BUCKWEEDS
What's Wrong With Attitude
Fandango
Le nouvel album des Belges est sorti à la
fin de l’été. Il s’intitule What’s Wrong With Attitude et
c’est Fandango Rds, le label de Washington monté par Jake Starr,
le leader du groupe Adam West, qui édite la bête. Warning
: pensez à faire sérieusement insonoriser l’appart’ avant
de glisser la rondelle dans le lecteur (pas de version vinyle pour l’instant)
si vous souhaitez continuer à vivre en bonne intelligence avec les
voisins. Imaginez une hilarante collision sonique entre Motorhead et Zeke
avec un plein container de ”77 punk attitude” en prime. Moins Ramones/Queers
que l’album précédent donc, mais beaucoup plus violent. Chaque
titre est un hymne, vrai de vrai ! Le speedomètre est constamment
dans le rouge, y’a du fun et des filles, des mélodies addictives
et des tonnes de "fuck" au détour des refrains , plus un sketch
pédagogique à hurler de rire sur les différentes utilisations
possibles du mot "fuck" dans la langue de Shakespeare (ou de John Wayne),
exemple "riche" : "Fuck the fucking fuckers". Ajoutez-y des titres porno-punk
comme "Sittin’ On My Face" ("Comment veux-tu que je te dise que je t’aime
si tu t’assois sur ma figure ?") ou des brûlots pied-au-plancher
tel "Fuck Shit Up", bande son idéale pour une descente des Jourdain
Brothers dans une boum de lycéennes, et vous aurez une idée
à peu près conforme de l’ambiance qui règne ici.
Mhhh... Présenté comme ça
j’imagine que ça va en effrayer quelques-uns, alors soyons clair,
il vaut évidemment mieux être fan de heavy-punk (70% punk
/ 30% heavy) pour avoir une chance d’apprécier le traitement comme
il convient. Au réveil ça vous garantit une journée
pour le moins dynamique. L’amateur exclusif de power-pop ou de sixties
sound peut passer son chemin. Tout comme le fan de hard-rock qui ne conçoit
un bon disque que bardé de solos récités par un guitar-hero
bavard. Il y en a bien quelques-uns des solos, de redoutables même,
mais ils dépassent rarement la durée maximum autorisée
par le Code Punk (éditions Fuck You, 1977), soit une dizaine de
secondes. Ce qui n’empêche pas le groupe de reprendre avec humour
et en chœur le célèbre slogan anti-punk des hardos à
la fin des 70’s (jetez donc un œil au dos du deuxième album des
Oblivians) : "Kill a punk for Rock’n’Roll". J'espère que le côté
parodique de l'affaire n'échappera à personne... Et on sait
que les meilleures parodies deviennent parfois des classiques du genre
qu'ils parodient (remember Nazz Nomad ?).
JACK MEATBEAT & THE UNDERGROUND
SOCIETY
Back From WWIII
Munster
A vrai dire, l’écoute de Back From
World War III, l’album testament de Jack Meatbeat & The Underground
Society, relève bien plus de l’expérience mystique que du
matraquage de tympans. Cette bande de cinglés finlandais comptait
parmi ses membres le chanteur argentin (Speedo) et l’un des guitaristes
(Ski) des redoutables Flaming Sideburns. Ils ont enregistré la trame
de ces bandes en 96 à Berlin. Le tout a été savamment
mixé, remixé et overdubbé à l’infini au cours
de diverses sessions qu’on devine épiques, étalées
sur près de trois années aux quatre coins de la planète.
Résultat : un trip lysergico-stoogien dans un bayou exotique
et inquiétant, à bord d’un roller-coaster en furie se muant
à l’occasion en train fantôme grinçant. Tous les morceaux
sont enchaînés, les ambiances planantes explosent sans prévenir,
les effets transforment vos baffles en moulinette à cervelet...
Pas triste ! Prenez les Hypnotics, doublez leurs rations d’acides, ajoutez
un screamer qui se la joue possédé par les esprits du désert,
imaginez les ombres tutélaires des Electras, d’Alice Cooper ou de
Roky Erickson qui planent en ricanant, et vous n'aurez pourtant qu'une
très imparfaite idée du phénomène.
De toute façon, faudrait l’attirail d’un James Bond de
l’acoustique pour discerner tout ce qui se passe entre les sillons. Les
fans du Detroit Sound que n’effrait pas la déjante psychédélique
peuvent prendre leur ticket en toute confiance. Et pour les autres, l’expérience
vaut d’être vécue. Il suffit de monter le son et de se vautrer
sur le canapé.
(Munster Records, P.O. Box 18107, 28080 Madrid -- http://www.munster-records.com
-- munster@munster-records.com)
BOBBYTEENS
Not So Sweet
Estrus
Bubble-gum rock et 70’s Pop se disputent toujours
les influences sur le deuxième album des Bobbyteens (au titre en
forme d’avertissement: Not So Sweet) qui présente une douzaine de
morceaux courts et basiquement R’n’R. Un exemple de disque agréable
sur le moment (c’est déjà ça) mais qui ne laisse
pas un souvenir vraiment impérissable (à part "Let’s Get
It On" et "Late Night TV"). C’est peut-être l’exacte définition
du bubble-gum rock après tout ? En tout cas leurs concerts sont
excitants, les témoins sont unanimes.
MOONEY
SUZUKI
People Get Ready
Estrus
Premier album et coup de maître(s) pour les
cinq New Yorkais de Mooney Suzuki. On évolue en territoire
60’s groove, gospel et soul avec conclusion en forme de clin d’oeil au
MC5 de 68 (). C’est original (à part un ou deux trucs sixties plus
académiques) et secouant. Ce People Get Ready est à ranger
pas loin du troisième album des Oblivians. Une référence...
SOLEDAD
BROTHERS
Estrus
Quand le "broken blues" à la Jack O’ Fire
lance une OPA sur le Velvet de "Run, Run, Run", ça donne un
fantastique "Gospel According To John" qui ouvre cet album et le
taux de satisfaction ne tarde pas à grimper à la bourse du
feeling en béton. Le premier disque des Soledad Brothers est produit
par Jack White, des White Stripes. Comme les White Stripes, les Soledad
Bros sont deux. Et comme les Lord High Fixers, les S. B. sont militants
: Soledad Brothers, c’est le nom que se donnaient entre eux les anciens
détenus de la prison californienne de Soledad, principalement des
militants Black Panthers... Les fans de blues déjanté et
minimaliste ou de country déglinguée seront à la fête,
y’a même une cover de "Gimmie Back My Wig", un traditionnel popularisé
par Hound Dog Taylor, un des must de notre radio show cet automne.
VON
ZIPPERS
Blitzhacker
Estrus
Comme sur leurs opus précédents, les
canadiens Von Zippers pratiquent un garage solide, mi-punk/mi-60’s. Certaines
références aux Lyres ou Cynics attirent l’oreille, la violente
cover de "Summertime Blues" (qui figurait à l’origine sur
un 7’’EP tribut à Blue Cheer) la déchire. L'album s'intitule
Blitzhacker et est composé de divers singles (rares ou beaucoup
moins) et d'extraits de compils pondus par le groupe. Générique
mais efficace.
(Estrus Rds : PO Box 2125, Bellingham, WA 98227, USA)
B MOVIE RATS
Bad For You
Junk
On ne découvre cet album qu’avec cette version
américaine, alors que les bandes étaient parues l’an dernier
sous le titre de Make You Bleed (1000 copies cd only, faut dire) sur le
label écossais Twenty Stone Blatt. Les sessions ont en fait eu lieu
en 98, entre celles du premier album, Killer Woman, (produit comme celui
des Bulemics par l’ami Mariconda), et celles du split album avec les Hellbenders,
Distilled. Ils ont depuis changé de visage avec l’arrivée
d’un nouveau batteur et d’un guitariste supplémentaire (on n’ose
imaginer le vacarme sur scène). M’étonnerait pas qu’ils privilégient
maintenant leurs influences hard rock et "classic rock’n’roll" à
la Stones/Faces.
A l’époque en tout cas, leur hard-punk était aussi
tranchant que la tronçonneuse de Leatherface. Le chanteur se laisse
bien aller à quelques beuglantes à la Rose Tattoo, c’est
dans sa nature. Le titre "Strut" résume bien le concept, avec ses
couplets à la "Savage" des Fun Things, et son break à la
"Let There Be Rock" d’AC/DC. Les racines musclées du punk rock’n’roll
seventies alliées au boogie plombé, le tout mené à
un train d’enfer... Foutrement efficace. A part une version peu marquante
d’un titre de Tony Fate et le répit que procure la reprise pourtant
vigoureuse du standard des Faces "Borstal Boys", l’ensemble déboule
comme une horde de pitbulls affamés. Un must.
(Junk Records, 7071 Warner Ave. F PMB 736, Huntington Beach, CA 92647-5495
-- www. junkrecords.com)
SONNY VINCENT
Hell's Kitchen
Munster
Sonny Vincent est increvable. Alors qu’on l’annonce
de retour sur les routes européennes au printemps avec les punks
hispaniques Safety Pins en backing band (ça promet), voici que sort
un nouvel album studio enregistré avec la paire d’Allemands joyeusement
allumée qui assurait une rythmique robuste, et un suivi parfois
chaotique de ses improvisations scéniques lors de son dernier passage
à Toulouse. Hell’s Kitchen, sous sa couverture sardonique, et malgré
un son un peu inégal, est un efficace dosage de punk éternel
et mélodique, de résurgences stoogiennes (encore), de mid-tempos
barrés et de décharges corrosives dans l’esprit du mémorable
EP avec Wayne Kramer. On y trouve aussi un tube pop magnifique ("Real Cool
Girl") et une reprise de "Search & Destroy"des Stooges (toujours).
Mixez tout ça avec des guitares qui se cabrent comme des broncos
un soir d’orage, et vous obtenez une nouvelle œuvre à la hauteur
de la réputation du bonhomme. La classe ! Il sera à Toulouse
le 9 mars.
(Munster Records, P.O. Box 18107, 28080 Madrid -- http://www.munster-records.com
-- munster@munster-records.com)
SEWERGROOVES
Guided By Delight
Low Impact Rds
Bigre, voilà un grand disque. Des rumeurs
non confirmées jusqu’à présent annonçaient
le split des Sewergrooves, supposément lié à la signature
des Hellacopters sur Universal. On sait que les deux groupes suédois
partagent le même batteur, et qu’il sera peut-être difficile
à ce dernier de poursuivre avec un side-band (faudrait aussi que
Universal autorise Robert à sortir des disques ailleurs que chez
eux). Même si la frappe de brute et le sens du break imprévisible
de Robert 'Copter ajoute à leur charme, l’originalité des
Sewergrooves réside bien plus dans le jeu de guitare fiévreux
et la voix plaintive de Kurt Dräckes (un ex-Purge, groupe de New York,
qui par ailleurs a son propre side-band).
Leur deuxième album, Guided By Delight (toujours sur Low
Impact) est une nouvelle preuve du caractère assez unique de ce
trio. Ils revendiquent l’héritage du hard seventies, de Thin Lizzy,
des Wipers ou de Urge Overkill. Ils impulsent à leurs morceaux l’intensité
du Detroit Sound, lorgnant particulièrement vers le Sonic’s Rendez-Vous
Band (comme les Hellacopters), mais n’hésitent pas à frayer
avec le psychédélisme heavy, placent une ballade confondante,
mais se dégottent une pédale qui-fait-craquer-sérieux-la-guitare
sauvagement écrasée sur deux titres ravageurs. Un album prenant,
difficile à classer, même si les fans des Hellacopters se
retrouveront en terrain familier. Trois 45t ont dû sortir dans la
foulée sur Estrus, Gearhead Rds et le label français Pitshark
Records.
(Low Impact Rds, Box 475, 701 49 Örebro, Suède --
http://drink.to/lowimpact --
Sewergrooves : http://hem.passagen.se/sewer)
TURPENTINES
By Popular Demand
White Jazz
Deuxième album pour ces Suédois, toujours
sur White Jazz. Ils me faisaient penser à un croisement entre la
power-pop américaine et le gros son scandinave sur leur premier,
American Music for American People, et ils enfoncent une nouvelle fois
le clou avec ce By Popular Demand. L’album est produit par Chips K, l’homme
de Sator qui officie depuis de nombreuses années pour les Nomads.
Tiens parlons-en de ceux-là... Comme la plupart des groupes scandinaves,
les Turpentines leur doivent beaucoup, sauf qu’ici ça s’entend vraiment.
Ecoutez donc "Tough Luck Mary-Ann" ou "Useless Memory". Ils adorent aussi
Rocket From the Crypt (l’emprunt à "Born in 69" des RFTC est flagrant
dans "Ain’t My Decision"), les Hellacopters ou Union Carbide Prod. ("500cc").
On notera aussi leur choix de reprises, toujours de bon goût : "Gimme
the Shakes" des Dogmatics sur leur premier 33, "Too Much Too Soon" des
Bishops sur un single Bad Afro et maintenant "The Girl from Baltimore"
des Fleshtones, dans un traitement très... euh, personnel. Si vous
avez aimé le Veni, Vidi, Vicious des Hives, vous devriez apprécier
By Popular Demand même s’il n’est pas tout à fait du même
calibre.
(www.houseofkicks.se)
JERRY
SPIDER GANG
Dope Takin' Kamikazes
Shark Attack Rds
Vous le savez déjà probablement, ici
on aime bien le Jerry Spider Gang, et pas seulement parce que Lo’ Spider,
leur chanteur-guitariste et éminence grise a rejoint le Dig It crew
depuis quelque temps. Pourra t-on nous accuser de copinage pour autant
? Pas sûr, on serait même du genre à être plus
exigeant que d’habitude. N’empêche qu’il a bien fallu se rendre à
l’évidence, le premier album (après un 10"/CD sur Safety
Pin) des Toulousains est plutôt réussi, suffisamment en tout
cas pour les placer dans le peloton de tête des combos frenchy capables
de s’exporter et de concurrencer sans complexes l’hégémonie
scandino-ricaine dans le domaine du riff velu et barbelé d’inspiration
Detroit City. Certes le paysage a déjà été
abondamment exploré (pas si souvent en France d’ailleurs), mais
il est abordé ici avec une énergie et un savoir-faire étonnant.
Le groupe a cassé sa tirelire et joué la carte "gros son"
: une semaine de studio à Bordeaux sous la houlette d’un habile
producteur (Olivier Joffrin, déjà responsable du son des
Greedy Guts et quelques autres) et un mix attentif sur plusieurs semaines
ont suffi au Spider Gang pour cracher ce Dope Takin' Kamikazes (on confirme...)
parfumé à la dynamite. La signature des Hellacopters sur
Universal Music (propriété du groupe Vivendi depuis peu,
pas très rock’n’roll...) vous a laissé perplexe ? Ce CD du
Jerry Spider Gang (chez Shark Attack Rds) est pour vous. Pour peu que les
Stooges, le MC5 ou Radio Birdman (ou le Sonic’s Rendez-Vous Band, ou les
Ramrods...) ne soient pas confinés au fond de votre discothèque
depuis deux siècles, évidemment. Et les quelques légères
erreurs de mixage (l’intro du premier morceau) ou les citations "historiques"
superflues (le riff de "TV Eye" pointe parfois son nez, c’était
déjà le cas sur leur disque précédent) ne constituent
pas des bémols suffisants pour que les fans du genre passent à
côté d’un des bons disques du moment. La version vinyle est
prévue chez Safety Pin très bientôt. Un EP doit tomber
ces jours-ci, on y retrouve entre autres une version vigoureuse du "Bermuda"
de Roky Erickson extraite des mêmes sessions. Le Spider Gang apparait
aussi sur un 7” EP compil édité par Lollipop Rds (en compagnie
des Gasolheads, Machine Gun Kelly, Jerky Turkey, etc...) et on les retrouvera
sur l’hommage aux Flamin’ Groovies et sans doute celui à Turbonegro.
NEW YORK DOLLS
Norton Records
On est en 73, Marty Thau vient de dégotter
un deal avec Mercury Rds pour ses flamboyants poulains les New York Dolls.
Seulement, comme chez Mercury ils veulent savoir où ils mettent
les pieds, le groupe doit d’abord montrer de quoi il est capable et enregistrer
une bande de "démonstration", une démo quoi. Les Dolls
sont entrés en studio et ont quasiment mis en boite tout leur répertoire
de l’époque. Soit 21 morceaux, il manque juste "Hoochie Coochie
Man" et "Endless Party". C'était les premiers enregistrements avec
Jerry Nolan à la batterie. Les bandes dormaient dans un tiroir chez
Marty Thau, les voici éditées en CD par Norton Rds (les notes
de pochette sont signées par M. Thau). Les morceaux sont légèrement
différents des versions "officielles" et le son est plus brut
(mais excellent, rien à voir avec les tonnes de bandes des New York
Dolls au son pourri qui circulent) que sur le premier album. Idéal
pour les Dolls. Pour une fois que des raretés des NYD sont conseillées
à tout le monde, et pas seulement aux fans de chez fans, profitez-en
sans retenue.