toboggan, c'est rendu en français rèche et direct par Virgine Despentes (en passant sur quelques bosses de traduction : les rockers sauront que les "harps" dans les groupes de blues sont plutôt des harmonicas...)
(Mort aux Ramones, par Dee Dee Ramone et Veronica Kofman, bonne préface de Philippe Manoeuvre, traduit par Virginie Despentes. Au Diable Vauvert, novembre 2002, 17 Euros).